Désert médical. Comment réduire la pénurie de soignants, à la ville comme à la campagne…

Echange d’expérience et de propositions pour lutter contre la pénurie de soignants en Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans les zones rurales comme dans les grandes agglomérations, il devient de plus en plus difficile de trouver des médecins ou encore des infirmiers. C’est ce phénomène, de plus en plus répandu, que l’on appelle « le désert médical »

 

Autour de la table, un médecin généraliste lyonnais, un infirmier libéral dans la Loire, une élue départementale dans l’Ain et un responsable d’association de patients en lutte dans l’Allier.

La santé, c’est un sujet essentiel pour les français. Selon l’Agence régionale de santé, les dépenses de santé des habitants de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont avoisiné  les 23 milliards d’euros en 2015. Ce qui représente tout de même 11,6% des dépenses nationales, et pas moins de 2935 euros par personne.

Et pourtant, dans cette région, dans les zones rurales comme dans les grandes agglomérations, il devient de plus en plus difficile de trouver des médecins ou encore des infirmiers. C’est ce phénomène, de plus en plus répandu, que l’on appelle « le désert médical ». Il fait désormais partie des thèmes de la campagne présidentielle. Sur le terrain, les soignants, les patients et les élus locaux sont déjà très impactés.

Profession : infirmier libéral

Mathieu Ferlay, 33 ans, est infirmier libéral dans la Loire, au Chambon-Feugerolles. Avant cela, il a travaillé dans les hôpitaux « Pas très longtemps, en raison des problèmes de gestion des équipes, ce que je trouvais trop compliqué » précise-t-il. Il a également fait beaucoup d’intérim pour gagner une polyvalence dans sa pratique. Dès qu’il a pu, il a cumulé une expérience en Ehpad et des remplacements en tant qu’infirmier sur le terrain.

Aujourd’hui, son quotidien est fait de visites et de soins à domicile. « On fait très peu de soins au cabinet. On va principalement au domicile des gens pour faire toutes sortes de soins, de la simple injection jusqu’à des soins un peu plus complexes, comme des perfusions. Une prise en charge plus globale, avec des soins d’hygiène, de confort… » Il effectue jusqu’à 50 visites par jour, cinq jours par semaine. « On commence vers 5h45 le matin, pour finir vers 21h avec une petite coupure d’une heure ou deux. »

Il soigne majoritairement des personnes âgées. « Elles ont principalement des difficultés pour se déplacer, souffrant de maladies chroniques, comme des personnes diabétiques. » Pour les rencontrer, il effectue de nombreux kilomètres dans la Vallée de l’Ondaine… jusqu’à 150 kilomètres par jour. « Ca fait des journées intensives. On a eu un étudiant, récemment. Au bout d’une journée, il m’a dit qu’il avait l’impression que plusieurs jours s’étaient écoulés » raconte-t-il, en souriant.

Malgré cette charge, Mathieu a la passion de son métier. Il l’a notamment démontré le 31 décembre 2021. Ce matin-là, en sortant d’une visite, il s’est fait très violemment agressé par deux individus qui ont tenté de lui voler sa voiture. Malgré les importantes blessures, il pense alors d’abord… à contacter une collègue pour s’assurer qu’elle pourra faire sa tournée à sa place, avant de se rendre à l’hôpital, et ensuite de porter plainte. « J’ai pensé à tout mon travail qui attendait. Je ne pouvais pas tout laisser comme ça », confirme-t-il.

Un attachement à sa profession qu’il revendique, même si il implique, pour ces professionnels, une vie sociale parfois compliquée. « Je vis correctement, mais c’est parce que je travaille énormément. J’ai deux enfants, mais ma compagne travaille à temps partiel. Lorsqu’on a fondé le cabinet, je collaborais avec une amie. Elle a dû s’arrêter parce qu’elle s’est séparée de son mari, alors qu’ils avaient un enfant. Ce n’était plus possible, car elle ne voyait plus son enfant. »

Ce métier est intéressant, varié. Il a un sens. On se sent utile

 

Mathieu n’est pas du genre à se plaindre. « Je parviens à profiter de mes enfants lorsque l’on a, quelquefois, des semaines un peu plus légères », balaye-t-il. « On a quand même des liens privilégiés avec nos patients. Pour certains, on va jusqu’à trois fois par jour chez eux. Ce métier est intéressant, varié. Il a un sens. On se sent utile. Quand je me lève le matin, je sais que c’est important que je le fasse. »

Médecin généraliste dans un quartier populaire

Le docteur Florence Lapica est médecin-généraliste dans le 8ème arrondissement de Lyon. Elle exerce dans une maison pluridisciplinaire, en zone urbaine, dans un quartier populaire, proche du boulevard périphérique. « On alterne des consultations de bébés, des femmes enceintes, des personnes âgées. On a un métier passionnant. Je pense que l’on apporte beaucoup aux patients, mais qu’ils nous apportent, eux-aussi, énormément, sur le plan humain. » C’est tout de même une charge importante. « On a à la fois les décisions médicales et aussi beaucoup de prise en charge médico-sociale. Ça signifie qu’il faut s’assurer, presque systématiquement, que le patient va pouvoir, par exemple, aller faire sa prise de sang, se rendre à l’hôpital. »

Elle a évidemment fait ce choix de devenir soignant au plus près du terrain, en cœur de ville, en cabinet. « Par rapport à l’hôpital, ce sont des enjeux différents. Les parents ne viennent pas nous voir dans les mêmes conditions. C’est vraiment la médecine de proximité. C’est se demander comment, avec les patients, dans leur milieu de vie, avec tout ce qui leur arrive à côté, on peut mettre en place leurs traitements. Parfois, on ne peut pas. D’autres fois, d’autres problèmes de santé surviennent. Il faut parvenir à adapter tout ça, en fonction de la vie des gens. »

Plus on est en lien entre soignants, plus on parvient à nous aider nous-même

 

Cette généraliste compose, elle-aussi, autant qu’elle le peut sa vocation prenante, avec une vie personnelle équilibrée. « J’ai pu un peu organiser mes semaines. Le lundi, je fais surtout des visites au domicile, puis dans les maisons de retraite. Ce qui me permet de finir un peu plus tôt ce jour-là. Mais en général, je commence à 8h et je finis à 20h. » Travailler dans une maison de santé lui apporte une forme de soutien. « Cela soulage de pouvoir échanger entre nous, avec les pharmaciens, les infirmiers, les kinés, la psychologue, les orthophonistes. Je crois que c’est encore plus riche dans un quartier comme le nôtre, où il y a des difficultés sociales, de l’addictologie à l’alcool, parfois la drogue. Plus on est en lien entre soignants, plus on parvient à nous aider nous-même, mais aussi à aider nos patients », témoigne Florence Lapica.

Aucun des deux n’envisage de changer de carrière. « Pour l’instant, je ne me pose pas la question », répond Mathieu Ferlay, infirmier. « Cela ne fait que cinq ans que je me suis installé. Donc je ne me pose pas cette question. Je suis bien dans ce que je fais. D’ailleurs, j’ai dû prendre un arrêt suite à ce fait divers. Au bout de dix jours, je l’avoue, ça me manquait. Le rythme me manquait. »

Un patient… de longue date

Habitant à Vaux, près de Montluçon, dans l’Allier, Patrick Aufrère est atteint, depuis l’âge de 18 ans, de diabète de Type1. Durant de longues années, il se bat au sein d’association pour dénoncer le manque de soignants dans les zones rurales, notamment. Il est aujourd’hui membre de l’Association des citoyens en lutte contre les déserts médicaux.

Pour lui, connaître son médecin ou son infirmier, ce n’est évidemment pas anodin. « C’est vraiment important. Avec plus de quarante ans de vie avec une maladie chronique, je veux dire que je pense que le patient doit être un vrai partenaire de ses soignants, et vice-versa. Personnellement, j’ai dû me prendre en charge très jeune. Je me considère acteur de ma santé. A condition que les personnels médicaux soient faciles à trouver, on doit éviter de graves complications. Tous les ans, il y a un parcours de soins à effectuer, avec le cardiologue, le diabétologue, si on le trouve… ce qui est touchant, c’est lorsque ces professionnels de santé me disent : on a plus rien à vous apprendre, vous savez tout. »

Là où je suis, on avait deux médecins. Maintenant, seulement un

 

Durant ces longues années, Patrick a connu de nombreux généralistes. Vivant d’abord en ville à Montluçon –fortement impactée par les déserts médicaux-, il a ensuite changé de secteur. « Automatiquement, comme la Sécurité sociale l’exige, il faut trouver les médecins traitants, et c’est très compliqué aujourd’hui. Même pour moi, qui suis suivi. Là où je suis, on avait deux médecins. Maintenant, seulement un. »

11% de Français sans médecin traitant

Le problème prend de l’ampleur. Le 15 mars dernier, le quotidien Le Monde l’a encore largement confirmé dans une grande enquête. Selon ce journal, pas moins de 11% de la population se retrouve aujourd’hui sans médecin traitant. Ce qui correspond à 6.3 millions de personnes. On recense également 3.8 millions de français installés dans un territoire sous doté en médecine de proximité.

En Auvergne-Rhône-Alpes, le département de l’Ain est un exemple flagrant. On y dénombre en moyenne 6.4 généralistes pour 10 000 habitants (contre 9 pour les français). Le problème n’est pas le département. Au contraire. Particulièrement attractif, à proximité de Lyon, Macon, Genève, l’Ain est même victime de son succès, et compte pas moins de 6000 nouveaux habitants par an.

Désert médical dans l'Ain

Sauf que… le nombre de médecins ne suit pas. « Comme dans tous les départements, les départs en retraite ne sont pas pourvus. La moitié de nos médecins ont plus de 55 ans. Donc on n’est pas sur une phase où cela va s’améliorer », confirme Martine Tabouret, qui assume la vice-présidence du département et surtout une délégation consacrée entièrement à ce sujet, devenu une priorité départementale. « On est même à 15% de nos habitants sans médecin traitant. Et même jusqu’à 30% sur le bassin burgien ou vers Oyonnax. »

Pour s’en sortir, la collectivité met les moyens, en débloquant 5.3 millions d’euros. Et pourtant, il ne s’agit nullement d’une compétence départementale. « Vous savez, un élu départemental est à proximité des gens, et les rencontre souvent. Et on se fait interpeller. Quand on est élu sur certaines communes, on voit les cabinets qui se ferment parce que les médecins partent en retraite, et leur cabinet n’est pas repris. Il y a même des maisons de santé pluridisciplinaires dans lesquelles il n’y a pas de médecin. Donc ça interpelle.»

Même si vous avez un médecin traitant, vous le contactez. Comme ils sont rares et surbookés, vous obtenez un rendez-vous dans les quinze jours

 

La situation se tend. L’impatience provoque même des incivilités. « Quand vous avez une pathologie, telle qu’une otite, par exemple, c’est assez banal. Mais cela vous fait souffrir. Même si vous avez un médecin traitant, vous le contactez. Comme ils sont rares et surbookés, vous obtenez un rendez-vous dans les quinze jours. Alors, c’est avec le premier interlocuteur que vous avez face à vous que votre colère, à un moment, finit par s’exprimer. Cela peut être le pharmacien, la secrétaire médicale du cabinet… ce genre d’incivilité est compréhensible car il traduit le désarroi de la population », témoigne l’élue.

Désert des villes, désert des champs

Oubliez rapidement cette association d’idée, un peu facile : le désert médical n’est pas réservé aux zones rurales. Les centres-villes n’y échappent pas. Comme le confirme Florence Lapica, qui exerce dans le 8ème arrondissement de Lyon. « Tous les jours, des patients appellent au cabinet et cherchent des médecins-traitants. Notre secrétaire a des appels de ce type quotidiennement », raconte la soignante. « Parfois, on craque quand même. Quand les gens sont très proches du cabinet, par exemple. On essaye de prendre en priorité les familles de notre quartier. Pour les visites, c’est même pire. On a de nombreuses personnes âgées, en situation de handicap depuis pas très longtemps, qui cherchent des médecins capables de venir à leur domicile, et c’est très compliqué. »

L’une des solutions est probablement le regroupement en maisons de santé

 

En ville aussi, on constate de nombreux départs en retraite de médecins qui ne trouvent pas de repreneurs. « Beaucoup de confrères étaient installés dans des appartements isolés et non-accessibles. Désormais, il y a forcément une restructuration de tous ces cabinets. L’une des solutions est probablement le regroupement en maisons de santé. » Mais cela ne suffit pas toujours. « Depuis 2019, on s’est beaucoup agrandit. Malgré cela, les nouveaux médecins ont été surbookés complètement en 3 mois. 3500 patients, qui n’avaient pas de médecin traitant, sont arrivés rapidement. »

Dans la Loire, le problème est également très présent. Sur un total de près de 763 000 habitants, on compte un peu moins de 700 médecins. 9000 ligériens vivent également dans un désert médical. Mathieu Ferlay, infirmier au Chambon-Feugerolles, connaît un peu cette situation. « On a eu deux départs de médecins qui n’ont pas été remplacés. Sur ma tournée, j’ai constaté qu’un tiers de ma patientèle n’a pas de médecin dans la ville. Du côté infirmiers, c’est plus fluide. Le zonage imposé par l’Assurance-maladie n’autorise plus d’installation sur toute la vallée de l’Ondaine. Il est extrêmement rare que l’on refuse des patients. »

Le manque de médecins pose problème au quotidien et, sans doute, davantage en période de crise, comme celle du Covid, ces dernières années. «  On vaccinait seulement les populations les plus fragiles. Ceux qui avaient du mal à se rendre dans les centres de vaccination. Ils avaient, aussi, besoin d’être rassurés auprès de nous », témoigne Florence Lapica, médecin à Lyon.

Les patients alertent depuis des années

Le problème des déserts médicaux inquiète les patients depuis longtemps. Dans l’Allier, Patrick Aufrère a lancé, dès 2011, avec une association locale, un projet de véhicule itinérant. « On allait au début de toutes les populations. On a commencé à avoir des petites aides. Ce véhicule permettait de récolter les avis de tous types de patients, autant dans les quartiers dit prioritaires que dans les zones rurales. Déjà, les gens témoignaient de leurs difficultés à trouver des médecins, et pas seulement des généralistes. Le problème est aussi cruel concernant les spécialistes

Certains sont obligés de parcourir des centaines de kilomètres pour voir des praticiens

 

Pour ces habitants, le sentiment d’être laissés à l’abandon ne date pas d’hier. Cela crée des peurs. Celle de ne pas trouver de soins en cas d’urgence, ou encore de subir une rupture de suivi. « Cela peut vite être catastrophique. Alors certains sont obligés de parcourir des centaines de kilomètres pour voir des praticiens, et surtout de le prévoir. Malheureusement, le Covid a aggravé cette situation. Et on a pu constater une réelle surmortalité, liée à la cartographie d’un département comme le nôtre. »

Contraindre ou inciter ?

Face à la pénurie de soignants de proximité, l’Etat agit. Par le biais des agences régionales de santé, un plan a été mis en place, comprenant de multiples mesures pour pallier, au mieux, à ces carences. « L’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a engagé de nombreuses actions, en particulier dans les territoires fragiles » nous explique-t-on dans une vidéo. « Avec l’Assurance-maladie, elle propose de nombreuses mesures incitatives pour encourager les médecins à s’y installer. Des aides financières, des stages, et un nouveau dispositif qui donne la possibilité au généraliste d’exercer comme salarié, afin de bénéficier de congés payés et de mieux gérer leurs horaires. En clair, d’allier vie professionnelle et vie personnelle. »

Mais l’une des mesures les plus réclamées, notamment par l’Association des citoyens en lutte contre les déserts médicaux, est la contrainte. C’est aussi une proposition très présente dans le programme de nombreux candidats à l’élection présidentielle. Pourquoi ne pas obliger les médecins, et notamment les nouveaux formés à s’installer prioritairement dans les zones où le besoin est impérieux ? « Fausse bonne idée », estime le syndicat MG France, soutenu par l’actuel gouvernement.

Le docteur Florence Lapica, vice-présidente de MG France, estime que cela serait inefficace. « Aujourd’hui, on est dans une réelle pénurie dans tous les domaines, y compris la salariat dans les PMI, les Ehpads, les services d’urgence…Si on met en place une contrainte à l’installation en libéral, les médecins resteront salariés. On nous attend de partout, dans toutes les villes, les campagnes. La contrainte va nous éloigner du libéral. » Elle estime que l’offre est trop importante. « On en reçoit tous les jours. Moi, qui suis installée en cabinet, on cherche à me débaucher pour aller travailler en salariat. On risque donc de déshabiller la médecine libérale. »

Certains programmes électoraux proposent tout de même de contraindre les jeunes à finir leurs études dans les déserts médicaux, en échange de soutiens financiers. « Mais ils ne sont pas si jeunes que ça », répond Florence Lapica. « Quand on termine nos études, on a 27 ou 28 ans. Quand j’ai terminé mon internat, j’avais deux bébés. On m’aurait forcée à aller quelque part ? On ne parle pas de jeunes de 20 ans qui débutent leurs années de médecine. Quand on finit notre internat, quasiment la moitié des internes ont déjà une situation de famille. »

Le médecin reçoit même le soutien de l’infirmier. Mathieu Ferlay ne dit pas autre chose. « Je partage son avis. Il en manque partout, des médecins. Et des candidats, je pense qu’il y en a. Est-ce que la solution ne serait pas plutôt la formation ? »

Accompagner financièrement les internes

Dans l’Ain, on privilégie notamment les incitations financières. « Pour le moment, on apporte des aides aux internes. On soutient ceux qui viennent faire un stage dans le département. En espérant qu’ils feront le choix de rester. » explique la vice-présidente du département. Et ça semble fonctionner « C’est très humain, on s’installe plus volontiers dans un lieu que l’on connaît déjà un peu », souligne le docteur Lapica.

Nous n’avons pas les moyens d’imposer quoi que ce soit

Martine Tabouret, Vice-présidente de l’Ain

L’Ain va plus loin en finançant davantage les années d’internat en contrepartie d’un engagement d’installation minimum de quelques années. « On se dit que s’ils restent deux ou trois ans, peut-être feront ils leur vie sur le territoire ? » sourit Martine Tabouret « On essaye de travailler sur toutes les pistes incitatives car nous n’avons pas les moyens d’imposer quoi que ce soit. »

Moi je le vis très mal, et je ne suis pas le seul. Au bout d’un moment, ce n’est plus possible

Patrick Aufrère, Association des citoyens en lutte contre les déserts médicaux

Pour parvenir à attirer les nouvelles installations, la nécessité du maintien –ou du retour- des services publics est nécessaire. C’est ce que rappellent les syndicats de médecins. « On voit bien que dans les quartiers populaires, les services public se désengagent. Si on s’y retrouve tout seul, c’est vrai que l’on ne restera plus. Le service public doit rester engagé aussi. Et dans les campagnes, c’est pareil. »

Face à ces arguments, Patrick Aufrère fait la comparaison avec d’autres corps de métiers. « On a eu des échanges avec les pharmaciens, les policiers, les gendarmes. Ils n’ont pas le choix de leur implantation. » Il rappelle que les déserts médicaux constituent une rupture d’égalité territoriale et une inégalité d’accès aux soins. « Et pourtant, le principe d’égalité figure dans la Déclaration des droits de l’homme. »

Il parle avec son cœur. « Moi je le vis très mal, et je ne suis pas le seul. Au bout d’un moment, ce n’est plus possible. Lorsqu’on a rencontré les représentants des candidats à la présidentielle, on leur a rappelé qu’on ne pourra pas attendre dix ans de plus. Il y a une urgence sanitaire. Nous, on compte saisir les candidats aux législatives, car c’est eux qui vont décider. » Le combat se poursuit, même, encore en janvier dernier, une proposition de loi d’urgence sanitaire a été rejetée à l’Assemblée nationale.

Une meilleure collaboration entre infirmiers et médecins

Pendant ce temps, les initiatives diverses se multiplient. Dans l’Ain on a installé plusieurs cabines de consultation à distance (voir la vidéo ci-dessous). D’autres solutions sont testées. Parmi elles, la collaboration entre médecins et infirmiers. « On se rend compte qu’on peut, sans doute, voir moins souvent certains patients et être relayés par les infirmiers, dans un parcours de soins bien organisé », explique le docteur Lapica, en faisant référence notamment aux IPA (Infirmiers en pratique avancée).

Ces derniers sont formés davantage et se chargent du suivi des maladies chroniques. « Ils ont un droit de prescription étendu. Mais c’est vraiment tout récent. Cela a été créé en 2018 et ils sortent doucement des formations. C’est juste une spécialisation. Leur rôle est différent et ils doivent trouver leur place », confirme Mathieu Ferlay.

Dans l’Ain, cette idée de collaboration séduit. « On a ce projet de développer des binômes médecins-infirmiers. L’ensemble serait accompagné d’une mallette de télémédecine. Les mesures sont faites par l’infirmier, qui gère le dialogue avec le médecin. On y gagne un contact avec le patient, et cela permettrait au médecin de faire davantage de consultations », détaille Martine Tabouret. « A condition de ne pas mettre tout dans le même sac. Le diagnostic doit rester une compétence du médecin. Mais je pense tout de même que l’infirmier a l’habitude de voir si le patient n’est pas comme d’habitude et alerter. A mon avis, on peut étendre ce système » ajoute le docteur Lapica.

En attendant, on développe la formation. « On a beaucoup travaillé avec l’Université Lyon1 pour avoir une première année de médecine. Nous allons ouvrir 50 places à Bourg-en-Bresse à la rentrée de septembre 2022, dans les mêmes conditions que les étudiants lyonnais. Et le département financera le tutorat afin d’assurer une égalité de chances aux étudiants burgiens et lyonnais », annonce la vice-présidente de l’Ain.

Autant d’efforts suffiront-ils pour soulager suffisamment les attentes et les craintes des patients ? Ils répondent autant que possible à un problème urgent.

A priori, la modification, durant l’actuel mandat, du Numérus Clausus –devenu Numerus apertus en 2020- devrait permettre, à plus long terme, de parvenir à endiguer ce fléau. Cette évolution législative doit en effet augmenter leur nombre de 20% dans les 10 à 15 prochaines années.

C’est aussi une question de patience…

Source FR3.

Des associations dénoncent une « crise majeure » dans l’accompagnement médico-social du handicap. « Insatisfaction réelle » au terme du quinquennat d’Emmanuel Macron…

Le Collectif handicaps milite pour une revalorisation salariale de professionnels épuisés par le Covid, et invite les candidats à la présidentielle à s’emparer du sujet.

Un aide à domicile accompagnant une personne handicapée, à Toulouse, le 29 avril 2020. (ADRIEN NOWAK / HANS LUCAS / AFP)

 

Une « crise majeure (…) qui pèse sur les personnes handicapées et leurs familles. » C’est en ces termes que le Collectif handicaps, qui regroupe 51 associations représentant les personnes handicapées et leurs proches, a décrit la situation des métiers du social et médico-social, mardi 1er février. Le collectif milite « pour une revalorisation salariale » dans un secteur qui peine à recruter et où 30 000 postes restent vacants. « En début de carrière, un éducateur spécialisé touche 1 380 euros par mois », a rappelé Véronique Davallet-Pin, mère de trois enfants dont un garçon de 20 ans polyhandicapé accueilli dans un institut médico-éducatif (IME) en Savoie.

Des syndicats du secteur médico-social ont justement lancé un appel à la mobilisation pour le 1er février partout en France. Parmi les revendications, une hausse des salaires et une amélioration des conditions de travail, rapporte par exemple France 3 Bourgogne-Franche-Comté.

« Une vague de démissions » dans le personnel

La crise sanitaire a renforcé la charge de travail qui pèse sur ces professionnels. « Avec le tsunami Covid et l’épuisement du personnel, il y a eu une vague de démissions. L’IME a fermé ses unités à tour de rôle, recruté des intérimaires qui ne sont pas formés », raconte cette mère, ajoutant que « l’inclusion est un très joli mot sur le papier mais encore faut-il y mettre le prix ».

Le président du Collectif Handicaps, Arnaud de Broca, a fait part d’une « insatisfaction réelle » au terme du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il a dit sa « colère devant l’absence du [thème du] handicap dans la campagne présidentielle ». Le collectif invite donc les candidats à un « grand oral » sur le sujet les 3 et 15 mars, à un mois du premier tour.

Source FR3.

Covid: la forte mortalité dans les Ehpad aggravée par le manque de personnel, selon la Cour des comptes…

34.000 personnes sont décédées du fait de la pandémie entre mars 2020 et mars 2021.

Une mortalité importante qui révélait, avant même le scandale Orpea, des difficultés structurelles du secteur.

L'âge moyen des résidents en Ehpad était de 86 ans et six mois en 2015.

Sur les 600.000 personnes résidant dans l’un des 7500 établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), près de 34.000 sont décédées du fait de la pandémie entre mars 2020 et mars 2021. Un lourd bilan humain qui ne s’explique pas uniquement par la fragilité des résidents, estime la Cour des comptes dans son rapport annuel 2022 publié mercredi, mais résulte également de difficultés structurelles. On peut en lister au moins trois.

D’une part, alors que les personnes accueillies sont de plus en plus âgées – la proportion des plus de 90 ans est passée de 29% à 35% entre 2015 et 2019 -, les médecins représentent moins de 1% des 377.000 équivalents temps plein que comptent les Ehpad. Si tous les établissements doivent normalement disposer d’un médecin coordonnateur, 32% n’en déclaraient aucun en 2015, et un quart fonctionnait avec des temps de présence inférieurs aux seuils.

D’autre part, les établissements font face à de fortes tensions sur le personnel, qui ont pénalisé la qualité de la prise en charge. Le taux d’absentéisme se situait en 2019 autour de 20%, selon la Cour, et l’instabilité des équipes rend difficile la formation et la montée en compétences du personnel.

Ainsi, la rotation annuelle des infirmiers était montée jusqu’à 83 % en 2017 dans l’Ehpad de La Filature à Mulhouse. À l’Ehpad Maison bleue de Villeneuve-lez-Avignon, en 2019, près de 159 personnes distinctes travaillant le jour se sont succédé, pour un effectif théorique de 40 personnes – avec un taux de rotation de 50 % pour les infirmiers et de 38 % pour les aides-soignants. Compte tenu des difficultés à recruter des aides-soignants, nombre d’entre eux sont remplacés par des personnels «faisant fonction» d’aides-soignants, bien qu’ils ne disposent pas des diplômes nécessaires.

Enfin, les bâtiments sont parfois inadaptés. Ainsi, 15% des Ehpad sont installés dans des bâtiments de plus de trente ans et leur configuration architecturale n’a pas toujours permis la mise en place de zones Covid-19 séparées, ni l’isolement des résidents atteints par la maladie. Seuls 45 % des Ehpad sont à même de ne proposer que des chambres individuelles, affirme la Cour. Enfin, à l’exception de ceux faisant partie d’établissements de santé, ils ne sont pas équipés de systèmes de distribution de gaz médicaux, notamment d’oxygène.

Face à la crise, les pouvoirs publics ont consenti «un effort financier pérenne considérable» souligne la Cour: compensation des pertes de recettes, couverture des dépenses liées à la pandémie, prise en charge par l’Assurance maladie (soit 1,7 milliard d’euros en 2020) de la «prime Covid» allouée aux personnels, revalorisations salariales du «Ségur de la Santé» allant de 10% à 15% (soit un coût de plus de 2,2 milliards d’euros en 2022). À cela s’ajoutent des investissements importants pour la rénovation de l’immobilier (1,5 milliard sur 4 ans) et le numérique (600 millions d’euros).

Au-delà de cet effort financier pour renforcer l’attractivité des métiers, il convient encore d’améliorer les conditions de travail des personnels: formation, évolution des carrières, prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles etc. D’autre part, il faut éviter les Ehpad isolés et pour cela favoriser leur insertion dans un réseau : adossement à un hôpital ou à un groupe, afin de permettre une mutualisation des ressources.

Source LE FIGARO.

Ehpad : deux aides-soignantes portent plainte contre Orpea pour «faux et usage de faux»…

Le groupe est dans la tourmente depuis les révélations du livre Les Fossoyeurs, qui jette une lumière crue sur les maltraitances au sein des Ehpad privés.

Une troisième aide-soignante pourrait également déposer plainte dans les jours qui viennent.

 

Les attaques en justice contre Orpea s’amoncellent. Deux aides-soignantes ont déposé une plainte pour «faux et usage de faux» contre le leader mondial des Ehpad et des cliniques privés, révèle ce mardi franceinfo. Les deux femmes ne travaillaient pas pour le groupe, mais l’accusent d’avoir utilisé leurs noms pour multiplier des embauches abusives en CDD, d’après nos confrères. Concrètement, Orpea se servait des deux plaignantes, présentées comme étant en CDI, pour recourir à des CDD de remplacement.

L’avocate des deux aides-soignantes, Sylvia Lasfargeas, estime auprès de franceinfo que le groupe utilisait ses clientes «afin de contourner la loi et de maquiller des recours semble-t-il abusifs aux CDD». De son côté, Orpea se dédouane, assurant «qu’il n’y a jamais eu d’emploi fictif» ni de «faux contrat de travail». En attendant, une troisième aide-soignante devrait déposer plainte dans les jours qui viennent.

Enquête administrative, plaintes…

Depuis la parution du livre Les Fossoyeurs, du journaliste Victor Castanet, le groupe Orpea est dans la tourmente. Le gouvernement a annoncé l’ouverture d’une enquête administrative, confiée conjointement aux inspections générales des affaires sociales (IGAS) et des finances (IGF). Les conclusions de cette mission devront faire l’objet d’un «rapport définitif» le 14 mars, ont précisé les ministres Olivier Dussopt (Comptes publics), Olivier Véran, Élisabeth Borne et Brigitte Bourguignon (déléguée à l’Autonomie) dans une note transmise vendredi à l’AFP.

La CGT, la CFDT et FO ont également indiqué qu’elles comptaient porter plainte contre Orpea, qu’elles accusent de «discrimination syndicale» et de s’être appuyé sur un syndicat «maison» à ses ordres. «Nous avions depuis longtemps des soupçons sur des agissements inacceptables de la direction, mais les témoignages et les preuves apportés par le livre de Victor Castanet vont nous permettre d’agir en justice», a expliqué à l’AFP Guillaume Gobet, responsable CGT et ancien cuisinier à Orpea.

La plainte, qui doit être déposée avant la fin du mois, pourrait viser des chefs de «discrimination syndicale» et «d’entrave à l’activité syndicale», a précisé Guylain Cabantou, un autre responsable de la CGT. Une autre piste envisagée est une plainte pour harcèlement, dont auraient été victimes les élus CGT de la part de la direction, a indiqué de son côté Me Apolline Cagnat, l’avocate en charge du dossier au pénal.

Source LE FIGARO.

Affaire Orpea : « Quand j’ai lancé l’alerte sur les Ehpad, Agnès Buzyn n’a pas voulu me recevoir », déplore Hella Kherief…

Bien avant « Les Fossoyeurs », la lanceuse d’alerte Hella Kherief, aide-soignante marseillaise, avait dénoncé les conditions de vie dans les Ehpad. La ministre de la Santé avait refusé de la recevoir à l’époque.

Affaire Orpea : « Quand j'ai lancé l'alerte sur les Ehpad, Agnès Buzyn n'a pas voulu me recevoir », déplore Hella Kherief

 

  • La publication du livre Les Fossoyeurs a déclenché en France une enquête sur les conditions de vie des personnes âgées dans les Ehpad.
  • Une aide-soignante marseillaise, Hella Kherief, lanceuse d’alerte, avait déjà fait le même constat dans un précédent livre paru en 2019.
  • La jeune femme se réjouit de cette médiatisation, tout en rappelant qu’à l’époque, personne au gouvernement n’avait souhaité la recevoir.

Des cadences de travail insoutenables, un manque de matériel, un Ehpad en sous-effectif, et une forme de maltraitance envers les personnes âgées. Le constat d’Hella Kherief, aide-soignante, est accablant, derrière le micro de France Culture. Avec trois autres collègues de la même maison de retraite du groupe Korian, la Marseillaise dénonce pendant de longues minutes les conditions de prise en charge des patients dans les Ehpad.

Nous sommes en… 2016. Six ans plus tard, le livre brûlot Les Fossoyeurs crée en France une véritable controverse avec, en ligne de mire, les conditions de vie des résidents des Ehpad des groupes privés Korian et Orpea. Alors, quand on rappelle Hella Kheriaf, six ans plus tard, l’aide-soignante soupire à l’autre bout du fil. « Je ne suis pas du tout surprise du constat qui est fait, lance la Marseillaise. C’est exactement les mêmes choses que je dis depuis toutes ces années : dans les Ehpad privés, on se fait de l’argent sur le dos des patients et il y a de graves défaillances. Et c’est bien qu’on en parle. Contrairement à moi, le journaliste a eu le temps d’investiguer pendant plusieurs années, et de mettre en lumière tout le système derrière ces Ehpad, notamment financier. »

Un rapide brossage des dents

Licenciée après avoir témoigné à plusieurs reprises dans les médias, Hella Kherief s’est rapidement muée ces dernières années en lanceuse d’alerte sur la maltraitance dans les Ehpad. L’aide-soignante avait notamment fait en 2019 le tour des plateaux de télévision lors de la publication de son livre au vitriol,  Le scandale des EhpadUn témoignage fondé sur son expérience professionnelle au sein des maisons de retraite marseillaises, dans lequel elle rapporte notamment que la toilette des résidents ne se résume parfois qu’à un rapide brossage de dents, par manque de moyens et de temps.

« La sortie de mon livre aura libéré la parole des soignantes, note Hella Khereif. Elle aura aussi permis aux familles d’être plus vigilantes quant à la prise en charge de leurs aînés. Mais à l’époque, aucun politique ne s’est intéressé en profondeur à ce que je dénonçais. On m’invitait sur les plateaux de télévision, on m’écoutait, mais il n’y a pas eu de suite. J’avais demandé à être reçue par Agnès Buzyn. A l’époque, elle était ministre de la Santé. Elle ne m’a jamais reçue : on m’avait dit qu’elle n’avait pas le temps ou qu’elle n’était pas la plus compétente. Aucun politique n’a répondu présent sur ces questions. »

Une nouvelle vie dans le Gard

Et d’accuser : « Si là, ça fait du bruit, c’est parce qu’on a touché au porte-monnaie des riches ! L’Ehpad Les Bords de Seine dont parle le livre, c’est 16.000 euros par mois. » Alors, si elle se réjouit de la médiatisation actuelle autour de ces questions, Hella Kherief reste quelque peu sceptique sur l’issue. « Tout cela arrive pas très longtemps avant les élections présidentielles et législatives, constate l’aide-soignante. Il faut vraiment que tous les politiques réunis mettent en place une loi pour le grand âge, et que ce soit une priorité, pour que tout ce système cesse ! »

En 2020, Hella Kherief a été contrainte de quitter Marseille, pour tenter de retrouver un travail fixe et stable. Direction Alès, dans le Gard. « Je suis blacklistée dans les Bouches-du-Rhône d’avoir dénoncé ce qui se passait dans les Ehpad », regrette-t-elle. Pour autant, l’aide soignante de 32 ans, par ailleurs militante CGT, continue de se battre. Quand on l’appelle ce jour-là, Hella Kherief… est en grève pour dénoncer le manque de moyens de la clinique privée dans laquelle elle travaille. « Si je baisse les bras, ceux qui aimeraient les lever n’oseront plus le faire ! »

Source 20 MINUTES.

Les Ehpad privés, poids lourds de l’économie française…

Dans un livre enquête, le journaliste Victor Castanet met en cause Orpea, géant de l’accueil des personnes âgées qui a dû suspendre sa cotation en Bourse.

Le taux d'encadrement dans les établissements privés commerciaux est inférieur à celui des établissements publics.

 

Tempête dans la «Silver economy». La publication du livre enquête «Les Fossoyeurs» du journaliste Victor Castanet a fait plonger l’action du groupe de maisons de retraite Orpea, ciblé par l’ouvrage. Le cours de l’action dévissait ainsi de 15% à la Bourse de Paris. La veille, la cotation avait été suspendue.

Orpea entraîne dans sa chute d’autres groupes de maisons de retraite cotés en Bourse, comme Korian, qui a vu son titre baisser de 14% lundi, ainsi que LNA Santé (-5,2%). Car l’ouvrage met une nouvelle fois le doigt sur les manquements de certains établissements dans le traitement des personnes âgées. Victor Castanet décrit un troisième âge bridé par le rationnement des produits alimentaires et sanitaires, et mal encadré en raison du manque de personnel.

Encadrement moindre

Selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) les 7502 Ehpad français accueillaient, en 2020, 601.300 résidents. 51% sont accueillis dans des établissements publics, 29% dans des établissements privés à but non lucratif et 20% dans des établissements privés commerciaux. Ces derniers ne représentent donc qu’une partie de l’accueil en France, mais ils ont contribué à faire évoluer l’offre vers une «premiumisation», avec davantage d’activités notamment.

Cette évolution tire en revanche les prix vers le haut: alors que le tarif moyen d’une chambre seule en Ehpad est de 2004 euros par mois en France, les tarifs médians dans les établissements privés commerciaux dépassent généralement ce prix car il est librement fixé. Leur médiane se situe donc plutôt autour de 2500 euros, voire 3000 euros dans les métropoles françaises et leur banlieue. Un chiffre à mettre en perspective avec le montant moyen de la pension de retraite en France, qui était de 1393 euros nets en 2019 selon la Drees. Dans certains établissements destinés à une clientèle financièrement à l’aise, les prix peuvent même atteindre 6000 à 7000 euros.

Vieillissement de la population

Malgré ces prix plus élevés, les Ehpad privés commerciaux ont en général un ratio salariés-résidents plus faible que celui des établissements publics. Dans le public, le taux d’encadrement médian est ainsi de 72,1 équivalents temps plein (ETP) pour 100 places en 2018, contre 52,3 ETP dans le secteur privé commercial, moins subventionné. Ça ne l’empêche pas, grâce à ses charges réduites, de dégager des résultats financiers enviables: en 2019, soit avant la crise sanitaire, le chiffre d’affaires de Korian était de 3,612 milliards d’euros. Celui d’Orpea s’établissait à 3,74 milliards d’euros.

Malgré leurs déboires et la préoccupation grandissante du public face aux conditions d’accueil des aînés, les Ehpad privés ont conquis à force d’investissements un rôle moteur dans ce secteur. Ainsi, selon Ilona Delouette, chercheuse à l’université de Lille et auteure d’une thèse sur la prise en charge de la dépendance interrogée par Le Monde, les groupes privés créent désormais «40% des nouvelles places d’accueil». Et ce, alors que la population française ne cesse de vieillir, et que les personnes accueillies dans les maisons de retraite sont de plus en plus dépendantes. Ainsi, en 2040, l’Insee anticipe que 1,2 million de personnes seront dépendantes en France, contre 800.000 actuellement.

Source LE FIGARO.

 

Orpea : ‘’On a peur de dénoncer’’ témoigne une ex-salariée du groupe. « Le groupe m’a déjà menacée », affirme-t-elle !…

À Nîmes, France Bleu Gard Lozère a rencontré une ancienne salariée du groupe Orpea, accusé de maltraitances envers les résidents de ses Ehpad.

« Le groupe m’a déjà menacée », affirme-t-elle.

Orpea : ‘’On a peur de dénoncer’’ témoigne une ex-salariée du groupe. Photographie d'illustration.

 

Le président directeur général du groupe Orpea, Philippe Charrier, a été auditionné mercredi 2 février par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. La ministre chargée de l’Autonomie des personnes âgées a annoncé l’ouverture de deux enquêtes sur le groupe Orpea, au cœur d’une vive polémique sur les conditions d’accueil dans ses Ehpad. L’une est menée par l’Inspection générale des affaires sociales, l’autre est menée par l’Inspection générale des finances.

Ce mardi, à Nîmes, France Bleu Gard Lozère a rencontré une ancienne salariée du groupe Orpea et de Korian. Elle a travaillé dans d’autres départements que le Gard, mais exercice toujours son métier dans ce secteur. Elle préfère rester anonyme, par peur de nouvelles représailles : elle a été licenciée, explique-t-elle, parce qu’elle était handicapée.

Parlez-nous de votre métier quand vous travailliez pour Orpea.

« Mon métier est normalement de m’occuper des personnes, mais là, on n’arrivait pas à en s’occuper parce qu’il manquait beaucoup de personnel, c’est-à-dire que même nous à l’accueil, on devait faire la comptabilité. On devait faire rentrer les chèques, on devait s’occuper des équipes, faire rentrer le côté commercial, donc faire entrer les résidents, enfin on avait tout à charge. Et de l’autre côté, les soignantes. Donc elles étaient trois pour l’étage… 40 résidents. Et deux pour l’unité Alzheimer, sachant qu’il y avait une aide soignante, enfin c’était censé être deux aides soignantes. Et il y avait toujours une aide soignante et une AVS. »

Du coup, le temps consacré à tous ces pensionnaires était extrêmement réduit…

Ah oui, c’est-à-dire que même les ASH avaient tout un étage à faire à elles toutes seules. Et ensuite, elles devaient partir en restauration, faire tout ce qui est hôtellerie, donc donner à manger aux résidents et faire le service hôtelier comme on dit. Enfin c’était censé être du service hôtelier. Les filles, elles étaient formidables, mais on manquait de vaisselle ; c’est-à-dire que quand il fallait acheter de la vaisselle, on n’avait pas le budget ; quand il fallait acheter des serviettes pour essuyer les résidents, on n’avait pas de budget non plus. Il est arrivé que des soignantes aient séché les résidents avec des draps. Il fallait les punir parce qu’elles avaient jeté les serviettes, sachant que les serviettes étaient usagées, donc elles ne pouvaient pas être réutilisées.

« Il est arrivé que des soignantes aient séché les résidents avec des draps. Il fallait les punir parce qu’elles avaient jeté les serviettes, sachant que les serviettes étaient usagées. »

Comment réagissait la direction ?

La direction ? Ça dépend. La directrice, elle cautionnait, celle d’avant, non. C’est pour ça qu’elle est partie. Même moi, j’ai été dans un déni. C’est-à-dire qu’on nous demandait de faire des choses. Et petit à petit, je me suis rendu compte que c’était impossible par rapport au nombre de personnes qu’on était.

Et petit à petit, je m’apercevais que les résidents, on les couchait de plus en plus tôt. Normalement l’heure, c’était 18h30. Mais les soignantes, elles n’avaient pas le temps de s’occuper d’eux. Donc elles couchaient une partie -en fait, les personnes qui ont besoin de grands soins- on les couchait… Je suis émue parce que c’est un grand, un grand souvenir… on les couchait à cinq heures et demie (17h30, ndlr) et on les levait, les premiers, à 11 heures(le lendemain), parce qu’il y avait beaucoup de personnes qui avaient un grand besoin. Et les derniers à midi, jusqu’à midi.

Ça veut dire que pendant tout ce temps là, pour des personnes qui étaient bien sûr incontinentes, elles restaient dans leurs excréments ?

Oui, exactement. Parce qu’il n’y avait pas de soignants pour s’occuper d’eux. Elles étaient occupées ailleurs, donc elles n’avaient pas de temps pour s’en occuper.

Comment réagissaient les familles lorsqu’elles venaient voir ces personnes ?

Elles allaient voir les soignantes. Les familles ont beaucoup de respect pour les soignantes. Donc, du coup, la direction disait toujours : « Allez voir la soignante, allez voir la soignante », c’était toujours comme ça. Donc c’était elle qui était aux premières loges. Ou alors moi, la responsable hôtelière, justement. À peine arrivée, je réglais déjà les problèmes. Même la nuit, on m’appelait. C’était vraiment la catastrophe. Elle sont deux la nuit, une aide soignante et une personne pour faire le ménage, et qui s’occupe finalement des résidents. Donc, elles ne font qu’un change, un seul change la nuit.

Et vous, personnel, vous pouviez vous plaindre ? Vous le faisiez ?

Au début, c’était gentiment. Je me plaignais. C’était : « On n’a pas le choix, c’est comme ça ». Il y avait les produits d’entretien aussi. On avait des restrictions. Il y avait aussi des restrictions sur tout ce qui est nourriture, c’est-à-dire que moi, on m’a demandé de servir du pain, de l’eau avec un peu de brocolis pour faire de la couleur. On nous parlait de ratio, il fallait faire attention au ratio, ratio, ratio. Donc, même les cuisiniers, on n’arrivait pas à les garder parce qu’ils n’étaient pas bien payés. On n’arrivait pas à trouver de bons cuisiniers. Ils n’étaient pas assez payés par rapport à la valeur de leur travail. Quand on recherchait des cuisiniers, on n’en trouvait pas. Du coup, c’étaient les ASH qui allaient cuisiner.

« On m’a demandé de servir du pain, de l’eau avec un peu de brocolis pour faire de la couleur. »

Est-ce qu’aujourd’hui, ce que dénonce le journaliste Victor Castanet avec son livre, ça vous paraît loin de la réalité ?

Non c’est vraiment proche. C’est très, très proche de la réalité. C’est-à-dire que de toute façon, il n’y a qu’à voir le nombre de salariés pour le nombre de résidents. Même avec ça, on fait le calcul, sachant qu’il y a toujours des absents. Donc, faites le calcul. Rien qu’avec le personnel qui est compté dans l’établissement, on ne peut pas s’occuper bien des personnes avec ça. Avec 4 ou 5 ASH, c’est pas possible.

Ça vous inspire quoi vous aujourd’hui ? Maintenant que vous n’y êtes plus…

Un soulagement. Et je continue à me battre pour eux, en fait, actuellement, mais toujours parce qu’on m’a déjà menacé. En fait, le groupe m’a déjà menacée. Donc, j’essaye d’être discrète pour protéger ma famille. Aujourd’hui, j’ai un emploi, je n’ai pas envie de le perdre, parce que ça va très vite. Malheureusement, ça va très vite. J’ai des copines qui travaillaient pour le groupe aussi qui ont perdu leur emploi parce qu’elles ont dénoncé. Et maintenant, du coup, on a peur de dénoncer. Mais il ne faut pas parce que c’est grave ce qu’il se passe, c’est très grave.

Il est vrai que les familles, elles ne peuvent plus s’occuper des personnes et elles ne savent plus comment faire. Elles sont obligées de fermer les yeux, comme on dit, et elles viennent s’occuper elles-mêmes de leurs résidents. C’est-à-dire qu’il y a des familles qui viennent faire prendre la douche à leur mère pour être sûr que ce soit fait. C’est la catastrophe.

« Il y a des familles qui viennent faire prendre la douche à leur mère pour être sûr que ce soit fait. C’est la catastrophe. »

Je me demande sérieusement où part l’argent, parce que quand on voit l’établissement, il est pratiquement toujours au complet. Bon, peut-être moins maintenant, avec le Covid. Mais à chaque fois qu’il y a un résident qui part, on a toujours une personne qui le remplace. Et d’ailleurs, même quand ils décèdent les résidents, on fait en sorte que la personne parte de suite, ce sont les familles qui doivent s’occuper de ça, sinon, c’est facturé. Ça fait froid dans le dos parce que nous, on est là, le personnel, à devoir annoncer le deuil à leurs familles. Mais on nous demande de bien leur dire qu’il faut qu’ils fassent vite, parce que ça va être facturé. Mais on parle de beaucoup d’argent à la journée.

Source FRANCE BLEU.

Scandale Orpea : le 3977 enregistre « une montée en flèche » des signalements de maltraitances…

Suite à la parution du livre « Les fossoyeurs » sur les Ehpad du groupe Orpea, la plateforme téléphonique du 3977 enregistre « une montée en flèche » des signalements de maltraitances. C’est ce qu’a expliqué ce samedi son président à l’AFP.

Le numéro national 3977 enregistre une forte hausse des signalements de maltraitances des personnes âgées.

 

La parole commence-t-elle à se libérer ? Depuis la sortie du livre « Les fossoyeurs » dénonçant la situation dans les Ehpad du groupe Orpea, le 3977 a enregistré « une montée en flèche » des signalements de maltraitances. C’est ce qu’avance ce samedi son président, Pierre Czernichow, à l’AFP. La plateforme téléphonique est consacrée aux signalements des maltraitances envers les personnes âgées et les adultes en situation de handicap.

Les appels reçus évoquent, entre autres, le sort d’une maman qui a perdu beaucoup de poids, d’une épouse décédée après une dénutrition sévère ou encore d’une résidence gravement dépendante dont la toilette est faite en huit minutes top chrono.

50 signalements quotidiens

« Il y a une forte augmentation: de 20 à 30 signalements quotidiens il y a quinze jours, on est passé à 50« , constate Pierre Czernichow. « C’est un mouvement suscité par l’actualité » et mieux vaut attendre avant de parler d’une réelle « libération de la parole« , qui ne pourra se mesurer que sur « une échelle de temps plus significative« , insiste le président de la plateforme.

« Une infime partie des situations de maltraitance fait l’objet de signalements« , moins de 5% selon une estimation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais « il y a un contexte général qui fait que les langues se délient. On le voit sur les violences faites aux femmes ou sur l’inceste ».

L’an dernier, le 3977 a ouvert 1.892 dossiers pour des signalements de maltraitances dans des Ehpad, soit plus d’une alerte reçue sur quatre. Un chiffre en augmentation de 37% par rapport à 2020. Les personnes âgées sont les principales victimes des situations décrites au téléphone (73%). Les personnes handicapées ont fait l’objet de 1.800 alertes, en hausse spectaculaire de 56% sur un an. Pierre Czenichow rappelle toutefois que l’année 2020 a été marquée par une stagnation des signalements dans le contexte de l’épidémie de Covid-19.

« Il n’y a pas qu’Orpea dans la vie »

Alors que « les phases de confinement sont bien identifiées comme favorisant une maltraitance, à domicile notamment« , dans les Ehpad, les résidents ont été coupés de leurs proches. Or « les familles sont majoritairement à l’origine des signalements« , explique le président du 3977, pour qui la forte hausse constatée en 2021 peut comporter « une part de rattrapage« .

Les signalements concernent des établissements de tout statut, aussi bien privé lucratif que public ou non lucratif. « Avec cette montée en flèche des alertes constatée ces derniers jours, il est avéré qu’il n’y a pas qu’Orpea dans la vie« , résume Pierre Czernichow. Les types de maltraitances le plus souvent cités sont les maltraitances psychologiques, celles liées aux soins, les négligences et les restrictions de droits. En nombre certes limité, les alertes pour des violences sexuelles ont plus que doublé : 104 en 2021 contre 42 en 2020.

Pour Pierre Czernichow, c’est le modèle Ehpad qui doit être questionné avec ses indicateurs de « masse critique« , ses seuils de « rentabilité » et sa logique « comptable« , mais aussi « le manque d’attractivité, de ressources et de reconnaissance des métiers du grand âge« .

Le 3977, numéro national, est accessible du lundi au vendredi de 9h à 19h et le samedi et dimanche de 9h 13h et de 14h à 19h.

Source FRANCE BLEU.

Après Orpea, les Ehpad Korian dans le viseur des familles de personnes âgées…

Le groupe de maisons de retraite Korian est à son tour mis en cause par des familles de résidents qui ont adressé des dizaines de témoignages sur des soupçons de maltraitance au sein des établissements à l’avocate en charge du dossier Orpea, groupe épinglé dans le livre « Les Fossoyeurs » sorti récemment.

 

Les soupçons de maltraitance dans des Ehpad du groupe Orpea, révélés dernièrement dans le livre  « Les Fossoyeurs » du journaliste indépendant Victor Castanet, s’étendent à un autre groupe de maison de retraite, le groupe Korian.

Le Parisien indique que l’avocate Sarah Saldmann, à l’origine d’une première action collective visant le groupe Orpea, a reçu des dizaines et des dizaines de témoignages mettant en cause cette fois-ci le groupe français Korian. Les familles dénoncent aussi des faits de maltraitance dans ces établissements.

L’ensemble des plainte sera déposé au parquet en avril a précisé l’avocate.

« Ce qui est allégué dans ce livre c’est un système d’entreprise aux antipodes de nos valeurs »

Après les révélations de Victor Castanet sur les pratiques du groupe Orpea, la journaliste Élise Lucet a aussi annoncé jeudi dernier de «nouvelles révélations » dans son magazine « Cash Investigation » sur la gestion des Ehpad privés, et notamment sur celle du groupe Korian.

De son côté, Sophie Boissard, directrice générale du groupe Korian, interrogée par France info le 1er février dernier, avait déclaré : « Ce livre porte des accusations très graves. Je suis sidérée et profondément choquée. Ce qui est allégué dans ce livre c’est un système d’entreprise aux antipodes de nos valeurs. Il ne m’appartient pas d’en juger mais il y a un écart gigantesque avec nos pratiques chez Korian et chez la plupart des acteurs publics et privés du secteur. Dire que tous les établissements sont potentiellement maltraitants et dilapident l’argent public, c’est insupportable. »

Source EST REPUBLICAIN.

 

TÉMOIGNAGE – Une famille alsacienne témoigne après le scandale dans les Ehpad Orpea…

Hubert Ait Larbi dont la maman a été pensionnaire dans l’Ehpad Orpea de Schiltigheim entre 2018 et 2019 avait porté plainte à l’époque auprès du procureur de Strasbourg pour maltraitance.

Suite au scandale, il compte réécrire à la justice.

L'Ehpad Orpea de Schiltigheim

 

L’onde de choc du livre  » Les Fossoyeurs » n’en finit pas de se propager. Le directeur général France d’Orpea a été convoqué mardi 1er février au ministère de la santé pour s’expliquer après les révélations des méthodes de son groupe : repas et couches rationnés ou bien encore des résidents contraints de passer la journée au lit.

Une plainte pour maltraitance déposée en 2019

Ce livre n’a pas étonné Hubert Ait Larbi. Sa maman âgée de 95 ans a été pensionnaire dans l’Ehpad Orpea de Schilitgheim entre 2018 et 2019. Il avait porté plainte pour maltraitance. « Notre mère a été victime de chutes, on l’a retrouvé au sol par terre. Elle était laissée la nuit seule sans couche« , explique Hubert Ait Larbi à France Bleu Alsace « le ton est montée rapidement avec la direction. Ce qui est arrivé est le résultat du manque de personnel et de compétences. Ce n’est pas le souhait des salariés, mais vu le peu de temps et de moyens ça conduit à de la maltraitance. »

Une action collective contre Orpea ?

Cette plainte avait été classée sans suite mais avec ce nouveau scandale, Hubert Ait Larbi a décidé de réécrire au procureur de Strasbourg. Il envisage de faire partie des plaignants qui sont en train de constituer une action collective contre Orpea. De son côté, le groupe dément les accusations du livre. Le remplaçant du directeur général a promis « de faire toute la lumière sur les allégations avancées« .

Source FRANCE BLEU.