Handicap : une reconversion professionnelle réussie…

Contraint de renoncer à son emploi dans les espaces verts, Christophe Bobeau vient d’être recruté en CDI par Quadripack à Saint-Benoît sur un poste adapté.

Chez Quadripack à Saint-Benoît, Christophe Bobeau bénéficie d’un poste adapté à sa situation.

 

Christophe Bobeau ne tourne pas autour du pot : « Je suis hyper bien ici et peut-être que j’y finirai ma carrière… » Ici, c’est l’usine Quadripack à Saint-Benoît, où sont fabriqués les produits d’entretien et d’hygiène écologiques de la marque L’arbre vert. Il vient d’y être embauché en contrat en durée indéterminée pour répondre à une nouvelle orientation. À 48 ans, le Poitevin, reconnu travailleur handicapé, envisage désormais son avenir professionnel plus sereinement.

Une aubaine après une opération à un œil lourde de conséquences l’été dernier. « En raison des contraintes médicales, il ne lui était plus possible de travailler dans les espaces verts, un secteur où Christophe était chef d’équipe chez nous », souligne Virginie Pereira, directrice de STS (Société travail services), entreprise adaptée basée à Poitiers.

« On me donne déjà des responsabilités » C’est à ce titre que Christophe Bobeau avait déjà eu l’occasion d’intervenir pour Quadripack. « On fait régulièrement appel à STS pour certains travaux et Christophe, c’est quelqu’un que j’apprécie, avec une motivation sans faille, indique Sébastien Doucet, directeur général de Quadripack. Quand j’ai eu connaissance de sa situation, j’ai pris contact avec Virginie Pereira. Il se trouve que j’avais un poste fait pour lui en fabrication où on formule les produits qui vont dans l’ensemble des flacons. Je le lui ai proposé et Christophe, en moins de deux semaines de test, a démontré son aptitude en terme de rigueur, de surveillance et d’organisation. » « Il ne faut pas se tromper dans la recette, reprend Christophe, muni d’un scanner à main devant d’immenses cuves. Ça me rappelle mon métier d’origine de boulanger-pâtissier et on me donne déjà des responsabilités. »

Accident à l’âge de 3 ans Il estime se sentir « bien intégré » dans cet environnement qu’il apprivoise. « Je m’entends bien avec mes nouveaux collègues, l’ambiance est bonne et les horaires, du matin ou du soir, me permettent d’entreprendre des choses par ailleurs », apprécie celui qui est trésorier du centre socioculturel Cap Sud à Poitiers. En réalité, ses problèmes oculaires ont démarré à l’âge de 3 ans. « Un accident de bretelles qui m’a valu cinq opérations », se souvient Christophe. Qui, après avoir été charcutier traiteur ou réceptionniste, avait lancé sa société de paysagiste et de pose de panneaux publicitaires.

« On est en train de le former pour progresser » Une greffe de l’œil a tout remis en cause il y a quelques années. « Je ne pouvais plus travailler seul et je suis rentré chez STS. Ce n’est pas évident de dire qu’on a des problèmes de santé. Le handicap n’est pas toujours bien accepté. » Lui n’aime pas rester à ne rien faire. Virginie Pereira : « Il a été arrêté en septembre et octobre après son opération et souhaitait reprendre. Regarder les autres travailler, ça n’allait pas. » Le parcours de Christophe Bobeau prend une autre tournure avec la main tendue de Quadripack.

Après coup, Sébastien Doucet observe : « Christophe est humble et on est en train de le former pour progresser. C’est une reconversion réussie, son inclusion prend tout son sens. » Virginie Pereira abonde : « C’est une réussite totale. » Sur sa cinquantaine de salariés, Quadripack recense quatre personnes en situation de handicap.

Source NOUVELLE REPUBLIQUE.

Le nombre d’agents de la fonction publique en situation de handicap a légèrement reculé en 2021…

INCLUSION Une réforme de la méthode de comptabilisation des agents en situation de handicap et de nombreux départs à la retraite sont à l’origine de cette baisse.

Le nombre d’agents de la fonction publique en situation de handicap a légèrement reculé en 2021

 

En 2021, sur l’ensemble des secteurs de la fonction publique, on comptait 255.859 agents en situation de handicap bénéficiaires de l’obligation d’emploi (5,44 % de l’effectif total), contre 261.318 l’année précédente (5,58 %). Si le taux d’emploi de ces agents est resté quasiment stable dans le versant territorial, il a plongé dans la fonction publique d’Etat, passant de 4,67 % à 4,4 %, a indiqué jeudi le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées (FIPHFP) dans la fonction publique.

Au sein de l’Education nationale, « il y a eu près de 1.900 départs en retraite de personnes en obligation d’emploi », a souligné jeudi lors d’une conférence de presse Marc Desjardins, le directeur du FIPHFP. Un « facteur technique » a également joué dans cette baisse de la proportion d’agents de l’Etat en situation de handicap, a-t-il ajouté.

La méthode de comptabilisation des agents en situation de handicap a changé

Sur un an, le ministère de l’Intérieur a ainsi perdu près de 5.000 bénéficiaires de l’obligation d’emploi (BOE), une régression notamment due à une réforme de la méthode de comptabilisation des agents en situation de handicap. Dans la fonction publique hospitalière, le nombre de BOE a progressé en 2021, mais moins rapidement que l’effectif total du versant. En conséquence, la proportion d’agents handicapés est passée de 5,54 % en 2020 à 5,48 % un an plus tard.

Tous versants confondus, les femmes représentent les deux tiers des agents en situation de handicap (66 %). « Ça a beaucoup évolué dans le temps, en 2008 on était plus ou moins à 50/50 » entre les hommes et les femmes, a relevé Marc Desjardins. « Aujourd’hui, environ un tiers des BOE ont 56 ans et plus. On va probablement assister à des départs à la retraite massifs dans les prochaines années et ce phénomène se traduira potentiellement par un recul du taux d’emploi », a-t-il encore averti.

La loi fixe aux employeurs publics qui salarient au moins 20 agents une obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées. Ceux qui échouent à atteindre ce seuil doivent verser une contribution au Fonds pour l’insertion.

Source 20 MINUTES.

Un nouvel outil pour aider les personnes handicapées dans leurs recherches d’emploi…

Le baromètre Emploi et handicap vient de voir le jour. L’objectif est de permettre aux personnes en situation de handicap d’identifier plus facilement les entreprises les plus inclusives.

Ces dernières peuvent s’y faire référencer si elles le souhaitent. 

Un homme aveugle patient avant un entretien d'embauche.

 

Il existait déjà l’index d’égalité salariale pour évaluer le niveau d’égalité entre les hommes et les femmes. Il y a quelques jours, le 10 mars 2022, le baromètre Emploi et handicap a été lancé pour savoir où en sont les entreprises dans leur démarche d’accueil des travailleurs en situation de handicap.

Il existe de grandes différences entre ces deux outils. Le baromètre Emploi et handicap est rempli de façon strictement volontaire par les entreprises et il ne donne pas lieu à une note sur 100. Il s’agit de permettre aux personnes porteuses d’un handicap de cibler plus facilement les entreprises prêtes à les embaucher.

Le baromètre Emploi et handicap prend en compte six critères. En premier lieu, le taux d’emploi de personnes en situation de handicap. Il devrait s’élever à 6%, mais tourne plutôt autour de 3,5% dans le secteur privé. Ce baromètre prend également en compte l’existence d’une politique handicap dans l’entreprise, avec l’existence d’un référent handicap notamment. Il donne aussi des indications sur le maintien en emploi des collaborateurs handicapés.

Mais les fiches ne sont pas très lisibles

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du progrès à faire. Beaucoup d’informations ne sont pas complètes et il est très difficile de comparer les entreprises entre elles. Mais certaines indiquent, dans la case « commentaire », un contact direct pour les chercheurs d’emploi en situation de handicap. Ces fiches ont le mérite d’identifier certaines entreprises plus avancées que d’autres ou qui ont une démarche volontariste.

A l’inverse, certaines entreprises ont du mal à recruter autant de personnes en situation de handicap qu’elles voudraient. Elles se plaignent du manque de candidats. Certains préfèrent taire leur situation de handicap alors qu’elle pourrait leur faciliter l’accès à l’emploi. Ce baromètre pourrait contribuer à fluidifier ce marché du travail.

Source FRANCE INFO.

 

Handicap: controverse autour des établissements d’aide par le travail…

Leurs « agents de production » perçoivent moins que le Smic: le statut des Esat, ces établissements proposant une activité professionnelle aux adultes handicapés, donne lieu à des « abus », dénonce un livre-enquête, quand le gouvernement met en avant les « nouveaux droits » accordés à ces travailleurs.

Handicap: controverse autour des établissements d'aide par le travail

Une femme assemble un Bleuet de France, symbole de mémoire et de solidarité aux anciens combattants, victimes de guerre, veuves et orphelins dans un Esat à Creuzier-le-Neuf dans l’Allier, le 10 octobre 2014,

Quelque 120.000 personnes handicapées en France travaillent en « milieu protégé » dans 1.500 établissements et services d’aide par le travail (Esat). Elles y assemblent par exemple des composants ou emballent des produits, tout en bénéficiant d’un « soutien médico-social et éducatif en vue de favoriser leur épanouissement », selon les textes officiels.

Cependant pour le journaliste indépendant Thibault Petit, qui a enquêté sur ce secteur, ces établissements « créent structurellement de l’abus »: dans son livre « Handicap à vendre », paru en février aux éditions Les Arènes, il décrit comment certains Esat, pour répondre au mieux aux commandes de leurs clients, imposent des cadences « parfois difficiles à tenir » à leurs agents, qui travaillent 35 heures par semaine pour environ 60% du Smic – dont la majeure partie payée par l’Etat.

Certes, les travailleurs perçoivent en complément l’allocation pour adulte handicapé (AAH), mais celle-ci est ajustée à leur revenu du travail, si bien que les directeurs ne voient pas d’intérêt à augmenter leur rémunération, résume l’auteur. Or, pour le calcul de la retraite ou pour souscrire un emprunt à la banque, seule la rémunération versée par l’Esat est prise en compte, souligne-t-il.

Au final, « on est handicapé (…) quand ça les arrange, mais quand il faut bosser, on ne l’est plus. Faut savoir », s’agace Jérôme, travailleur en Esat dans le Gard, cité dans le livre.

Pour augmenter la productivité, accuse par ailleurs M. Petit, certains gestionnaires sélectionnent leurs travailleurs, au point d’évincer ceux dont le handicap serait trop lourd. « C’est faux: nous ne pouvons pas choisir les personnes qui viennent travailler chez nous », répond à l’AFP Serge Widawski, le directeur général de APF France Handicap, qui gère 53 Esat et « entreprises adaptées » en France.

– « Rapprocher les droits » –

L’ouvrage a suscité la colère de l’Association nationale des directeurs et cadres d’Esat, qui y a vu un « brûlot sans nuance » à la « bile culpabilisatrice ».

Un employé d'un ESAT prépare des sacs d'accueil en matière recyclée pour la conférence sur le climat COP21, le 11 novembre 2015 à Charlieu dans la Loire (AFP/Archives - JEFF PACHOUD)

Un employé d’un ESAT prépare des sacs d’accueil en matière recyclée pour la conférence sur le climat COP21, le 11 novembre 2015 à Charlieu dans la Loire (AFP/Archives – JEFF PACHOUD)

De son côté la secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, a relevé que l’auteur n’avait visité qu’un « faible nombre » d’établissements. Sur le fond, souligne Mme Cluzel auprès de l’AFP, le gouvernement vient justement de présenter un « plan de transformation » des ESAT, dont l’élaboration a commencé il y a plus d’un an – soit bien avant la parution du livre.

Il s’agit de « rapprocher les droits » des travailleurs en Esat de ceux des salariés ordinaires, tout en « sécurisant leur parcours », développe-t-elle. L’enjeu est aussi de faire en sorte que ces établissements spécialisés deviennent « de vrais tremplins » pour les personnes handicapées qui souhaiteraient basculer vers le monde du travail classique, une mobilité actuellement très rare.

Pour ce faire, les personnes concernées pourront désormais cumuler temps partiel en Esat et en entreprise ordinaire. Et celles qui quittent leur Esat pour un emploi salarié pourront, si cette nouvelle expérience se passe mal, retrouver automatiquement leur place en établissement.

Sans les intégrer formellement au Code du travail, la réforme confère aux travailleurs en Esat certains droits dont ils étaient privés jusqu’à présent: ils pourront toucher la « prime inflation » du gouvernement, éliront des délégués du personnel, verront leurs congés exceptionnels alignés sur le droit commun, et l’établissement devra leur payer une mutuelle.

« C’est un premier pas bienvenu, mais il en faudrait d’autres », commente Caroline Jouret Jemmali, du syndicat UNTHI, qui défend les travailleurs « handicapés et invalides ». « Certains Esat font très bien leur travail. Mais d’autres ne pensent qu’à la production et oublient la formation, l’accompagnement adapté », selon la syndicaliste.

Pour l’UNTHI, le statut actuel des travailleurs en Esat devrait être limité dans le temps, car l’établissement « est censé accompagner les personnes vers l’emploi, et pas les cloîtrer pendant 20 ans en les empêchant de faire des projets ». Au bout de cinq ans, si la personne « ne veut pas ou ne se sent pas prête à travailler en entreprise ordinaire, il faudrait augmenter son indemnité, et l’embaucher dans l’Esat avec un vrai CDI », propose Mme Jouret Jemmali.

Source CHALLENGES.

 

ESAT : « Derrière le discours aseptisé, un management sans état d’âme » selon Thibault Petit…

Thibault Petit, journaliste indépendant, auteur de « Handicap à vendre » aux éditions Les Arènes invité de France Bleu Gard Lozère.

ESAT : "Derrière le discours aseptisé, un management sans état d'âme" selon Thibault Petit. illustration

 

Après les Ehpad privés, le scandale des ESAT (établissement et service d’aide par le travail) ? C’est la thèse de Thibault Petit qui publie (à compter de ce jeudi dans toutes les bonnes librairies) un livre au titre évocateur : « Handicap à vendre ». Il est l’invité de France Bleu Gard Lozère à 7h45.

Une enquête de six ans dans divers ESAT dont un en Cévennes, l’ESAT Les Gardons à Salindres. Il y a recueilli le témoignage de Sébastien qui y a été accueilli et vit à Saint-Ambroix dans le Gard. Selon l’auteur, les ex-CAT communiquent beaucoup, « mais derrière le discours aseptisé, un management sans état d’âme« , même si certains, reconnait Thibault Petit, « bricoleurs de l’humain, tentent d’améliorer la situation« .

Source FRANCE BLEU.

Paris : Le Café Joyeux emploie des personnes en situation de handicap. Vidéo….

Sur les Champs-Elysées, le Café Joyeux emploie des personnes en situation de handicap mental et cognitif.

Le Café Joyeux, pour donner du sens à votre déjeuner

 

« Comment donner du travail aux personnes en situation de handicap ? » C’est à partir de ce questionnement que le fondateur du Café Joyeux a créé son concept. Pour aider son ami, atteint de trisomie, à trouver du travail, il a créé un café-restaurant qui emploie des personnes en situation de handicap mental et cognitif. Depuis le lancement août 2020, il l’a développé partout en France avec huit nouveaux établissements. Près de l’Opéra de Paris comme sur les Champs-Elysées, des « équipiers joyeux » habillés en noir et jaune se tiennent prêts à vous accueillir.

20 Minutes vous emmène au café des Champs-Elysées pour les rencontrer, ainsi que leur équipe encadrante, et comprendre leur organisation. Entre dialogues, mise en place de codes couleur et adoption de dispositifs adaptés, les membres du Café Joyeux s’adaptent en continu à leurs équipiers. Augustin Kauffer, responsable de l’établissement parisien, nous montre leur quotidien au travail.

Source 20 MINUTES.

 

Saint-Maximin : des opérations recrutement dédiées aux personnes en situation de handicap. « Plus de 80 % des handicaps ne sont pas visibles »…

Ce type de processus de recrutement reste encore très rare pour les travailleurs en situation de handicap qui sont, au niveau national, deux fois plus touché par le chômage que des travailleurs valides.

Les personnes en situation de handicap sont plus touchées par le chômage que les personnes valides. En France, 27% d'entre elles sont inscrites depuis au moins trois ans sur les fichiers de demandeurs d'emplois. LP/Simon Gourru

 

« Bien sûr que ça bloque les recruteurs, ils se disent qu’on est bon à rien. » Reconnu comme travailleur en situation de handicap, pour des problèmes au dos et à la jambe, Laurent n’a plus travaillé depuis 2016. Alors, à 58 ans, il s’est rendu ce vendredi matin à l’agence Pôle emploi de Saint-Maximin pour une session de recrutement spéciale.

Vingt postes d’agents et deux de chefs d’équipes sont à pourvoir sur le site d’Amazon à Senlis. Particularité, ils sont réservés aux travailleurs handicapés. Des opérations spéciales de recrutement encore inédites il y a un an qui permettent de mieux cibler les besoins spécifiques de ces demandeurs d’emploi deux fois plus touchés par le chômage que le public valide. Environ 350 personnes sont concernées sur l’agence de Saint-Maximin, ils étaient un peu plus de 1600 dans l’Oise en 2020.

« Plus de 80 % des handicaps ne sont pas visibles »

Et qui dit handicap ne dit pas forcément fauteuil roulant. « Plus de 80 % des handicaps ne sont pas visibles », précise Bachir Kordjani, directeur d’APF Entreprises, le réseau d’entreprises adaptés de l’Association des Paralysés de France, à l’origine du partenariat avec Amazon.

Les responsables le martèlent, le handicap n’a le plus souvent aucun effet sur la qualité de travail. « Cela demande des aménagements mais ces personnes sont encore plus motivées car elles savent les freins qu’elles ont eus avant de pouvoir décrocher un job », détaille Vincent Coutourides, directeur de l’agence Pôle emploi de Saint-Maximin.

« Je me suis senti écouté »

Un sentiment appuyé par Bachir Kordjani. « Ici comme ailleurs, nous avons convenu avec Amazon qu’il n’y ait pas de cadences imposées à ces travailleurs. Mais comme les postes sont suivis, on se rend compte que leurs performances sont supérieures. À l’APF, cela ne nous surprend pas. Ce sont des gens qui relèvent la tête après des situations critiques, Certains masquaient même leur handicap de peur d’être discriminés. »

Yassine n’est pas de ceux-là. Ce trentenaire souffre de troubles d’apprentissage qui font qu’il n’arrive pas à lire. « J’ai fait plein de remises à niveau mais il y a un vrai blocage que je n’arrive pas à dépasser », soupire-t-il. Amazon, ce ne sera pas pour lui, trop difficile compte tenu de son handicap. « Mais au moins, par rapport à un entretien classique, je me suis senti écouté et pas jugé », apprécie-t-il.

À Saint-Maximin, deux conseillers sont spécialisés dans l’accompagnement de ces demandeurs d’emploi. « Certains sont presque dans le déni, ils veulent travailler comme des personnes 100 % valides, détaille l’un d’eux, Éric Lefèvre. Il faut les rassurer comme, en face, il faut rassurer les employeurs qui pensent qu’il y a trop de contraintes. »

Source LE PARISIEN.

Macron et le handicap, un programme partiellement tenu. Point complet…

Si le thème de l’inclusion du handicap a été porté avec force pendant cinq ans, de nombreux sujets sur lesquels le président s’était engagé restent en souffrance. 

Macron et le handicap, un programme partiellement tenu. Point complet...(photo d’illustration)

 

Le candidat Emmanuel Macron avait fait de la lutte contre les inégalités subies par les personnes en situation de handicap une de ses priorités en 2017, avec une ambitieuse liste de promesses. Cinq ans après, il est possible de dresser un bilan de l’action de l’exécutif pour une meilleure intégration des quelque 12 millions de personnes concernées.

Si ce thème a été porté avec force pendant cinq ans, plusieurs sujets sur lesquels le président s’était engagé restent en souffrance, tandis que d’autres, imprévus, ont émergé sans toujours satisfaire le monde du handicap. Ecole, emploi, logement, aidants… : le point sur les grands dossiers du quinquennat.

Ce qui était promis et a été (en partie) tenu

  • Renforcer le droit au travail

Emmanuel Macron, candidat, s’était engagé à « favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées » s’il était élu. Au bout de cinq ans, cette promesse n’est que partiellement tenue.

L’effort de l’Etat en faveur de l’emploi des personnes handicapées durant le quinquennat s’est confirmé en passant à près de 1,8 milliard d’euros en 2020, contre 1,7 milliard d’euros en 2017. Les mesures d’aide à l’embauche (4 000 euros pour chaque handicapé employé) et de soutien à l’apprentissage des travailleurs handicapés ont été particulièrement saluées par les acteurs du secteur.

Toutefois, le taux d’emploi et le taux de chômage des travailleurs handicapés n’ont pas significativement évolué en cinq ans : « Les baisses du chômage doivent être analysées avec prudence car elles résultent notamment d’un fort recul de personnes sans emploi en recherche active d’emploi, lié aux restrictions de déplacement suite à la crise Covid », analyse l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées), l’organisme chargé de collecter et de redistribuer les pénalités infligées aux entreprises qui ne respectent pas le quota de recrutement de 6 % de personnes handicapées dans leurs effectifs.

En revanche, le taux de chômage de longue durée (plus d’un an) s’est clairement aggravé. « Les derniers chiffres montrent que lorsque les personnes en situation de handicap sont au chômage, elles y restent durablement, sans perspective de retour sur le marché du travail. La crise Covid a aggravé le phénomène, avec une progression vertigineuse de la durée moyenne d’inscription », décrit APF France handicap.

Les personnes handicapées davantage touchées par le chômage de longue durée


Quant à l’emploi accompagné, dispositif phare de l’exécutif, où un conseiller fait le lien entre l’employeur et l’employé, il ne bénéficie qu’à 6 000 personnes : « Il faut le temps que les accompagnateurs soient formés », justifie la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel.

  • Améliorer l’intégration scolaire

Quelque 70 000 enfants, souvent les plus lourdement handicapés, sont dans des établissements spécialisés médico-sociaux. Parallèlement, 400 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés dans l’école ordinaire (un nombre en hausse de 19 % depuis 2017) avec 125 000 accompagnants (en hausse de 35 %).

Interrogée sur le nombre d’enfants qui ne trouveraient pas de solution, Sophie Cluzel rétorque : « Les associations parlent de 20 000 enfants, mais il s’agirait plutôt de 300 à 400 enfants. Certains sont sur liste d’attente pour un établissement mais ils ont un accompagnement à la maison. »

Bel effort, mais peut mieux faire, jugent les spécialistes : « A chaque rentrée, la scolarisation demeure un leurre pour un certain nombre d’élèves, qui restent encore sans moyens de compensation, sans école ou avec un nombre limité d’heures d’enseignement », regrette Arnaud de Broca, président de Collectif Handicaps. En cause, le manque de formation et la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

Ces accompagnants, en contrat précaire, recrutés à temps partiel, peuvent accompagner plusieurs élèves handicapés par jour dans différents lieux. Ils perçoivent un salaire de 700 euros net par mois en moyenne. Ils n’ont que soixante heures de formation initiale quand leurs collègues italiens, par exemple, bénéficient de deux ans et demi d’apprentissage.

  • Faciliter les démarches administratives

Qu’il s’agisse de la vie quotidienne, de la scolarité ou de l’insertion professionnelle, la prise en charge administrative est assurée par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces structures locales déterminent le taux d’incapacité des personnes et instruisent chaque année, pour 1,7 million de bénéficiaires, quelque 4,5 millions de demandes d’aides, qu’elles soient financières, matérielles ou humaines.

Emmanuel Macron, qui s’était engagé à faciliter les démarches administratives des personnes handicapées, s’est davantage concentré sur la rapidité de traitement des dossiers (très différente d’un département à l’autre) que sur le « référent facilement accessible » mentionné dans son programme – un numéro vert a toutefois été mis en place.

Ainsi, la durée moyenne de traitement d’un dossier était de 4,4 mois au troisième trimestre 2021 contre 4,6 mois en 2019. La durée moyenne de traitement d’un dossier est encore supérieure à six mois dans quatorze départements, alors qu’elle est inférieure à quatre mois dans quarante-sept départements, souligne le secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées.

D’autres mesures visaient à faciliter les démarches : l’allongement de la durée maximale d’attribution de cinq à dix ans de certains droits (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, allocation compensatrice…) et l’octroi des droits à vie pour les personnes dont le handicap est irréversible, comme la trisomie ou une amputation.

  • Donner de l’aide aux aidants

« Nous favoriserons les périodes de répit pour les aidants », promettait Emmanuel Macron. Une promesse une nouvelle fois partiellement tenue : la prise en compte de la situation des personnes aidantes (qui sont environ 8 millions) dans le calcul de l’âge de départ à la retraite a été repoussée avec la réforme de l’ensemble du système de retraite qui devait la contenir.

Le « chèque bilan santé-social » qui devait leur être proposé n’a pas non plus vu le jour. Une plate-forme d’accompagnement s’appuyant sur des équipes de professionnels (Assist’aidant) a bien été créée, mais elle n’opère pour le moment qu’à Paris et en Indre-et-Loire.

En revanche, les aidants en activité peuvent désormais bénéficier d’une indemnisation du congé pris pour aider un proche : l’allocation journalière de proche aidant (AJPA) ou de présence parentale (AJPP), pour les parents d’enfants handicapés, qui a été revalorisée à 58,59 euros par jour depuis le 1er janvier. Toutefois, sa durée est limitée à soixante-six jours. « Cette indemnisation empêchera-t-elle le recours aux arrêts maladie ? Cela reste à voir… », note APF France handicap. A l’image des autres associations, elle salue en revanche la défiscalisation du dédommagement que peut verser l’aidé à l’aidant.

  • Améliorer la protection des majeurs sous tutelle

La France compte entre 800 000 et un million de personnes majeures protégées par une mesure de tutelle, de curatelle ou de sauvegarde de justice. Environ la moitié d’entre elles s’appuient sur leur famille – les autres dépendent de professionnels qui suivent jusqu’à soixante personnes chacun.

« Nous améliorerons la protection juridique des majeurs sous tutelle afin de répondre aux recommandations récentes du Défenseur des droits. Nous développerons les moyens des services des tutelles afin de permettre un encadrement individualisé de qualité de ces personnes », affirmait Emmanuel Macron en 2017. Cinq ans plus tard, cette promesse n’a été que partiellement tenue : la loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019 a permis aux tuteurs de toucher à des comptes bancaires ou de procéder à des opérations médicales importantes sans autorisation du juge. Les majeurs protégés ont retrouvé le droit de vote et peuvent également se marier, se pacser ou divorcer à condition d’informer la personne chargée de leur protection et que celle-ci ne s’y oppose pas.

Pas d’amélioration toutefois pour les professionnels chargés des majeurs protégés : les tuteurs et curateurs professionnels réclament ainsi une hausse de près de 20 % des fonds publics qui leur sont alloués pour rendre le métier plus attractif et augmenter leurs effectifs. « Il faut repenser leur métier », répond la secrétaire d’Etat, qui préconise plus d’autonomie et moins de protection.

Ce qui était promis et a été oublié

  • Améliorer l’accessibilité du logement

Des centaines de milliers de personnes en situation de handicap ont des problèmes d’accessibilité au logement, faute d’aménagements de larges portes, couloirs, salles de bains et toilettes où doit pouvoir manœuvrer un fauteuil roulant…

En 2018, la loi ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) a douché leurs attentes en ramenant de 100 % à 20 % la part des logements neufs devant être obligatoirement accessibles aux personnes handicapées – trop de normes découragerait la construction de ce type de biens.

Les défenseurs de cette mesure soulignaient en outre que les 100 % évoqués cachaient une importante exception, puisque les logements dans des bâtiments inférieurs à quatre étages sans ascenseur étaient dispensés de normes pour handicapés, sauf au rez-de-chaussée. Le décret rendant obligatoire l’installation d’un ascenseur dès que le bâtiment atteint trois étages va donc mécaniquement étendre à beaucoup plus d’immeubles l’application des normes handicapés. Mais, pour les acteurs du monde du handicap, cette mesure ne compensera pas, tant s’en faut, le quota des 20 %.

  • Favoriser l’accessibilité

Selon la déléguée ministérielle à l’accessibilité, 350 000 établissements recevant du public (ERP) seraient accessibles et 700 000 en sont au début des démarches (les délais de mise en conformité ont été reportés à 2024 au moins). Un effort a été réalisé pour les bâtiments publics comme les écoles ou les mairies, mais les commerces, les restaurants et les transports présentent encore un retard conséquent : malgré de nombreuses initiatives, le métro reste très peu accessible, les arrêts de bus sont rarement aménagés, et moins d’un tiers des gares ferroviaires nationales sont adaptées.

« Les textes relatifs à l’accessibilité des locaux de travail ne sont toujours pas publiés. Par ailleurs, la majorité des établissements recevant du public ne sont toujours pas accessibles, et les contrôles et les sanctions en cas de non-respect des obligations ne sont que peu ou pas mis en œuvre », regrette Fabienne Jégu, conseillère auprès de la Défenseure des droits.

Quant à l’accessibilité de l’information politique et citoyenne (obligatoire pour tous les services publics depuis 2012), elle reste largement incomplète : en octobre 2021, 20 % des 250 démarches administratives en ligne les plus utilisées par les Français prenaient en compte l’accessibilité, en ayant préalablement diminué les exigences pour la définir.

Ce qui n’était pas prévu

  • Refuser la déconjugalisation des AAH

Prestation sociale permettant d’assurer un revenu minimum, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) est versée en tenant compte des revenus du conjoint. Emmanuel Macron avait promis, durant la campagne de l’élection présidentielle, de la porter à 900 euros – promesse tenue, avec deux revalorisations exceptionnelles durant le quinquennat. Toutefois ces deux revalorisations se sont accompagnées de modifications de la formule de calcul du plafond de ressources de l’AAH limitant, voire annulant parfois, l’impact des augmentations pour les allocataires vivant en couple, soit environ 9 % des bénéficiaires de l’allocation.

Ces mesures ont d’autant plus de mal à passer auprès du monde handicapé que ce dernier réclame de longue date la déconjugalisation de l’allocation et l’autonomisation du conjoint handicapé au sein de son foyer. « Le gouvernement peut rappeler que les partis de l’opposition n’ont pas adopté [la déconjugalisation] lorsqu’ils étaient au pouvoir. Mais jamais un gouvernement n’avait eu auparavant la possibilité de la faire adopter avec le soutien de l’ensemble des partis politiques », déplore Arnaud de Broca, du Collectif Handicaps.

A la place, l’exécutif a mis en place un nouvel abattement forfaitaire de 5 000 euros appliqué sur les revenus du conjoint non bénéficiaire de l’AAH, majoré de 1 100 euros par enfant.

Prestation sociale permettant d’assurer un revenu minimum, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) est versée en tenant compte des revenus du conjoint. Emmanuel Macron avait promis, durant la campagne de l’élection présidentielle, de la porter à 900 euros – promesse tenue, avec deux revalorisations exceptionnelles durant le quinquennat. Toutefois ces deux revalorisations se sont accompagnées de modifications de la formule de calcul du plafond de ressources de l’AAH limitant, voire annulant parfois, l’impact des augmentations pour les allocataires vivant en couple, soit environ 9 % des bénéficiaires de l’allocation.

Ces mesures ont d’autant plus de mal à passer auprès du monde handicapé que ce dernier réclame de longue date la déconjugalisation de l’allocation et l’autonomisation du conjoint handicapé au sein de son foyer. « Le gouvernement peut rappeler que les partis de l’opposition n’ont pas adopté [la déconjugalisation] lorsqu’ils étaient au pouvoir. Mais jamais un gouvernement n’avait eu auparavant la possibilité de la faire adopter avec le soutien de l’ensemble des partis politiques », déplore Arnaud de Broca, du Collectif Handicaps.

A la place, l’exécutif a mis en place un nouvel abattement forfaitaire de 5 000 euros appliqué sur les revenus du conjoint non bénéficiaire de l’AAH, majoré de 1 100 euros par enfant.

  • Stopper l’exil belge

Le problème du manque de places d’accueil en France et du choix fait pour plusieurs milliers de handicapés (7 000 adultes et 1 500 enfants environ) de s’exiler en Belgique n’est pas nouveau. Mais l’exécutif actuel a fait le choix radical d’un moratoire. Concrètement, Paris et Bruxelles se sont mis d’accord pour qu’il n’y ait plus de nouvelles places créées pour les Français, et ces derniers ne seront pas aidés financièrement s’ils décident de partir. Ceux qui sont déjà installés en Belgique continueront toutefois de bénéficier d’une prise en charge.

« Deux mille cinq cents solutions nouvelles sont installées ou programmées en France pour prévenir les départs non souhaités des personnes en situation de handicap en Belgique », a annoncé le secrétariat d’Etat au handicap le 2 février : 1 600 en Ile-de-France, 630 dans les Hauts-de-France et 270 dans le Grand Est.

Cette décision n’a pas complètement satisfait les associations, dont l’Unapei (fédération d’associations de défense des intérêts des personnes handicapées mentales et de leurs familles), qui se dit très attachée au « libre choix de la personne », notamment pour celles qui résident à proximité de la frontière. Sa vice-présidente, Coryne Husse, rappelle par ailleurs que si ces trois régions sont principalement concernées par les départs, « le manque de solutions est un phénomène global sur tout le territoire ».

Source LE MONDE.

Reims : sourd et chef cuisinier, Grégoire raconte son parcours exceptionnel et sa fierté…

Malentendant, Grégoire Ferrier est avant tout chef cuisinier, mais il a dû se battre pour diriger la brigade d’un restaurant.

Il nous explique son histoire, les embûches qu’il a surmontées, sa pugnacité : une bonne claque aux préjugés.

Le chef Grégoire Ferrier dans la cuisine du restaurant Le Champ du Coq

 

« Merci de ne pas écrire que je suis sourd et muet ». Quand nous prenons contact avec Grégoire, il nous prévient qu’il veut bien parler de son métier, mais sous condition.  Grégoire Ferrier se qualifie de malentendant. Il ne peut comprendre une conversation qu’en lisant sur les lèvres et il n’entend que les bruits très forts. Bref, son handicap est invisible mais omniprésent.

Malentendant de naissance, Grégoire s’est battu contre les préjugés pour vivre de sa passion : la cuisine. Aujourd’hui, ses plats font le succès du restaurant Le Champ du coq , premier établissement à lui proposer la toque de chef.

À l’école déjà, il lutte contre une certaine forme de discrimination et se forge un mental. Sa passion pour la cuisine lui est venue à l’adolescence lorsqu’il observe sa mère et sa grand-mère aux fourneaux. Il se met alors à participer à des challenges de cuisine dont deux où il sort lauréat, puis enchaîne les stages et formations jusqu’à son entrée en BEP dans une école parisienne.  « La formation n’a pas été facile la première année […].  O n me disait que j’allais échouer aux examens. Je leur ai répondu que j’avais toutes les capacités. »

Une rencontre

Prétendre au poste de chef cuisinier n’est pas une mince affaire, un rêve qui peut s’avérer d’autant plus compliqué à concrétiser pour une personne en situation de handicap. « J’ai eu beaucoup de refus de la part de restaurateurs qui ne voulaient pas embaucher un malentendant, ça m’a beaucoup frustré. J’ai eu du mal, ce n’est pas facile, on est confronté à énormément de difficultés, raconte Grégoire sur le plateau de l’émission Vous êtes formidables. Je proposais même des essais d’un mois, mais j’étais assez vite évincé, comme si mon niveau n’était pas similaire à celui d’un autre. Je ne voulais pas travailler dans un self mais dans un vrai restaurant. Je me suis battu pour ça. »

Bien qu’il enchaîne les expériences de cuisinier dans plusieurs restaurants, le parcours pour devenir chef semble interminable. Pourtant, au mois de septembre 2021, un ami lui fait rencontrer la restauratrice Nathalie Lallouette alors à la recherche d’un chef cuisinier pour son établissement  Le Champ du coq à  Witry-lès-Reims (Marne). « Grégoire est venu se présenter et ça a été le coup de foudre de suite. Il est entré dans la cuisine et en a pris possession en un quart d’heure. Quelques jours après il faisait son premier service de 120 couverts. » Une intégration  presque naturelle après un court entretien et sans même un essai.

Une petite révolution pour lui et ceux qui ont osé lui faire confiance. Cependant, le cas de Grégoire reste une exception dans le secteur de la restauration. Du  « jamais vu en plus de trente ans de carrière » pour Nathalie Lallouette, un pari que ses confrères restaurateurs n’auraient guère risqué nous affirme-t-elle .

Sixième sens

Il n’entend presque rien mais ressent tout et prouve à ceux qui doutent encore qu’être chef ne dépend pas de sa capacité à entendre. « J’ai mes mains pour travailler, je peux faire des choses. C’est la première fois pour moi. On me l’a proposé, j’ai essayé et on a réussi. Ça m’a vraiment touché, j’étais très ému » , raconte le chef Grégoire Ferrier.

Une prouesse qui donne une claque aux préjugés. Sa responsable nous l’assure, il ne sera pas la dernière personne en situation de handicap à être embauchée. « Je pense que quand on a un souci comme ça, on développe d’autres choses encore plus fortes. […] Je n’ai jamais vu un chef avec une telle concentration et sincèrement, il arrive à se faire comprendre de tous, je n’ai même pas l’impression qu’il a un handicap. »

Je n’ai jamais vu un chef avec une telle concentration et sincèrement, il arrive à se faire comprendre de tous, je n’ai même pas l’impression qu’il a un handicap.

Nathalie Lallouette

Cette absence quasi totale d’audition lui confèrerait presque un sixième sens. « Il a des yeux dans le dos, on ne peut pas faire une bêtise sans qu’il nous voie, plaisante Nathalie pour souligner la grande concentration dont il fait part. Il surveille tout, il n’y a pas un plat qui sort de la cuisine sans qu’il ait le regard dessus, et il donne des conseils à tout le monde. »

Des plats remarquables

« J’ai un petit carnet avec des idées de recettes […] j’en parle avec ma femme et mes collègues, et mon imagination fait le reste du travail. » Des sources d’inspirations diverses qui mènent quelquefois à des associations insolites. Avant de proposer un gâteau au chocolat et à la courgette à la carte du restaurant, le chef a testé l’idée avec ses proches, « ma fille à beaucoup aimée, donc je me suis dit que ça doit marcher ».

Des légumes aux fruits, le chef Ferrier ne travaille que des produits frais de saison . « On a déjà accueilli des clients qui n’aimaient pas les endives, manger les endives braisées de Grégoire » nous raconte Nathalie , la gérante. Un talent sur lequel l’établissement a tenu à rester discret au départ. Ce sont d’après Nathalie les savoureux plats de l’équipe qui o nt attiré l a clientèle aux portes de la cuisine. « Les clients, contents de manger de bonnes choses, nous ont demandés s’ils pouvaient aller féliciter le chef, et c’est là qu’on les a prévenus. Maintenant, ils sont tous au courant. »

De la toque de cuisinier à celle du chef, il faut ajouter à la technique la coordination d’une brigade de douze personnes, une tâche compliquée pour une personne malentendante comme Grégoire.

« Au début, je ne les connaissais pas mais j’arrivais à communiquer avec eux. Si mes collègues ne connaissent pas une recette, je leur explique et leur montre, et ensuite ils le font de manière autonome. […] Le souci que nous avons actuellement, c’est le port du masque car j’ai besoin de lire sur les lèvres de mes collègues pour les comprendre. Il faut baisser le masque en gardant une distanciation sociale, il faut faire du mime, de l’écrit. Mais on s’y est habitué très vite. »

Une brigade qui obéit au doigt et à l’œil

Une méthode visuelle qui, en dépit des gestes barrières, permet à Grégoire de réduire la portée de son handicap. Son secret pour motiver et conseiller son équipe ? « Tout est dans la préparation. Il faut être bien organisé pour être prêt. Tout le monde sait ce qu’il a à faire, il ne faut pas qu’à la dernière minute il y ait des imprévus. » Concentré sur l’organisation de sa brigade, il met tout en œuvre que chacun puisse donner le meilleur.

Grégoire Ferrier et Franck Buchmann communiquent en cuisine

Ce n’est pas Franck Buchmann, cuisinier depuis plus de trente ans, qui nous en dira le contraire. « Avec le nombre d’années dans le métier, on arrive à se comprendre sans vraiment avoir besoin de s’écrire. On s’organise, on sait où on va et ce que l’on fait. »

Outre la disposition de la cuisine et d’un réfrigérateur, l’arrivée de Grégoire Ferrier a bouleversé toute l’équipe du restaurant. « On a soif d’apprendre cette langue maintenant, mais aussi la clientèle de l’établissement. Beaucoup de clients vont le féliciter, tous arrivent à se faire comprendre. »

Entre collègues justement, l’ambiance semble être sympathique en cuisine. « C’est un bonheur de travailler avec lui tous les jours, c’est quelqu’un qui amène une belle joie de vivre avec beaucoup d’humour », témoigne Jean-Marc, le barman.

Avec le bouche-à-oreille, des dizaines de messages lui ont déjà été adressés pour le féliciter, lui et son équipe, mais aussi plus personnellement pour le remercier de « donner de l’espoir aux enfants ». Le chef fait figure d’exemple à suivre et prouve qu’être malentendant n’empêche pas d’aller au bout de ses rêves.

« Il faut laisser sa chance à tout le monde. La preuve. Là le handicap, il n’y en a pas, témoigne William, un client du restaurant. Ça se voit qu’il a envie de faire plaisir aux gens, il a des idées qui sortent vraiment de l’ordinaire, ça se retrouve à travers ses plats très colorés et bien assaisonnés qui ne sont pas habituels dans des restaurants »,  raconte à son sujet Maëlle, la compagne d’un serveur. « Hormis qu’il soit très bon cuisinier, c’est une belle personne comme il n’y en a plus beaucoup. Ça nous donne une joie incroyable », conclut Nathalie.

À 37 ans, Grégoire a su attendre son heure avec obstination. Après seize ans de carrière, il décroche enfin son premier poste de chef, une fierté et un rêve d’enfance réalisé. « Ça me touche beaucoup qu’ils aient confiance en moi. Je remercie Nathalie de m’avoir embauché, de m’avoir permis de réaliser mon rêve d’être chef, et en tant que personne malentendante, de montrer que je peux être chef. »

Source FR3.

Handicap et emploi: comment savoir si une entreprise est adaptée?…

Une personne en situation de handicap doit avoir accès au marché du travail. Mais pour être bien dans son emploi, mieux vaut choisir une entreprise adaptée à ses besoins spécifiques.

Handicap et emploi

 

Pour travailler, une personne en situation de handicap a plusieurs options: occuper un poste dans une entreprise ordinaire adaptée à ses besoins ou être employée dans une entreprise spécifique. Dans les deux, il s’agit de trouver le poste qui vous convient. Découvrez nos conseils pour savoir si une entreprise peut vous accueillir avec vos spécificités. 

Travailler dans une entreprise adaptée (EA)

Une entreprise adaptée est une société ordinaire qui a la spécificité d’accueillir au moins 55% de salariés en situation de handicap. Son but est d’accompagner le projet professionnel du travailleur pour l’aider à valoriser ses compétences et à maintenir son emploi au sein de l’entreprise ou auprès d’un autre employeur. Ces sociétés offrent les mêmes types de contrats que les autres (CDD, CDI, contrats de professionnalisation et autres contrats d’apprentissage) et proposent de véritables missions professionnelles, mais elles sont plus tournées vers l’accompagnement.

Elles bénéficient d’aides financières de l’État pour y parvenir et compenser les conséquences éventuelles du handicap.

Pour postuler à un emploi dans ce type d’entreprise, vous devez être titulaire d’une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur handicapé (RQTH). Pour vous aider dans votre recherche pour ce type de structure, vous pouvez faire appel à Pôle emploi, aux missions locales, à la Maison départementale des Personnes handicapées (MDPH) la plus proche de votre domicile, ou contacter directement la société si vous répondez aux critères définis par l’annonce.

Occuper un poste dans une entreprise ordinaire

Vous pouvez aussi chercher un emploi dans une entreprise ordinaire. Pour trouver la structure qui saura s’adapter à vos besoins, vous devrez mener des recherches minutieuses. Sélectionnez en priorité les offres d’emploi qui mentionnent l’ouverture au handicap.

Vous pouvez aussi rechercher sur les sites Internet des sociétés ou dans les médias si l’entreprise qui vous intéresse a une mission handicap ou a mis en place des projets ou des actions dans un but d’inclusion. Certaines sociétés sont également partenaires d’associations qui œuvrent en faveur du handicap. Ces informations signalent les entreprises adaptées ou adaptables aux personnes en situation de handicap.

Mais rien ne vous empêche de candidater à des postes dans des sociétés qui ne précisent rien de particulier, cela ne signifie pas qu’elles ne pourront pas vous accueillir dans de bonnes conditions. Sachez d’ailleurs que toute entreprise de plus de vingt salariés a l’obligation d’employer au minimum 6% de personnes en situation de handicap. Si vous remplissez les critères de l’offre d’emploi en termes de qualifications, votre condition particulière ne sera pas forcément un frein à l’embauche, au contraire.

(Par la rédaction de l’agence hREF)

Source CHALLENGES.