Comment et quand révéler son handicap ?…

Un travailleur en situation de handicap peut choisir de le signaler à l’entreprise (ou pas). Mais à qui, comment et à quel moment ?

Comment et quand révéler son handicap ?

 

12 millions de Français sont touchés par un handicap, et pour 80% d’entre eux, il est invisible. Devant la loi, rien n’oblige un salarié à révéler sa situation à son employeur. Mais s’il décide de garder le silence, il ne pourra pas demander d’aides, comme par exemple l’aménagement de son poste de travail. Il risque également à terme de fragiliser ses relations avec ses collègues, qui ne comprendront pas pourquoi il lui est difficile par exemple de faire certaines tâches. Et c’est surtout risquer d’aggraver sa propre situation de handicap, en prenant trop sur soi.

De plus, si l’employeur le découvre, « il peut être déçu ou surpris de ne pas l’avoir su avant, ainsi que changer rapidement de comportement », prévient Alexandra Grevin, avocate spécialisée dans le droit du handicap. « La relation de confiance peut être perdue », abonde Patricia de Kermoysan, directrice du cabinet de conseil et recrutement Défi RH, spécialisé dans l’emploi des travailleurs handicapés.

Souvent, ce sont des préjugés qu’il faut déconstruire. Les salariés en situation de handicap ont peur de perdre leur emploi, que leurs compétences professionnelles ne soient pas reconnues, que dans la tête de l’employeur « handicap » rime avec »absentéisme »… « Il faut souvent rassurer les employeurs qui méconnaissent le handicap. Par exemple, “bipolaire” ne signifie pas toujours que la personne va être instable, c’est du cas par cas », explique Sabine Lucot, chargée de projet insertion professionnelle à La Fondation des Amis de l’Atelier.

Faire connaître sa situation avant l’embauche

Alors, quand le révéler ? Tout dépend de l’entreprise. Si elle communique autour du handicap, ou qu’elle a signé une convention avec l’Agefiph, une association de gestion de fonds pour l’insertion de personnes en situation de handicap, alors il ne faut pas hésiter à le mettre directement sur son CV.

« Si c’est écrit sur le CV, l’entreprise peut se dire : “c’est top, ça va nous permettre de remplir notre quota pour diminuer notre contribution à l’Agefiph”. Soit à l’inverse il va y avoir une discrimination. Cela dépend de la démarche et de la sensibilité de l’employeur », ajoute Alexandra Grevin. En effet, les entreprises qui emploient au moins vingt salariés depuis trois ans doivent respecter un quota de 6% de travailleurs en situation de handicap. Dans le cas contraire, elles versent une contribution.

En cas de doutes sur les motivations de l’entreprise, il est préférable de révéler sa situation lors de l’entretien. « Mais pas dès le début, précise Patricia de Kermoysan. Il faut avant tout que la personne montre qu’elle est compétente pour le poste auquel elle postule et ensuite, à la fin, elle peut l’aborder. Parfois le parcours du candidat est indissociable de son handicap, il peut l’évoquer à ce moment-là. » Pour elle, le pire moment est de le faire juste après avoir signé son contrat.

Rester pédagogue

Au cours de l’entretien, il vaut mieux rester pédagogue. « Si la personne a bien identifié ses besoins, elle peut communiquer seule en disant simplement : ‘j’ai une reconnaissance de travailleur en situation de handicap et des besoins spécifiques qui m’obligent à avoir une organisation très bien orchestrée’. L’important est de bien connaître son handicap et de montrer à son employeur toutes les ressources qu’on a développé pour y faire face », conseille Sabine Lucot.

S’il est préférable de révéler son handicap et d’être transparent, le salarié n’est pas obligé d’informer toute l’entreprise. Le médecin du travail, tenu au secret, peut solliciter l’employeur pour des aménagements de poste, une politique RH plus favorable au bien-être, sans dévoiler le nom du salarié en question. « Souvent les employeurs utilisent les ressources des personnes en situation de handicap pour les autres collègues », termine Sabine Lucot. Télétravail, postes plus ergonomiques, pauses… des aménagements qui bénéficient à toute l’entreprise.

Chiffre :  9,6 millions de personnes sont en situation de handicap au sens large. Or, seulement 2,7 millions de personnes sont reconnues administrativement.

Source LES ECHOS.

Masques, passe sanitaire…Quand le Covid empoisonne l’ambiance au travail…

Après des mois de télétravail, cette semaine consacre le retour au bureau pour de nombreux salariés.

Mais entre débats sur la vaccination et respect des gestes barrière, le climat est parfois tendu.

Les locaux d'une entreprise de recrutement à Lyon.

 

Gestes barrière, vaccination, passe sanitaire… Ces pommes de discorde ont envahi tous les compartiments de la vie quotidienne, dans le cercle familial et amical, et le monde du travail ne fait pas exception. Si la révolution du télétravail a été abondamment analysée et commentée, la vie au bureau a elle aussi subi des bouleversements visibles (masques, distanciation…) et d’autres plus insidieux, notamment dans les relations entre collègues.

«Cette rentrée au bureau génère beaucoup d’appréhension chez les salariés, observe la psychologue Valentina Urreiztieta, spécialiste de la qualité de vie au travail dans le cabinet de conseil Empreinte Humaine. La communication entre collègues a été rendue très complexe à cause du télétravail avec des malentendus ou encore des vexations dus à la distance. Certains se demandent comment vont se passer les retrouvailles.»

À cette inquiétude s’ajoutent les innombrables craintes générées par la pandémie. À commencer par la peur de se contaminer dans l’open space. Ces lieux décloisonnés sont conçus pour multiplier les interactions… et donc les frictions en pleine épidémie. «Le port du masque est censé être obligatoire mais personne ne le porte alors que tout le monde n’est pas vacciné», s’agace Nicolas auprès de ses collègues. Ce dernier paraît revenir au travail à reculons. «Je me dis que je prends un risque en travaillant en présentiel et que je suis mieux en télétravail».

Parois vitrées et carcan sanitaire

En isolant chacun dans un carcan sanitaire fait de parois vitrées et de distanciation, les gestes dits «barrière» n’ont jamais aussi bien porté leur nom. «On est confronté à une surdose de normes, d’informations autour du Covid», fulmine Stéphane*, cadre à la Société Générale. Ça pèse sur la convivialité et même la politesse au bureau». Ce salarié à la gestion des risques se dit étourdi par le nombre de mails de la direction déplorant le non-respect des gestes barrières, déboussolé par les flèches au sol et lassé par les remarques de ses collègues pointilleux. «J’ai un peu le sentiment d’être épié, sous surveillance en permanence», regrette-t-il en disant «le plaisir» qu’il a désormais à rester en télétravail deux à trois jours par semaine.

De nombreux travailleurs parlent finalement du télétravail comme d’un refuge face à la dégradation de l’ambiance au bureau. «Ces travailleurs ont vécu les avantages du télétravail, et voient moins l’intérêt de retourner au bureau qui n’est plus l’unique lieu symbolique de la vie professionnelle, analyse Valentina Urreiztieta, du cabinet Empreinte Humaine. L’enjeu pour les entreprises, c’est de les convaincre de revenir au moins partiellement en présentiel.»

Débats à la machine à café

Au-delà des risques sanitaires et de la flexibilité offerte par le télétravail, les employés s’agacent aussi des débats autour de la crise sanitaire. «Avec les chaînes d’information en continu dans les espaces communs, les discussions sont réalimentées en permanence par les rebondissements épidémiques et les mesures gouvernementales», pointe Laurent Laporte, cadre dans un hôpital psychiatrique et délégué CGT. Ce sont des sujets qui clivent et qui provoquent des disputes parmi les soignants.»

Ceux qui se trouvent en minorité à cause de leurs opinions éprouvent parfois en sentiment de mise à l’écart. «J’ai clairement la sensation d’être considéré comme un idiot ou un irresponsable par mes collègues», estime Thomas, jeune homme de 24 ans aux arguments posés qui ne souhaite pas se faire vacciner pour l’instant. Ce conducteur de travaux dans une grande entreprise de construction assimile les discussions avec ses collègues «au mieux à un débat entre politiques, au pire à une engueulade sur un plateau TV» Heureusement, toute son équipe change de sujet lors des pauses déjeuner au restaurant et Thomas considère que son quotidien n’est «pas encore trop affecté» par ces tensions.

«Grande vulnérabilité psychologique»

«Il y a un vrai risque de conflits de valeurs entre salariés sur les questions de liberté, de santé autour du passe sanitaire», anticipe la psychologue Valentina Urreiztieta. Pour elle, les prochaines semaines seront «décisives» dans le déminage ou l’aggravation de ces potentiels conflits. Aux managers de se montrer diplomates pour maintenir le bon fonctionnement de leur service. «Je dois faire très attention au climat de travail dans les équipes, raconte le cadre hospitalier Laurent Laporte, très éprouvé par la «mauvaise ambiance dans les équipes».

La santé des salariés pourrait également souffrir de cette ambiance empoisonnée. La psychologue Valentina Urreiztieta alerte sur une potentielle vague de burn-out dans les prochains mois : «De nombreux salariés se trouvent déjà en grande vulnérabilité psychologique».

Source LE FIGARO.

 

Une conséquence inattendue de la crise sanitaire : de plus en plus d’acouphènes…

Des ORL ont noté une recrudescence des consultations pour des problèmes de surdité ou d’inconfort auditif.

Souvent, ce sont des acouphènes ou davantage de sensibilité au bruit. 

Des ORL ont remarqué une recrudescence des problèmes d'audition, par exemple d'acouphènes depuis le déconfinement et le retour à la vie bruyante.

 

Il n’y a pas que des conséquences économiques à la crise sanitaire : il y aussi des conséquences sur la santé. Et parmi elles, à laquelle on ne s’attendait pas forcément : celle de notre audition et de notre manière d’appréhender le bruit.

Vous avez peut-être remarqué qu’après le déconfinement, vous êtes plus sensibles au bruit et vous souffrez peut-être d’acouphènes.

Le port du casque pendant le télétravail : un facteur aggravant ?

Le Docteur Marie-Josée Fraysse, ORL au CHU de Purpan à Toulouse a raconté une recrudescence des consultations après le déconfinement.

« Du point de vue auditif, il y a peut-être davantage d’acouphènes et d’hypersensibilité chez des personnes de tout âge mais plutôt même,  de personnage jeunes ou d’âge moyen, surtout des personnes qui ont travaillé avec le casque de manière prolongée », explique Marie-Josée Fraysse.

« Le casque peut occasionner une forme de silence gêné qui fait que, quand on va reprendre la vie normale, on peut trouver le bruit plus fort et avoir une hypersensibilité au bruit ». Normalement, tout revient rapidement à la normale mais cela peut rester invalidant ou douloureux.

Au moindre doute, il faut consulter !

Pour d’autres, la période a permis de se rendre compte d’une éventuelle surdité. Hoang Le est audioprothésiste à Toulouse. Depuis le déconfinement il a noté que « plusieurs personnes se sont rendues compte qu’avec le port du masque, elles ne pouvaient plus s’appuyer sur la lecture labiale et donc qu’elles avaient un début de surdité ». 

L’audioprothésiste toulousain recommande d’aller consulter un ORL « si vous êtes gêné dans le bruit, lors d’un repas de trois personnes par exemple, si vous faites répéter ou encore si vous montez le son de la télé », plus que quelqu’un d’autre.

Source FRANCE BLEU.

Quelles astuces pour ne pas faire du télétravail un enfer ? …

Face à la crise sanitaire majeure liée à la Covid-19, de nombreuses entreprises ont recours au télétravail. Objectif, réduire les déplacements et favoriser la distanciation sociale.

A condition que cela ne se fasse pas au détriment du confort du télétravailleur.

Quelles astuces pour ne pas faire du télétravail un enfer ?

 

Posté à la maison, nous sommes nombreux à négliger notre poste de travail et à faire de notre canapé et de notre table basse notre nouveau bureau. Si cette situation peut sembler plus confortable, elle ouvre la voie aux troubles musculo-squelettiques (TMS) et autres douleurs dorsales. Vous devez donc vous aménager un lieu de travail à part entière et adopter la bonne gestuelle.

Quel environnement ?

Idéalement, le poste de travail doit être placé dans une pièce lumineuse, avec l’écran disposé – autant que possible – à la perpendiculaire de la ou des fenêtres. Question de bon sens : l’éblouissement peut effectivement conduire à une situation de fatigue visuelle accrue. Enfin n’oubliez pas de reposer régulièrement vos yeux, prenez des pauses régulières (20 secondes toutes les 20 minutes) en regardant au loin. Le travail sur écran diminue l’amplitude et la fréquence du clignement, une des causes du syndrome de l’œil sec. N’hésitez donc pas à « forcer » ce clignement.

L’écran

Ne posez pas votre ordi portable sur les genoux mais sur un plan de travail. Le haut du moniteur doit se situer au niveau des yeux, à une distance confortable de lecture. Celle-ci correspond plus ou moins à la longueur du bras. Si vous travaillez sur un ordinateur portable, utilisez un rehausseur qui permet justement de placer le haut de l’écran à hauteur des yeux.

Votre posture générale

Les pieds doivent reposer à plat sur le sol de préférence. Voire sur un repose-pied lorsque le siège ou le plan de travail n’est pas réglable en hauteur et que vous n’êtes pas en mesure de poser vos pieds à plat. Lorsque vous utilisez le clavier, l’angle du coude est droit ou légèrement obtus. Les avant-bras sont proches du corps. Le dos, droit ou légèrement en arrière, soutenu par le dossier.

Fauteuil

Si vous le pouvez, privilégiez un fauteuil de bureau (et pas une chaise de la salle à manger qui aura vite fait de vous casser le dos). Son dossier et son assise doivent être réglables, au même titre que les accoudoirs (en hauteur). Ces derniers doivent être disposés afin de supporter les avant-bras sans soulever les épaules. L’assise doit également être profonde afin de vous donner la possibilité d’appuyer le bas du dos sans que le bord avant n’exerce de pression derrière les genoux.

Luttez contre l’isolement professionnel…

… sinon c’est la déprime assurée. Ayez des horaires de communication fixes avec vos collègues. Discuter est essentiel… Et permet de s’assurer que tout le monde va bien.

Source EST REPUBLICAIN.

 

Covid: deux fois plus de dépressions sévères qu’en 2020 chez les salariés…

Les populations les plus à risques sont les moins de 29 ans, les femmes, les managers et ceux qui télétravaillent.

Le taux de dépression chez les salariés est passé de 21% en décembre dernier à 36% en mars.

 

Les taux de dépressions, notamment sévères, parmi les salariés ont explosé, un an après le début de la crise sanitaire et le premier confinement, selon un «baromètre de la santé psychologique des salariés français en période de crise», réalisé par OpinionWay et présenté mardi.

Si la détresse psychologique des salariés français reste importante et touche 45% d’entre eux (-5 points par rapport à décembre 2020) dont 20% de détresse psychologique élevée (identique), «le taux de dépression nécessitant un accompagnement chez les salariés explose. Il passe de 21% à 36% (+15 points par rapport à décembre 2020) tandis que le nombre de dépressions sévères a doublé en un an (21% en mars 2021 contre 10% en avril 2020)», a précisé Christophe Nguyen, à la tête du cabinet franco québécois Empreinte Humaine, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux (burn-out, dépressions, suicides…), en présentant la sixième vague de ce baromètre depuis le début de la crise.

De la détresse psychologique à la dépression

«La détresse psychologique (indicateur de santé mentale utilisé pour diagnostiquer les troubles mentaux, NDLR) c’est l’antichambre de troubles mentaux plus sévères dont la dépression, et on voit que les gens sombrent», a-t-il ajouté, indiquant que «63% des salariés» déclarent «voir de plus en plus de collègues en détresse psychologique».

«Le contexte invite à être réaliste sur ce point. La détresse s’exprime aussi par des comportements d’hostilité, d’agressivité, ça ne va pas bien du tout et ça devient une crise au travail», analyse M. Nguyen. «On paie cash le manque de prévention de la santé mentale en population générale et dans les entreprises», ajoute-t-il, en comparant la France au Québec «où il y avait entre 7 et 9% de détresse psychologique fin 2020».

Qui sont les plus touchés ?

Les populations «les plus à risques» restent «les moins de 29 ans», dont 62% sont en détresse psychologique avec un risque de dépression accru pour près de quatre sur dix. Les femmes sont également très touchées avec 53% d’entre elles en détresse psychologique contre 38% pour les hommes.

Les managers, dont 48% sont en situation de détresse psychologique, sont plus touchés que les non-managers (44%). Facteur aggravant pour les premiers, 60% d’entre eux ne se permettent pas de parler de leurs difficultés avant de traiter celles de leurs collaborateurs et 4 sur 10 se sentent isolés en tant que manager, selon le baromètre, réalisé du 1er au 12 mars auprès d’un échantillon de 2.004 salariés représentatif, selon la méthode des quotas.

Saturation avec le télétravail

Là où en avril 2020, les plus exposés étaient les salariés en chômage partiel, ce sont aujourd’hui les télétravailleurs les plus en détresse psychologique. Ceux qui habitent dans moins de 40 m2 sont surexposés à la détresse psychologique (75%). Le télétravail est «en voie de devenir un risque psychosocial au travail» et sa «lassitude» se confirme avec 4 salariés sur 10 qui «saturent» du télétravail tandis que 50% des salariés disent «manquer de lien social avec les collègues», ce qui «impacte négativement le sens qu’ils donnent à leur travail». La détresse psychologique fait aussi «craindre des drames humains». 50% des salariés disent «avoir peur de l’état psychologique» de leurs collègues à la sortie de la crise, 32% craignent des suicides au travail et 10% ont peur «qu’un collègue agresse physiquement d’autres personnes», selon ce baromètre.

Source LE FIGARO.

Surveillance en télétravail: quels sont vos droits ?…

Une entreprise est parfaitement en droit d’installer des logiciels de surveillance sur les ordinateurs du personnel… à condition de l’en avertir.

L’explosion du recours au télétravail en raison de la crise sanitaire a, logiquement, amené les entreprises à penser ou repenser leurs modes d’organisation et de management du travail. Ainsi, la question du contrôle des salarié·es (vis-à-vis du contenu de leur travail, de son suivi, de l’atteinte des objectifs, etc.) dans un contexte d’éloignement physique est devenue encore plus prégnante, du fait de l’impossibilité de vérifier «en vrai», dans les faits, le respect des horaires et/ou des consignes de travail.

En juin dernier, une étude menée aux États-Unis soulignait un intérêt sans précédent des entreprises pour les logiciels de surveillance. Entre janvier et avril 2020, les intentions d’achats pour les logiciels de surveillance à distance des employé·es avaient été multipliés par plus de 50.

Le score d’intention d’achat pour la catégorie «Surveillance à distance des employés» est passé de 1 à plus de 53 en six semaines après le début de la distanciation. | Score d’intention d’Aberdeen, 2020 cité par ISG Research

Au regard de ces éléments, peut-on considérer que nous sommes désormais dans l’ère de l’hypersurveillance, voire du flicage, des salarié·es en télétravail?

Une capture d’écran toutes les cinq minutes

Le suivi et le contrôle des salarié·es constituent des fonctions majeures de l’activité d’encadrement et de management: la planification et la coordination des activités à réaliser passent par la mise en place de règles de contrôle des tâches à opérer, de l’atteinte ou non des objectifs fixés, de la conformité de ces activités avec les instructions transmises, etc.

La période de télétravail souvent subi a accentué cette tendance au contrôle, jusqu’à donner l’impression d’un surcontrôle, notamment au détriment de la confiance au travail. L’apparition et le développement d’outils et d’équipements digitaux sans cesse plus sophistiqués posent la question de la limite de plus en plus floue entre simple contrôle hiérarchique et surveillance intrusive, voire quasi espionnage, des salarié·es.

Présentés souvent comme de simples outils internes de gestion administrative ou d’aide à l’accroissement de la productivité des salarié·es, ces programmes servent, en théorie, à rationaliser l’organisation de l’activité, notamment en rendant visibles les déséquilibres internes en termes de charge de travail et d’état d’avancement des projets en cours. Ces logiciels assurent également une fonction de sécurité et de filtrage, afin que les salarié·es ne puissent pas naviguer en ligne sur certains sites internet ou extraire des données ou informations sensibles.

Mais leurs fonctionnalités vont beaucoup plus loin: géolocalisation, enregistreur de frappe (keylogger traçant la moindre activité au clavier), temps passé en ligne sur des sites «productifs» ou «non productifs», durée de connexion sur les serveurs de l’entreprise, nombre de courriels envoyés, identité des destinataires, etc.

D’autres logiciels opèrent des captures d’écran des ordinateurs toutes les cinq ou dix minutes, ou dressent un véritable portait du «comportement digital» des salarié·es, pour donner à voir leurs éventuelles anomalies. À l’extrême, ce comportement peut même être traité à grande échelle par l’intelligence artificielle, afin d’opérer un contrôle beaucoup plus large. La plupart de ces logiciels de traçage de l’activité sont invisibles pour les salarié·es qui font l’objet d’une surveillance de plus en plus intrusive, ce qui pose logiquement la question de leur légalité.

Que dit la loi?

Tout dispositif de contrôle des salarié·es doit, pour être valable, respecter les libertés et droits fondamentaux des salarié·es, au premier rang desquels se trouve leur vie privée.

Le respect des prescriptions du règlement général sur la protection des données (RGPD), lorsque le dispositif touche à des données personnelles, est également incontournable. De plus, le Comité social et économique (CSE) doit être informé et consulté préalablement, afin d’appréhender en amont le dispositif de contrôle et ses possibles conséquences.

Ainsi, ce contrôle doit être justifié et proportionné, comme l’indique notamment l’Accord national interprofessionnel relatif au télétravail du 19 juillet 2005. De plus, le Code du travail prévoit une obligation de transparence de la part de l’employeur concernant l’usage des données personnelles: «Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.»

Les modalités précises du contrôle doivent être établies (type de contrôle, suivi, mesure, etc.) et discutées avec les partenaires sociaux, ainsi que les sanctions prévues. Bien que les messages échangés par le biais d’une adresse ou d’un téléphone professionnels et les fichiers stockés sur les ordinateurs de l’entreprise soient la propriété de cette dernière, cela n’autorise pas les responsables de l’organisation à agir sans limites.

Parallèlement, certain·es salarié·es peuvent développer des stratégies individuelles de contournement des dispositifs de surveillance: recours aux téléphones ou ordinateurs privés à des fins professionnelles, pour sortir ainsi du champ de surveillance, comportements feints, ententes entre salarié·es pour «tromper» ces dispositifs, etc. Ces éléments nous questionnent plus en profondeur sur les défaillances mêmes du management, obligé de recourir à des techniques au mieux borderline, au pire illégales.

Un révélateur de la défaillance du management

Ces cas d’espionnage interne témoignent d’une part de la trahison du contrat moral liant supérieur·es et salarié·es, et d’autre part des insuffisances du management, dont certaines pratiques peuvent mener à rompre toute confiance envers les salarié·es.

Cette volonté de compenser l’impossibilité d’une surveillance physique et réelle par des techniques allant du mail ou de l’appel de 9h01 pour analyser le temps de réponse des salarié·es jusqu’aux logiciels de surveillance et ses abus cristallise une défaillance majeure dans les techniques de management mises en place, et l’incapacité des managers à gérer des équipes à distance.

Cette absence de confiance au travail est, de plus, contre-productive: les salarié·es peuvent développer des stratégies de contournement, mais également avoir tendance à progressivement être démotivé·es, voire à se désinvestir d’un travail dans lequel ils et elles se sentiraient sans cesse suspecté·es d’un potentiel manquement professionnel.

Les conséquences sur la santé des salarié·es ne sont ainsi pas négligeables. Par crainte de ne pas répondre aux attentes des managers et d’être accusé·es de ne pas réellement travailler, les salarié·es se rendent parfois disponibles constamment, induisant une situation de connexion subie, voire d’hyperconnexion.

Dès lors, l’organisation doit être vigilante sur le non-respect de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, voire à la perméabilité accrue entre ces deux dernières. Ces éléments reposent ainsi la question du droit à la déconnexion et des difficultés à réellement le mettre en place, dans une optique préventive.

Dans ce contexte de crise sanitaire sans précédent, le recours accru au télétravail rebat les cartes du management, encore trop largement orienté vers le contrôle, voire l’hypercontrôle. Cela incite fortement les organisations à développer une nouvelle proposition sur la relation managers-salarié·es, en s’assurant du travail réalisé, sans tomber dans les dérives de l’hypersurveillance, avec la préservation de la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Les organisations ont tout intérêt à progressivement passer de la culture du contrôle à la culture de la confiance, et à s’axer moins sur le processus que sur le résultat.

Source SLATE.

 

Surveillance, contrôle, traçage: les salariés n’ont jamais été aussi fliqués qu’au temps du Covid…

La crise sanitaire revitalise un mode de contrôle des salariés né dans les usines britanniques lors de la révolution industrielle, outils de surveillance à la pointe de la technologie en sus.

 

«La crise sanitaire a mis au jour la présence de ces dispositifs de surveillance toujours plus nombreux, dont elle a dans le même temps assis la légitimité et accéléré la banalisation. On me demande souvent s’il faut craindre la généralisation d’une surveillance dite de masse; et s’il s’agissait plutôt d’une massification de la surveillance?» interroge le journaliste spécialiste du numérique Olivier Tesquet dans État d’urgence technologique – Comment l’économie de la surveillance tire parti de la pandémie, qui paraît le 4 février 2021 chez Premier Parallèle et dont nous publions ici un extrait.

Pourrait-on trouver meilleur symbole de cette double peine infligée aux moins fortunés que celui de Facebook? En mai 2020, son tout-puissant patron, Mark Zuckerberg, annonce son intention de faire de Facebook «l’entreprise la plus avancée au monde en matière de télétravail». Et de pronostiquer que, dans un délai de cinq à dix ans, la moitié de ses 45.000 salariés pourraient bûcher à distance. Alors que «Zuck» se prend pour Robert Noyce, le père fondateur et «maire» historico-symbolique de la Silicon Valley, inventeur du transistor, du microprocesseur et de l’open space, il ne dit rien des légions invisibles de modérateurs, environ 35.000 personnes, employées par des sous-traitants américains, indiens ou irlandais, chargées de nettoyer quotidiennement les déchets flottant à la surface du premier réseau social de la planète.

Pour ce précariat moderne, la présence physique ou rien. À Dublin, des centaines d’entre eux ont été sommés de revenir au bureau, malgré plusieurs cas déclarés de Covid-19. Alors qu’ils souffrent déjà de syndromes de stress post-traumatique, à force d’être confrontés à des images insoutenables et des propos haineux, ils doivent maintenant composer avec la peur de tomber malades. «Si je perdais mon mari, si quelque chose m’arrivait, qui s’occuperait de mon fils de 6 ans?», se demande l’une des modératrices en fondant en larmes.

La mesure visant à instaurer le télétravail chez Facebook, réservée à sa main-d’œuvre privilégiée et assortie de réductions de salaire en fonction du choix géographique des travailleurs, laisse certes augurer un dumping social covidé pour les ingénieurs –très– bien rémunérés de la firme de Menlo Park. Quand on sait à quel point, en quinze ans, le petit monde des nouvelles technologies a rendu la baie de San Francisco invivable pour tous ceux qui n’évoluent pas dans le secteur, ne leur laissant d’autre choix que de déménager, d’aucuns pourront souligner qu’il s’agit d’un rééquilibrage karmique. Mais si les pauvres sont indiscutablement les premiers à faire les frais d’un taylorisme sanitaire qui impose une nouvelle organisation scientifique du travail, une fois ce mécanisme enclenché, il risque fort de contaminer l’ensemble du marché du travail.

Avec la pandémie, des millions de salariés, désormais rompus aux codes de la visioconférence et des tâches «distancielles», exercent désormais depuis chez eux. Illusion de liberté absolue pour certains, summum de l’aliénation pour d’autres, le télétravail «est un mode de fonctionnement qui s’oppose à l’activité politique et sociale», comme le formule la sociologue Eva Illouz. «Si la crise du sida a déjà rendu le contact sexuel dangereux, c’est ici la socialité dans son ensemble qui demande une vigilance permanente», poursuit-elle. De fait, le télétravail recompose tout à la fois nos comportements, le regard que nous portons sur les tâches que nous accomplissons, mais aussi –et surtout– nos relations hiérarchiques. D’une certaine façon, il marque la violation matérielle et symbolique du domicile.

Entre mon lit et mon bureau, la cloison étanche de l’intimité vole en éclats. Dans cette configuration, tous ceux qui peuvent télétravailler, c’est-à-dire les employés et cadres du tertiaire, sont particulièrement sujets à l’invasion de leur sanctuaire. Aux États-Unis, selon une étude du MIT, pas moins d’un tiers de la population active a basculé vers le travail à distance.

Parallèlement, les outils pour les surveiller ont connu un pic de popularité sans précédent. Au premier chef, les logiciels de time tracking qui, en analysant les mouvements de la souris et en effectuant à intervalles réguliers des captures d’écran de l’ordinateur, contrôlent l’assiduité du salarié épié. «C’est super stressant, tous les matins, on reçoit un rapport d’activité. J’arrive rarement à dépasser les 50% de temps de travail effectif», souffle Marine, analyste en renseignement d’affaires, dans Libération. Emprisonnés dans cet «hypertemps» dilaté, tel que le nomme le philosophe Pascal Chabot, «synchronisés en permanence» et chronométrés dans toutes nos tâches, nous luttons à armes inégales.

La crise sanitaire revitalise un mode de contrôle des salariés né dans les usines britanniques lors de la révolution industrielle.

Le droit à la déconnexion, pourtant garanti par la loi depuis le 1er janvier 2017, est percuté de plein fouet par des acteurs nommés Hubstaff, Time Doctor, FlexiSPY, ActivTrak ou Teramind. Le premier, leader du marché, a ainsi vu ses essais –gratuits– augmenter de 200% dès le mois de mars, avec l’annonce du confinement. Jusqu’ici réservé à des officines peu connues du grand public, ce marché porteur a même attiré l’attention de Microsoft, qui a annoncé en octobre 2020 l’intégration d’un score d’efficacité dans sa suite logicielle. Devant un scandale naissant, le géant de l’informatique a momentanément reculé, mais la démocratisation de ces mouchards laisse augurer le pire: à force d’être pervasifs, ils deviendraient omniprésents, et donc invisibles.

Pour mieux comprendre ce retour de la pointeuse, on peut s’intéresser à une étude commandée par Hubstaff. Réalisée auprès de 400 entreprises américaines, celle-ci montre que près de la moitié d’entre elles (respectivement 44 et 46%) attend du télétravail qu’il augmente les profits et la productivité. Ainsi que le rappelle Edward P. Thompson, le grand historien de la classe ouvrière britannique, «avant l’avènement de la production de masse mécanisée, l’organisation du travail était caractérisée par l’irrégularité». Tout ce que fait craindre le Covid-19. On peut alors comparer le sort des prolétaires du XVIIIe siècle et celui des télétravailleurs du XXIe; et si leurs conditions matérielles d’existence ne sont pas les mêmes, la crise sanitaire revitalise un mode de contrôle des salariés né dans les usines britanniques lors de la révolution industrielle.

Plus intrusifs encore, certains employeurs déploient des keyloggers, capables d’enregistrer tout ce qu’un individu tape sur son clavier, ce qui marque un détournement flagrant de leur fonction initiale. Aux États-Unis, on utilise le terme de mission creep pour désigner tout glissement mortifère d’une finalité vers une autre. Utilisée pour la première fois en Somalie en 1993, lorsqu’une aide humanitaire de l’ONU s’est transformée en opération militaire américaine, puis en fiasco lors de la bataille de Mogadiscio, l’expression fonctionne ici en sens inverse: d’ordinaire réservés à la lutte antiterroriste (les services de renseignement français les utilisent notamment contre des cibles islamistes), les keyloggers visent désormais un horodatage permanent de l’activité des travailleurs, au moment même où ceux-ci sont contraints de gérer leur vie personnelle et professionnelle derrière un écran.

Devant la menace, la CNIL a publié une mise au point à destination des entreprises: «Si l’employeur peut contrôler l’activité de ses salariés, il ne peut les placer sous surveillance permanente.» Ainsi, les partages permanents d’écran, les keyloggers ou l’obligation d’activer sa caméra pendant le temps de travail sont considérés comme «disproportionnés» et passibles de sanctions.

Pour autant, l’imposition à bas bruit de cette surveillance bureautique ne se limite pas au télétravail. Avec l’impératif de maintien –ou de reprise– de l’activité économique, certaines entreprises, sur le modèle de Ferrari, conditionnent la présence sur site de leurs salariés à un traçage ubiquitaire et permanent. Chez le géant du conseil PricewaterhouseCoopers (PwC), afin de garantir «la sécurité et la productivité», chaque employé qui souhaite venir sur site –et possiblement échapper à une intrusion domiciliaire quotidienne– doit obligatoirement installer Check In, une application qui permet de suivre leurs mouvements et de détecter les malades le cas échéant. PwC, qui a également développé une balise miniature, calibrée pour les lieux où le smartphone n’est pas autorisé et pour les visiteurs, a d’abord testé sa solution dans ses bureaux new-yorkais, avant d’en faire une véritable opportunité de diversification économique: une soixantaine d’autres entreprises en sont désormais équipées.

Poursuivi en justice outre-Atlantique pour avoir insuffisamment protégé ses travailleurs du Covid-19 tandis que Jeff Bezos consolidait sa place d’homme le plus riche de la planète[1], Amazon a également développé un dispositif maison pour ordonner sa main-d’œuvre dans l’espace. Distance Assistant, qui se présente sous la forme d’un écran de télévision agrémenté de capteurs télémétriques et d’une caméra intelligente, mesure ainsi la distance entre les salariés dans les entrepôts. S’ils se rapprochent trop les uns des autres, un cercle rouge apparaît sur le moniteur. D’abord testé dans quelques entrepôts, le prototype a ensuite été déployé par centaines.

Banalisées par l’épisode pandémique, ces technologies sont d’autant plus redoutables qu’elles étaient déjà expérimentées avant l’irruption du Covid-19.

Outre les applications de contact tracing, dont ces dispositifs sont cousins, certains employeurs préfèrent recourir à de véritables bracelets électroniques. Aux États-Unis toujours, Radiant était jusqu’à présent une société spécialisée dans le traçage logistique, utilisant le GPS et le Bluetooth pour localiser des lits d’hôpital ou des robots sur une chaîne de montage. Désormais, Radiant suit des personnes et vend des gourmettes espionnes à des constructeurs automobiles, qui peuvent ainsi savoir si leurs équipes respectent la distanciation sociale. Si un signal fort entre deux salariés est détecté pendant plus de quinze minutes, l’interaction est stockée sur le cloud, prête à l’usage en cas de test positif. En quelques mois, Radiant a écoulé plus de 10.000 unités. Et tous les secteurs sont égaux devant ce pistage systématisé. La NFL, la ligue de football américain, a acheté 25.000 traqueurs de la taille d’un paquet de chewing-gums à Kinexon, une start-up munichoise. Joueurs, entraîneurs et staffs techniques doivent tous le porter au poignet ou dans la poche.

Estimote, une entreprise américaine, produit des milliers d’objets connectés en Bluetooth, wearables aux couleurs pastel et au design impeccable, qui permettent aux employeurs de suivre eux-mêmes leurs troupes infectées. Quant au personnel hospitalier, il trimbale un disque plus petit qu’une pièce de un dollar autour du cou, fourni par une autre société, AiRISTA Flow, qui vend sa technologie de localisation à des institutions psychiatriques depuis une dizaine d’années, pour empêcher les patients de s’enfuir.

Banalisées par l’épisode pandémique, ces technologies sont d’autant plus redoutables qu’elles étaient déjà expérimentées avant l’irruption du Covid-19, au nom de la sociométrie, cette discipline qui entend étudier les relations interpersonnelles au sein d’un groupe et les cartographier pour réorganiser le travail. On pense ici à Humanyze, cette création du MIT que j’évoquais dans les premières lignes d’À la trace et qui, portée en sautoir, écoute les salariés de la NASA ou de Bank of America et épouse leurs mouvements pour optimiser leurs performances.

On pourrait aussi convoquer Emotiv –les marchands de surveillance en milieu professionnel affichent toujours des raisons sociales bienveillantes–, qui commercialise des écouteurs capables, paraît-il, d’enregistrer les ondes cérébrales, révélant du stress ou de la fatigue, afin de mieux organiser le travail. Dans un cas comme dans l’autre, et c’est encore plus vrai en temps de coronavirus, cette intrusion s’opère au nom du bien-être.

Source SLATE.