Grand âge et handicap : comment concilier droit et éthique ?

Les personnes vulnérables sont de mieux en mieux protégées par la loi, mais cette dernière doit répondre intelligemment à leurs attentes… et être appliquée.

Grand âge et handicap : comment concilier droit et éthique ?

 

Deux décennies après la promulgation de la loi Kouchner sur les droits des patients et de celle rénovant l’action sociale et médico-sociale, la fondation Partage et Vie a choisi le thème des droits et de l’éthique pour ses nouvelles Estivales, en partenariat avec Le Point. Un thème qui s’impose, non seulement en raison de cet anniversaire, mais aussi – et surtout – de la crise du Covid-19. Car les vagues successives de l’épidémie ont eu de multiples retentissements sur la vie des personnes âgées et en situation de handicap, de leurs familles et proches, ainsi que de leurs soignants et des dirigeants des établissements chargés de les accueillir.

« En vingt ans, les lois, nombreuses, se sont étoffées pour préciser les choses et renforcer les droits des personnes vulnérables », note Karine Lefeuvre, juriste, vice-présidente du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et conseillère scientifique à la fondation Partage et Vie sur les questions de droit des personnes et de démocratie en santé. « Nous disposons aujourd’hui d’un dispositif extrêmement protecteur et assez complet. » Et pourtant, sur le terrain, ces lois et leurs décrets ne sont pas toujours suffisamment connus, compris et mis en application.

Le rôle des conseils de vie sociale dans les Ehpad

C’est, par exemple, le cas concernant la désignation de la personne de confiance. Depuis 2002, un patient hospitalisé ou depuis 2015 le résident d’un Ehpad peut donner le nom de celui ou celle qui sera susceptible de témoigner de ses choix, au cas où il ne serait pas en état de s’exprimer. Une personne différente du référent familial qui règle en pratique les questions administratives. « L’appropriation de cette mesure a été très hétérogène », regrette Karine Lefeuvre. « Dans certains établissements, une procédure est en place pour expliquer cette possibilité et aider les usagers à faire leur choix librement. Dans d’autres, ce document disparaît au milieu de tout un dossier et on n’accompagne pas suffisamment le résident qui doit le remplir. »

Le même constat peut être dressé au sujet du fonctionnement des conseils de vie sociale (CVS) dans les Ehpad. En principe, ils doivent être sollicités pour émettre des avis et propositions, quelle que soit l’importance des sujets… En réalité, certains établissements peinent à les réunir, d’autres le font a minima, tandis que d’autres encore se sont emparés de cet outil, en ont fait un forum et l’ont complété par d’autres formes de participation au sein de l’établissement.

« Au-delà de la loi, l’enjeu crucial est de s’emparer des textes, de leur donner vie, voire de prendre un peu de liberté en adaptant le sens prévu au départ – tout en respectant leur esprit – pour mieux répondre à des problématiques quotidiennes », explique la juriste. « Pour moi, droit et éthique forment un couple indépendant et indissociable. Et la crise du Covid a bien remis cette dernière au centre des discussions. » Un exemple concret : un décret du 1er avril 2020 sur le traitement réalisé sur les corps des défunts et sur les rites funéraires a suscité un vent de révolte de la part des professionnels du terrain et des familles. Le CCNE a pris position 15 jours plus tard et le décret a été largement assoupli le 30 du même mois…

Le fait que ce comité ait été aussi souvent sollicité pendant l’épidémie constitue une véritable avancée pour Karine Lefeuvre, bien persuadée que le droit ne pourra désormais plus avancer seul, au moins en matière de santé et de protection des plus vulnérables.

Source LE POINT.

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