Désert médical. Comment réduire la pénurie de soignants, à la ville comme à la campagne…

Echange d’expérience et de propositions pour lutter contre la pénurie de soignants en Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans les zones rurales comme dans les grandes agglomérations, il devient de plus en plus difficile de trouver des médecins ou encore des infirmiers. C’est ce phénomène, de plus en plus répandu, que l’on appelle « le désert médical »

 

Autour de la table, un médecin généraliste lyonnais, un infirmier libéral dans la Loire, une élue départementale dans l’Ain et un responsable d’association de patients en lutte dans l’Allier.

La santé, c’est un sujet essentiel pour les français. Selon l’Agence régionale de santé, les dépenses de santé des habitants de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont avoisiné  les 23 milliards d’euros en 2015. Ce qui représente tout de même 11,6% des dépenses nationales, et pas moins de 2935 euros par personne.

Et pourtant, dans cette région, dans les zones rurales comme dans les grandes agglomérations, il devient de plus en plus difficile de trouver des médecins ou encore des infirmiers. C’est ce phénomène, de plus en plus répandu, que l’on appelle « le désert médical ». Il fait désormais partie des thèmes de la campagne présidentielle. Sur le terrain, les soignants, les patients et les élus locaux sont déjà très impactés.

Profession : infirmier libéral

Mathieu Ferlay, 33 ans, est infirmier libéral dans la Loire, au Chambon-Feugerolles. Avant cela, il a travaillé dans les hôpitaux « Pas très longtemps, en raison des problèmes de gestion des équipes, ce que je trouvais trop compliqué » précise-t-il. Il a également fait beaucoup d’intérim pour gagner une polyvalence dans sa pratique. Dès qu’il a pu, il a cumulé une expérience en Ehpad et des remplacements en tant qu’infirmier sur le terrain.

Aujourd’hui, son quotidien est fait de visites et de soins à domicile. « On fait très peu de soins au cabinet. On va principalement au domicile des gens pour faire toutes sortes de soins, de la simple injection jusqu’à des soins un peu plus complexes, comme des perfusions. Une prise en charge plus globale, avec des soins d’hygiène, de confort… » Il effectue jusqu’à 50 visites par jour, cinq jours par semaine. « On commence vers 5h45 le matin, pour finir vers 21h avec une petite coupure d’une heure ou deux. »

Il soigne majoritairement des personnes âgées. « Elles ont principalement des difficultés pour se déplacer, souffrant de maladies chroniques, comme des personnes diabétiques. » Pour les rencontrer, il effectue de nombreux kilomètres dans la Vallée de l’Ondaine… jusqu’à 150 kilomètres par jour. « Ca fait des journées intensives. On a eu un étudiant, récemment. Au bout d’une journée, il m’a dit qu’il avait l’impression que plusieurs jours s’étaient écoulés » raconte-t-il, en souriant.

Malgré cette charge, Mathieu a la passion de son métier. Il l’a notamment démontré le 31 décembre 2021. Ce matin-là, en sortant d’une visite, il s’est fait très violemment agressé par deux individus qui ont tenté de lui voler sa voiture. Malgré les importantes blessures, il pense alors d’abord… à contacter une collègue pour s’assurer qu’elle pourra faire sa tournée à sa place, avant de se rendre à l’hôpital, et ensuite de porter plainte. « J’ai pensé à tout mon travail qui attendait. Je ne pouvais pas tout laisser comme ça », confirme-t-il.

Un attachement à sa profession qu’il revendique, même si il implique, pour ces professionnels, une vie sociale parfois compliquée. « Je vis correctement, mais c’est parce que je travaille énormément. J’ai deux enfants, mais ma compagne travaille à temps partiel. Lorsqu’on a fondé le cabinet, je collaborais avec une amie. Elle a dû s’arrêter parce qu’elle s’est séparée de son mari, alors qu’ils avaient un enfant. Ce n’était plus possible, car elle ne voyait plus son enfant. »

Ce métier est intéressant, varié. Il a un sens. On se sent utile

 

Mathieu n’est pas du genre à se plaindre. « Je parviens à profiter de mes enfants lorsque l’on a, quelquefois, des semaines un peu plus légères », balaye-t-il. « On a quand même des liens privilégiés avec nos patients. Pour certains, on va jusqu’à trois fois par jour chez eux. Ce métier est intéressant, varié. Il a un sens. On se sent utile. Quand je me lève le matin, je sais que c’est important que je le fasse. »

Médecin généraliste dans un quartier populaire

Le docteur Florence Lapica est médecin-généraliste dans le 8ème arrondissement de Lyon. Elle exerce dans une maison pluridisciplinaire, en zone urbaine, dans un quartier populaire, proche du boulevard périphérique. « On alterne des consultations de bébés, des femmes enceintes, des personnes âgées. On a un métier passionnant. Je pense que l’on apporte beaucoup aux patients, mais qu’ils nous apportent, eux-aussi, énormément, sur le plan humain. » C’est tout de même une charge importante. « On a à la fois les décisions médicales et aussi beaucoup de prise en charge médico-sociale. Ça signifie qu’il faut s’assurer, presque systématiquement, que le patient va pouvoir, par exemple, aller faire sa prise de sang, se rendre à l’hôpital. »

Elle a évidemment fait ce choix de devenir soignant au plus près du terrain, en cœur de ville, en cabinet. « Par rapport à l’hôpital, ce sont des enjeux différents. Les parents ne viennent pas nous voir dans les mêmes conditions. C’est vraiment la médecine de proximité. C’est se demander comment, avec les patients, dans leur milieu de vie, avec tout ce qui leur arrive à côté, on peut mettre en place leurs traitements. Parfois, on ne peut pas. D’autres fois, d’autres problèmes de santé surviennent. Il faut parvenir à adapter tout ça, en fonction de la vie des gens. »

Plus on est en lien entre soignants, plus on parvient à nous aider nous-même

 

Cette généraliste compose, elle-aussi, autant qu’elle le peut sa vocation prenante, avec une vie personnelle équilibrée. « J’ai pu un peu organiser mes semaines. Le lundi, je fais surtout des visites au domicile, puis dans les maisons de retraite. Ce qui me permet de finir un peu plus tôt ce jour-là. Mais en général, je commence à 8h et je finis à 20h. » Travailler dans une maison de santé lui apporte une forme de soutien. « Cela soulage de pouvoir échanger entre nous, avec les pharmaciens, les infirmiers, les kinés, la psychologue, les orthophonistes. Je crois que c’est encore plus riche dans un quartier comme le nôtre, où il y a des difficultés sociales, de l’addictologie à l’alcool, parfois la drogue. Plus on est en lien entre soignants, plus on parvient à nous aider nous-même, mais aussi à aider nos patients », témoigne Florence Lapica.

Aucun des deux n’envisage de changer de carrière. « Pour l’instant, je ne me pose pas la question », répond Mathieu Ferlay, infirmier. « Cela ne fait que cinq ans que je me suis installé. Donc je ne me pose pas cette question. Je suis bien dans ce que je fais. D’ailleurs, j’ai dû prendre un arrêt suite à ce fait divers. Au bout de dix jours, je l’avoue, ça me manquait. Le rythme me manquait. »

Un patient… de longue date

Habitant à Vaux, près de Montluçon, dans l’Allier, Patrick Aufrère est atteint, depuis l’âge de 18 ans, de diabète de Type1. Durant de longues années, il se bat au sein d’association pour dénoncer le manque de soignants dans les zones rurales, notamment. Il est aujourd’hui membre de l’Association des citoyens en lutte contre les déserts médicaux.

Pour lui, connaître son médecin ou son infirmier, ce n’est évidemment pas anodin. « C’est vraiment important. Avec plus de quarante ans de vie avec une maladie chronique, je veux dire que je pense que le patient doit être un vrai partenaire de ses soignants, et vice-versa. Personnellement, j’ai dû me prendre en charge très jeune. Je me considère acteur de ma santé. A condition que les personnels médicaux soient faciles à trouver, on doit éviter de graves complications. Tous les ans, il y a un parcours de soins à effectuer, avec le cardiologue, le diabétologue, si on le trouve… ce qui est touchant, c’est lorsque ces professionnels de santé me disent : on a plus rien à vous apprendre, vous savez tout. »

Là où je suis, on avait deux médecins. Maintenant, seulement un

 

Durant ces longues années, Patrick a connu de nombreux généralistes. Vivant d’abord en ville à Montluçon –fortement impactée par les déserts médicaux-, il a ensuite changé de secteur. « Automatiquement, comme la Sécurité sociale l’exige, il faut trouver les médecins traitants, et c’est très compliqué aujourd’hui. Même pour moi, qui suis suivi. Là où je suis, on avait deux médecins. Maintenant, seulement un. »

11% de Français sans médecin traitant

Le problème prend de l’ampleur. Le 15 mars dernier, le quotidien Le Monde l’a encore largement confirmé dans une grande enquête. Selon ce journal, pas moins de 11% de la population se retrouve aujourd’hui sans médecin traitant. Ce qui correspond à 6.3 millions de personnes. On recense également 3.8 millions de français installés dans un territoire sous doté en médecine de proximité.

En Auvergne-Rhône-Alpes, le département de l’Ain est un exemple flagrant. On y dénombre en moyenne 6.4 généralistes pour 10 000 habitants (contre 9 pour les français). Le problème n’est pas le département. Au contraire. Particulièrement attractif, à proximité de Lyon, Macon, Genève, l’Ain est même victime de son succès, et compte pas moins de 6000 nouveaux habitants par an.

Désert médical dans l'Ain

Sauf que… le nombre de médecins ne suit pas. « Comme dans tous les départements, les départs en retraite ne sont pas pourvus. La moitié de nos médecins ont plus de 55 ans. Donc on n’est pas sur une phase où cela va s’améliorer », confirme Martine Tabouret, qui assume la vice-présidence du département et surtout une délégation consacrée entièrement à ce sujet, devenu une priorité départementale. « On est même à 15% de nos habitants sans médecin traitant. Et même jusqu’à 30% sur le bassin burgien ou vers Oyonnax. »

Pour s’en sortir, la collectivité met les moyens, en débloquant 5.3 millions d’euros. Et pourtant, il ne s’agit nullement d’une compétence départementale. « Vous savez, un élu départemental est à proximité des gens, et les rencontre souvent. Et on se fait interpeller. Quand on est élu sur certaines communes, on voit les cabinets qui se ferment parce que les médecins partent en retraite, et leur cabinet n’est pas repris. Il y a même des maisons de santé pluridisciplinaires dans lesquelles il n’y a pas de médecin. Donc ça interpelle.»

Même si vous avez un médecin traitant, vous le contactez. Comme ils sont rares et surbookés, vous obtenez un rendez-vous dans les quinze jours

 

La situation se tend. L’impatience provoque même des incivilités. « Quand vous avez une pathologie, telle qu’une otite, par exemple, c’est assez banal. Mais cela vous fait souffrir. Même si vous avez un médecin traitant, vous le contactez. Comme ils sont rares et surbookés, vous obtenez un rendez-vous dans les quinze jours. Alors, c’est avec le premier interlocuteur que vous avez face à vous que votre colère, à un moment, finit par s’exprimer. Cela peut être le pharmacien, la secrétaire médicale du cabinet… ce genre d’incivilité est compréhensible car il traduit le désarroi de la population », témoigne l’élue.

Désert des villes, désert des champs

Oubliez rapidement cette association d’idée, un peu facile : le désert médical n’est pas réservé aux zones rurales. Les centres-villes n’y échappent pas. Comme le confirme Florence Lapica, qui exerce dans le 8ème arrondissement de Lyon. « Tous les jours, des patients appellent au cabinet et cherchent des médecins-traitants. Notre secrétaire a des appels de ce type quotidiennement », raconte la soignante. « Parfois, on craque quand même. Quand les gens sont très proches du cabinet, par exemple. On essaye de prendre en priorité les familles de notre quartier. Pour les visites, c’est même pire. On a de nombreuses personnes âgées, en situation de handicap depuis pas très longtemps, qui cherchent des médecins capables de venir à leur domicile, et c’est très compliqué. »

L’une des solutions est probablement le regroupement en maisons de santé

 

En ville aussi, on constate de nombreux départs en retraite de médecins qui ne trouvent pas de repreneurs. « Beaucoup de confrères étaient installés dans des appartements isolés et non-accessibles. Désormais, il y a forcément une restructuration de tous ces cabinets. L’une des solutions est probablement le regroupement en maisons de santé. » Mais cela ne suffit pas toujours. « Depuis 2019, on s’est beaucoup agrandit. Malgré cela, les nouveaux médecins ont été surbookés complètement en 3 mois. 3500 patients, qui n’avaient pas de médecin traitant, sont arrivés rapidement. »

Dans la Loire, le problème est également très présent. Sur un total de près de 763 000 habitants, on compte un peu moins de 700 médecins. 9000 ligériens vivent également dans un désert médical. Mathieu Ferlay, infirmier au Chambon-Feugerolles, connaît un peu cette situation. « On a eu deux départs de médecins qui n’ont pas été remplacés. Sur ma tournée, j’ai constaté qu’un tiers de ma patientèle n’a pas de médecin dans la ville. Du côté infirmiers, c’est plus fluide. Le zonage imposé par l’Assurance-maladie n’autorise plus d’installation sur toute la vallée de l’Ondaine. Il est extrêmement rare que l’on refuse des patients. »

Le manque de médecins pose problème au quotidien et, sans doute, davantage en période de crise, comme celle du Covid, ces dernières années. «  On vaccinait seulement les populations les plus fragiles. Ceux qui avaient du mal à se rendre dans les centres de vaccination. Ils avaient, aussi, besoin d’être rassurés auprès de nous », témoigne Florence Lapica, médecin à Lyon.

Les patients alertent depuis des années

Le problème des déserts médicaux inquiète les patients depuis longtemps. Dans l’Allier, Patrick Aufrère a lancé, dès 2011, avec une association locale, un projet de véhicule itinérant. « On allait au début de toutes les populations. On a commencé à avoir des petites aides. Ce véhicule permettait de récolter les avis de tous types de patients, autant dans les quartiers dit prioritaires que dans les zones rurales. Déjà, les gens témoignaient de leurs difficultés à trouver des médecins, et pas seulement des généralistes. Le problème est aussi cruel concernant les spécialistes

Certains sont obligés de parcourir des centaines de kilomètres pour voir des praticiens

 

Pour ces habitants, le sentiment d’être laissés à l’abandon ne date pas d’hier. Cela crée des peurs. Celle de ne pas trouver de soins en cas d’urgence, ou encore de subir une rupture de suivi. « Cela peut vite être catastrophique. Alors certains sont obligés de parcourir des centaines de kilomètres pour voir des praticiens, et surtout de le prévoir. Malheureusement, le Covid a aggravé cette situation. Et on a pu constater une réelle surmortalité, liée à la cartographie d’un département comme le nôtre. »

Contraindre ou inciter ?

Face à la pénurie de soignants de proximité, l’Etat agit. Par le biais des agences régionales de santé, un plan a été mis en place, comprenant de multiples mesures pour pallier, au mieux, à ces carences. « L’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a engagé de nombreuses actions, en particulier dans les territoires fragiles » nous explique-t-on dans une vidéo. « Avec l’Assurance-maladie, elle propose de nombreuses mesures incitatives pour encourager les médecins à s’y installer. Des aides financières, des stages, et un nouveau dispositif qui donne la possibilité au généraliste d’exercer comme salarié, afin de bénéficier de congés payés et de mieux gérer leurs horaires. En clair, d’allier vie professionnelle et vie personnelle. »

Mais l’une des mesures les plus réclamées, notamment par l’Association des citoyens en lutte contre les déserts médicaux, est la contrainte. C’est aussi une proposition très présente dans le programme de nombreux candidats à l’élection présidentielle. Pourquoi ne pas obliger les médecins, et notamment les nouveaux formés à s’installer prioritairement dans les zones où le besoin est impérieux ? « Fausse bonne idée », estime le syndicat MG France, soutenu par l’actuel gouvernement.

Le docteur Florence Lapica, vice-présidente de MG France, estime que cela serait inefficace. « Aujourd’hui, on est dans une réelle pénurie dans tous les domaines, y compris la salariat dans les PMI, les Ehpads, les services d’urgence…Si on met en place une contrainte à l’installation en libéral, les médecins resteront salariés. On nous attend de partout, dans toutes les villes, les campagnes. La contrainte va nous éloigner du libéral. » Elle estime que l’offre est trop importante. « On en reçoit tous les jours. Moi, qui suis installée en cabinet, on cherche à me débaucher pour aller travailler en salariat. On risque donc de déshabiller la médecine libérale. »

Certains programmes électoraux proposent tout de même de contraindre les jeunes à finir leurs études dans les déserts médicaux, en échange de soutiens financiers. « Mais ils ne sont pas si jeunes que ça », répond Florence Lapica. « Quand on termine nos études, on a 27 ou 28 ans. Quand j’ai terminé mon internat, j’avais deux bébés. On m’aurait forcée à aller quelque part ? On ne parle pas de jeunes de 20 ans qui débutent leurs années de médecine. Quand on finit notre internat, quasiment la moitié des internes ont déjà une situation de famille. »

Le médecin reçoit même le soutien de l’infirmier. Mathieu Ferlay ne dit pas autre chose. « Je partage son avis. Il en manque partout, des médecins. Et des candidats, je pense qu’il y en a. Est-ce que la solution ne serait pas plutôt la formation ? »

Accompagner financièrement les internes

Dans l’Ain, on privilégie notamment les incitations financières. « Pour le moment, on apporte des aides aux internes. On soutient ceux qui viennent faire un stage dans le département. En espérant qu’ils feront le choix de rester. » explique la vice-présidente du département. Et ça semble fonctionner « C’est très humain, on s’installe plus volontiers dans un lieu que l’on connaît déjà un peu », souligne le docteur Lapica.

Nous n’avons pas les moyens d’imposer quoi que ce soit

Martine Tabouret, Vice-présidente de l’Ain

L’Ain va plus loin en finançant davantage les années d’internat en contrepartie d’un engagement d’installation minimum de quelques années. « On se dit que s’ils restent deux ou trois ans, peut-être feront ils leur vie sur le territoire ? » sourit Martine Tabouret « On essaye de travailler sur toutes les pistes incitatives car nous n’avons pas les moyens d’imposer quoi que ce soit. »

Moi je le vis très mal, et je ne suis pas le seul. Au bout d’un moment, ce n’est plus possible

Patrick Aufrère, Association des citoyens en lutte contre les déserts médicaux

Pour parvenir à attirer les nouvelles installations, la nécessité du maintien –ou du retour- des services publics est nécessaire. C’est ce que rappellent les syndicats de médecins. « On voit bien que dans les quartiers populaires, les services public se désengagent. Si on s’y retrouve tout seul, c’est vrai que l’on ne restera plus. Le service public doit rester engagé aussi. Et dans les campagnes, c’est pareil. »

Face à ces arguments, Patrick Aufrère fait la comparaison avec d’autres corps de métiers. « On a eu des échanges avec les pharmaciens, les policiers, les gendarmes. Ils n’ont pas le choix de leur implantation. » Il rappelle que les déserts médicaux constituent une rupture d’égalité territoriale et une inégalité d’accès aux soins. « Et pourtant, le principe d’égalité figure dans la Déclaration des droits de l’homme. »

Il parle avec son cœur. « Moi je le vis très mal, et je ne suis pas le seul. Au bout d’un moment, ce n’est plus possible. Lorsqu’on a rencontré les représentants des candidats à la présidentielle, on leur a rappelé qu’on ne pourra pas attendre dix ans de plus. Il y a une urgence sanitaire. Nous, on compte saisir les candidats aux législatives, car c’est eux qui vont décider. » Le combat se poursuit, même, encore en janvier dernier, une proposition de loi d’urgence sanitaire a été rejetée à l’Assemblée nationale.

Une meilleure collaboration entre infirmiers et médecins

Pendant ce temps, les initiatives diverses se multiplient. Dans l’Ain on a installé plusieurs cabines de consultation à distance (voir la vidéo ci-dessous). D’autres solutions sont testées. Parmi elles, la collaboration entre médecins et infirmiers. « On se rend compte qu’on peut, sans doute, voir moins souvent certains patients et être relayés par les infirmiers, dans un parcours de soins bien organisé », explique le docteur Lapica, en faisant référence notamment aux IPA (Infirmiers en pratique avancée).

Ces derniers sont formés davantage et se chargent du suivi des maladies chroniques. « Ils ont un droit de prescription étendu. Mais c’est vraiment tout récent. Cela a été créé en 2018 et ils sortent doucement des formations. C’est juste une spécialisation. Leur rôle est différent et ils doivent trouver leur place », confirme Mathieu Ferlay.

Dans l’Ain, cette idée de collaboration séduit. « On a ce projet de développer des binômes médecins-infirmiers. L’ensemble serait accompagné d’une mallette de télémédecine. Les mesures sont faites par l’infirmier, qui gère le dialogue avec le médecin. On y gagne un contact avec le patient, et cela permettrait au médecin de faire davantage de consultations », détaille Martine Tabouret. « A condition de ne pas mettre tout dans le même sac. Le diagnostic doit rester une compétence du médecin. Mais je pense tout de même que l’infirmier a l’habitude de voir si le patient n’est pas comme d’habitude et alerter. A mon avis, on peut étendre ce système » ajoute le docteur Lapica.

En attendant, on développe la formation. « On a beaucoup travaillé avec l’Université Lyon1 pour avoir une première année de médecine. Nous allons ouvrir 50 places à Bourg-en-Bresse à la rentrée de septembre 2022, dans les mêmes conditions que les étudiants lyonnais. Et le département financera le tutorat afin d’assurer une égalité de chances aux étudiants burgiens et lyonnais », annonce la vice-présidente de l’Ain.

Autant d’efforts suffiront-ils pour soulager suffisamment les attentes et les craintes des patients ? Ils répondent autant que possible à un problème urgent.

A priori, la modification, durant l’actuel mandat, du Numérus Clausus –devenu Numerus apertus en 2020- devrait permettre, à plus long terme, de parvenir à endiguer ce fléau. Cette évolution législative doit en effet augmenter leur nombre de 20% dans les 10 à 15 prochaines années.

C’est aussi une question de patience…

Source FR3.

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