Reims : sourd et chef cuisinier, Grégoire raconte son parcours exceptionnel et sa fierté…

Malentendant, Grégoire Ferrier est avant tout chef cuisinier, mais il a dû se battre pour diriger la brigade d’un restaurant.

Il nous explique son histoire, les embûches qu’il a surmontées, sa pugnacité : une bonne claque aux préjugés.

Le chef Grégoire Ferrier dans la cuisine du restaurant Le Champ du Coq

 

« Merci de ne pas écrire que je suis sourd et muet ». Quand nous prenons contact avec Grégoire, il nous prévient qu’il veut bien parler de son métier, mais sous condition.  Grégoire Ferrier se qualifie de malentendant. Il ne peut comprendre une conversation qu’en lisant sur les lèvres et il n’entend que les bruits très forts. Bref, son handicap est invisible mais omniprésent.

Malentendant de naissance, Grégoire s’est battu contre les préjugés pour vivre de sa passion : la cuisine. Aujourd’hui, ses plats font le succès du restaurant Le Champ du coq , premier établissement à lui proposer la toque de chef.

À l’école déjà, il lutte contre une certaine forme de discrimination et se forge un mental. Sa passion pour la cuisine lui est venue à l’adolescence lorsqu’il observe sa mère et sa grand-mère aux fourneaux. Il se met alors à participer à des challenges de cuisine dont deux où il sort lauréat, puis enchaîne les stages et formations jusqu’à son entrée en BEP dans une école parisienne.  « La formation n’a pas été facile la première année […].  O n me disait que j’allais échouer aux examens. Je leur ai répondu que j’avais toutes les capacités. »

Une rencontre

Prétendre au poste de chef cuisinier n’est pas une mince affaire, un rêve qui peut s’avérer d’autant plus compliqué à concrétiser pour une personne en situation de handicap. « J’ai eu beaucoup de refus de la part de restaurateurs qui ne voulaient pas embaucher un malentendant, ça m’a beaucoup frustré. J’ai eu du mal, ce n’est pas facile, on est confronté à énormément de difficultés, raconte Grégoire sur le plateau de l’émission Vous êtes formidables. Je proposais même des essais d’un mois, mais j’étais assez vite évincé, comme si mon niveau n’était pas similaire à celui d’un autre. Je ne voulais pas travailler dans un self mais dans un vrai restaurant. Je me suis battu pour ça. »

Bien qu’il enchaîne les expériences de cuisinier dans plusieurs restaurants, le parcours pour devenir chef semble interminable. Pourtant, au mois de septembre 2021, un ami lui fait rencontrer la restauratrice Nathalie Lallouette alors à la recherche d’un chef cuisinier pour son établissement  Le Champ du coq à  Witry-lès-Reims (Marne). « Grégoire est venu se présenter et ça a été le coup de foudre de suite. Il est entré dans la cuisine et en a pris possession en un quart d’heure. Quelques jours après il faisait son premier service de 120 couverts. » Une intégration  presque naturelle après un court entretien et sans même un essai.

Une petite révolution pour lui et ceux qui ont osé lui faire confiance. Cependant, le cas de Grégoire reste une exception dans le secteur de la restauration. Du  « jamais vu en plus de trente ans de carrière » pour Nathalie Lallouette, un pari que ses confrères restaurateurs n’auraient guère risqué nous affirme-t-elle .

Sixième sens

Il n’entend presque rien mais ressent tout et prouve à ceux qui doutent encore qu’être chef ne dépend pas de sa capacité à entendre. « J’ai mes mains pour travailler, je peux faire des choses. C’est la première fois pour moi. On me l’a proposé, j’ai essayé et on a réussi. Ça m’a vraiment touché, j’étais très ému » , raconte le chef Grégoire Ferrier.

Une prouesse qui donne une claque aux préjugés. Sa responsable nous l’assure, il ne sera pas la dernière personne en situation de handicap à être embauchée. « Je pense que quand on a un souci comme ça, on développe d’autres choses encore plus fortes. […] Je n’ai jamais vu un chef avec une telle concentration et sincèrement, il arrive à se faire comprendre de tous, je n’ai même pas l’impression qu’il a un handicap. »

Je n’ai jamais vu un chef avec une telle concentration et sincèrement, il arrive à se faire comprendre de tous, je n’ai même pas l’impression qu’il a un handicap.

Nathalie Lallouette

Cette absence quasi totale d’audition lui confèrerait presque un sixième sens. « Il a des yeux dans le dos, on ne peut pas faire une bêtise sans qu’il nous voie, plaisante Nathalie pour souligner la grande concentration dont il fait part. Il surveille tout, il n’y a pas un plat qui sort de la cuisine sans qu’il ait le regard dessus, et il donne des conseils à tout le monde. »

Des plats remarquables

« J’ai un petit carnet avec des idées de recettes […] j’en parle avec ma femme et mes collègues, et mon imagination fait le reste du travail. » Des sources d’inspirations diverses qui mènent quelquefois à des associations insolites. Avant de proposer un gâteau au chocolat et à la courgette à la carte du restaurant, le chef a testé l’idée avec ses proches, « ma fille à beaucoup aimée, donc je me suis dit que ça doit marcher ».

Des légumes aux fruits, le chef Ferrier ne travaille que des produits frais de saison . « On a déjà accueilli des clients qui n’aimaient pas les endives, manger les endives braisées de Grégoire » nous raconte Nathalie , la gérante. Un talent sur lequel l’établissement a tenu à rester discret au départ. Ce sont d’après Nathalie les savoureux plats de l’équipe qui o nt attiré l a clientèle aux portes de la cuisine. « Les clients, contents de manger de bonnes choses, nous ont demandés s’ils pouvaient aller féliciter le chef, et c’est là qu’on les a prévenus. Maintenant, ils sont tous au courant. »

De la toque de cuisinier à celle du chef, il faut ajouter à la technique la coordination d’une brigade de douze personnes, une tâche compliquée pour une personne malentendante comme Grégoire.

« Au début, je ne les connaissais pas mais j’arrivais à communiquer avec eux. Si mes collègues ne connaissent pas une recette, je leur explique et leur montre, et ensuite ils le font de manière autonome. […] Le souci que nous avons actuellement, c’est le port du masque car j’ai besoin de lire sur les lèvres de mes collègues pour les comprendre. Il faut baisser le masque en gardant une distanciation sociale, il faut faire du mime, de l’écrit. Mais on s’y est habitué très vite. »

Une brigade qui obéit au doigt et à l’œil

Une méthode visuelle qui, en dépit des gestes barrières, permet à Grégoire de réduire la portée de son handicap. Son secret pour motiver et conseiller son équipe ? « Tout est dans la préparation. Il faut être bien organisé pour être prêt. Tout le monde sait ce qu’il a à faire, il ne faut pas qu’à la dernière minute il y ait des imprévus. » Concentré sur l’organisation de sa brigade, il met tout en œuvre que chacun puisse donner le meilleur.

Grégoire Ferrier et Franck Buchmann communiquent en cuisine

Ce n’est pas Franck Buchmann, cuisinier depuis plus de trente ans, qui nous en dira le contraire. « Avec le nombre d’années dans le métier, on arrive à se comprendre sans vraiment avoir besoin de s’écrire. On s’organise, on sait où on va et ce que l’on fait. »

Outre la disposition de la cuisine et d’un réfrigérateur, l’arrivée de Grégoire Ferrier a bouleversé toute l’équipe du restaurant. « On a soif d’apprendre cette langue maintenant, mais aussi la clientèle de l’établissement. Beaucoup de clients vont le féliciter, tous arrivent à se faire comprendre. »

Entre collègues justement, l’ambiance semble être sympathique en cuisine. « C’est un bonheur de travailler avec lui tous les jours, c’est quelqu’un qui amène une belle joie de vivre avec beaucoup d’humour », témoigne Jean-Marc, le barman.

Avec le bouche-à-oreille, des dizaines de messages lui ont déjà été adressés pour le féliciter, lui et son équipe, mais aussi plus personnellement pour le remercier de « donner de l’espoir aux enfants ». Le chef fait figure d’exemple à suivre et prouve qu’être malentendant n’empêche pas d’aller au bout de ses rêves.

« Il faut laisser sa chance à tout le monde. La preuve. Là le handicap, il n’y en a pas, témoigne William, un client du restaurant. Ça se voit qu’il a envie de faire plaisir aux gens, il a des idées qui sortent vraiment de l’ordinaire, ça se retrouve à travers ses plats très colorés et bien assaisonnés qui ne sont pas habituels dans des restaurants »,  raconte à son sujet Maëlle, la compagne d’un serveur. « Hormis qu’il soit très bon cuisinier, c’est une belle personne comme il n’y en a plus beaucoup. Ça nous donne une joie incroyable », conclut Nathalie.

À 37 ans, Grégoire a su attendre son heure avec obstination. Après seize ans de carrière, il décroche enfin son premier poste de chef, une fierté et un rêve d’enfance réalisé. « Ça me touche beaucoup qu’ils aient confiance en moi. Je remercie Nathalie de m’avoir embauché, de m’avoir permis de réaliser mon rêve d’être chef, et en tant que personne malentendante, de montrer que je peux être chef. »

Source FR3.

Un homme muet depuis quinze ans peut à nouveau s’exprimer grâce à un implant cérébral…

L’exploit consiste à décoder les mots que le patient s’imagine prononcer à haute voix.

 

Ce mercredi 14 juillet, une équipe de recherche californienne a annoncé avoir développé puis testé avec succès un implant cérébral expérimental qui permet de traduire des signaux cérébraux en mots sur un écran d’ordinateur, rapporte The Wall Street Journal.

L’exploit, décrit dans un article du New England Journal of Medicine, marque une étape dans la technologie qui pourrait un jour aider les individus à parler grâce à la pensée. Pour le moment, il est surtout une immense lueur d’espoir pour toutes les personnes qui perdent la parole chaque année, des suites d’un accident ou d’une maladie.

Pour tester cette neuroprothèse vocale, les scientifiques de l’Université de San Francisco ont fait appel à un homme d’une trentaine d’années ayant perdu la parole à la suite d’une paralysie causée par un accident vasculaire cérébral survenu quinze ans auparavant. Le patient, qui communiquait jusque-là grâce à un pointeur et un écran, a accepté de se faire greffer un réseau d’électrodes sur la surface externe du cerveau.

Une machine qui lit dans les pensées

Durant quatre-vingt-une semaines et au cours de cinquante sessions, les chercheurs ont enregistré l’activité cérébrale de ce patient pendant qu’il observait des mots affichés sur un écran et qu’il s’imaginait les prononcer à voix haute. Ils ont pu identifier avec précision le mot que l’homme prononçait 47% du temps. Puis, lorsqu’ils ont ajouté un algorithme de prédiction des mots –semblable à celui de suggestion automatique des programmes d’e-mail ou de traitement de texte–, la précision a atteint 76%.

«À notre connaissance, il s’agit de la première expérience réussie de décodage direct de mots complets à partir de l’activité cérébrale d’une personne incapable de parler», affirme Dr Eddie Chang, neurochirurgien à l’Université de San Francisco. L’étude a non seulement prouvé que la zone du cerveau responsable de la parole continue de fonctionner des années après la perte de la capacité de parler, mais elle a également démontré que les ordinateurs peuvent être capables de décoder des mots complets à partir de l’activité cérébrale, et pas seulement des lettres, souligne Amy Orsborn, professeure adjointe en bio-ingénierie de l’Université de Washington.

Toutefois, la Dr Orsborn rappelle qu’en raison du taux d’erreur assez élevé, du vocabulaire limité de l’appareil ainsi que du fait qu’il mette beaucoup de temps à reconnaître les mots imaginés, cette technologie n’en est encore qu’à ses balbutiements.

Ni le patient ni sa famille n’ont pour l’instant commenté cette expérience, l’Université de Californie ayant précisé que l’homme préférait rester anonyme. La neuroprothèse vocale qu’il a utilisée n’étant qu’un appareil expérimental, il poursuit évidemment l’étude avec les scientifiques, dont le but est de parvenir à décoder davantage de mots. «Il se sent très épanoui, a confié le Dr Moses, un scientifique de l’université. Il contribue à la recherche à sa manière et en retire beaucoup de joie.»

Source SLATE.