L’institut médico-éducatif (IME) l’Éveil à Cormontreuil lance un appel à l’aide à l’ARS Grand Est, suite à l’accueil d’un petit autiste souffrant de troubles sévères.
L’organisme manque de structures adaptées et de moyens humains pour le prendre en charge comme il le doit.
Tout a été décidé très vite par le juge des enfants début avril 2021. Après un incident où le petit Amine, alors âgé de 10 ans, s’est mis en danger lorsqu’il logeait chez sa mère, il a été décidé de le placer dans un organisme spécialisé près de Reims.
Le petit garçon souffre de troubles autistiques sévères et peut en cas de frustrations se montrer violent envers lui-même ou envers les autres. Allant même, une fois, jusqu’à se jeter par la fenêtre du premier étage.
Avant son placement, il a dû faire un passage en psychiatrie adulte. Ce qui désole Josselin Parenté et François Le Bœuf les responsables de l’association et de l’IME l’Éveil, où le petit garçon est désormais pris en charge.
Tout deux comprennent tout à fait pourquoi la Justice a dirigé Amine vers leur établissement, plus adapté qu’un service consacré aux adultes. Mais ils déplorent le manque de réaction de l’ARS à qui ils demandent de l’aide depuis plus d’un an, pour améliorer les structures et les rendre plus adaptées aux cas d’autismes sévères comme celui-ci.
Le seul établissement marnais ayant une section adaptée est l’IME des Papillons Blancs en Champagne. Dans cette section spécialisée en troubles autistiques, l’organisme peut recevoir 20 enfants encadrés par des personnels formés pour les accompagner au mieux. Une vingtaine d’autres enfants sont sur liste d’attente et espèrent pouvoir être pris en charge dans l’établissement. Il était donc impossible pour Amine d’y être placé.
En 24 heures, nous avons dû repenser et restructurer tout notre espace !
Josselin Parenté-Responsable de l’IME l’Éveil
Mais voilà, son arrivée à l’IME l’Éveil n’a pas été simple. « En 24 heures, nous avons dû repenser et restructurer tout notre espace. Comme Amine ne peut pas être placé à un étage, car cela représente un danger pour sa propre sécurité, il ne peut pas dormir dans les dortoirs. Nous avons donc réaménagé en urgence une chambre de l’infirmerie au rez-de-chaussée pour qu’il puisse y dormir. Nous avons dû condamner des fenêtres, doubler les murs, pour le protéger, transformer un espace de travail commun en espace individuel, adapter la cuisine pédagogique en lieu de prise de repas individuel et mettre en place des clôtures pour sécuriser la cour de récréation pendant ses sorties. »
Les changements ont été faits, d’après les responsables de l’IME, très rapidement. « Ils se sont améliorés avec le temps, en un an, nous avons bien sûr réfléchis à accueillir de manière optimale Amine. Mais notre structure n’est pas adaptée, elle manque d’espaces particuliers. Et nos manques se situent également au niveau du personnel qui n’est pas nécessairement formé pour s’occuper de lui comme il le faudrait. Par ailleurs, nos salariés, à force de se prendre des coups de sa part font marcher leur droit de retrait. Ce qui est logique ! Ils voient qu’aucune solution ne nous est apportée par les autorités compétentes, et ils ne sont pas devenus éducateurs pour ça ».
« Nous avons donc des intérimaires qui changent régulièrement et qui ne savent pas s’occuper d’enfants atteints de tels troubles. Ils finissent eux aussi par être dépassés. Ce petit garçon a besoin d’un cadre extrêmement régulier. Contrairement aux autres enfants, il lui faut deux éducateurs par jour, de 7 à 14 heures et de 14 à 21 heures. Il lui faut des habitudes, des personnes précises. Aujourd’hui, un an après son arrivée, ce n’est plus le cas. »
De plus, le week-end, l’établissement doit confier le petit garçon à sa mère aidée par des éducateurs extérieurs, ce qui provoque une rupture dans le suivi d’Amine qui perd ses repères. « Son psychiatre, qui est d’ailleurs celui de l’IME, ne constate pas d’amélioration de son état, ce qui ne nous surprend pas, puisqu’il n’est pas encadré comme il le devrait. Nous faisons de notre mieux, mais nous ne pouvons pas faire plus. C’est pour cette raison que nous avons contacté à nombreuses reprises l’ARS Grand Est, qui mis à part une petite somme d’argent à l’arrivée d’Amine, ne nous apporte pas de solution et ignore totalement les problématiques que nous rencontrons ici. »
Les responsables de l’IME de l’Éveil ont pu compter sur celui des Papillons Blancs en Champagne, Stéphane Fisse, qui a prêté certains de ses éducateurs spécialisés pour qu’ils puissent prendre en charge le petit garçon et les a conseillés sur les structures à mettre en place.
Quatre à cinq nouveaux cas d’autisme sévères qui sont détectés par an dans la Marne
Stéphane Fisse-Responsable de l’IME des Papillons Blancs en Champagne
Pour ce dernier, il y a un réel manque de structures adaptées dans la Marne. « Chaque année, en moyenne, nous avons quatre à cinq nouveaux cas d’autisme sévères qui sont détectés et que nous ne pouvons pas prendre en charge dans notre département. Il faut un local particulier avec de l’espace, des structures spécialisées qui accueillent les enfants 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Car, passé 16 heures, l’enfant n’est pas moins handicapé et les parents plus aptes à le prendre en charge.
Ce qu’il nous faut, c’est une vraie structure avec des espaces de vies pensés pour des enfants qui ne peuvent parfois pas être au contact des autres et des personnels formés aux différentes singularités qu’impliquent les troubles autistiques sévères. Avec un vrai suivi médical. Sachant que nos établissements sont des instituts éducatifs en premier lieu et ne disposent donc pas de suivis médicaux nécessaires aux troubles sévères. À l’heure actuelle, il n’existe aucun établissement de la sorte dans le département et il serait important que cela change ! »
Une problématique loin d’être réservée au seul département de la Marne. « C’est un problème majeur qui concerne l’ensemble du pays, confirme Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France. Il n’y a plus de créations de nouveaux IME pour les enfants depuis 2013, et aujourd’hui les temps d’attente oscillent entre 3 et 5 ans. C’est un problème que l’on a depuis 10 ans, on réclame des moyens mais on n’est pas entendu. On nous parle d’école inclusive, mais l’école n’a pas les moyens de prendre en charge ces enfants, il faudrait des investissements beaucoup plus importants de la part des pouvoirs publics.
De plus, dans ce cas, il y a aussi le problème des agréments. Très peu de structures possèdent les agréments pour pouvoir prendre en charge les cas d’autisme les plus sévères. »
En attendant, les deux IME marnais que nous avons interrogés tirent donc une nouvelle fois la sonnette d’alarme concernant ces cas sévères d’autisme et parlent même de « maltraitance des usagers » concernant la prise en charge actuelle de certains enfants, puisque les structures ne sont plus adaptées. Ils estiment ne pas leur apporter l’aide qu’ils doivent normalement donner.
Après un courrier à Arnaud Robinet, maire (Horizons) de Reims, un autre à Emmanuel et Brigitte Macron l’an dernier, les établissements comptent recontacter le président de la République fraîchement réélu pour lui demander de l’aide.
Source FR3.