Les troubles, dysfonctionnements ou séquelles spontanément déclarés après un cancer selon l’enquête Vican 5 publiée par l’Inserm et l’INCA
– Des modifications de l’image du corps 12,6 %
– Douleurs modérées à sévères 12,3 %
– Fatigue chronique 10,4 %
– Troubles moteurs ou troubles de la vision 9,7 %
– Difficultés sexuelles 6,5 %
– Troubles chroniques des fonctions urinaires 6,3 %
– Troubles chroniques des fonctions gastro-intestinales basses 4,9 %
– Neuropathie périphérique 4,5 %
– Syndromes hormonaux ou de la ménopause 3,8 %
-Lymphoedème des membres 2,9 %
-Troubles cognitifs comme des troubles
de la mémoire ou de la concentration 2,9 %
-Troubles chroniques des fonctions gastro-intestinales hautes 2,4 %
– Difficultés respiratoires 2,2 %
-Troubles chroniques dentaires ou buccaux 2%
-Désordres endocriniens comme un déficit thyroïdien, ovarien ou une prise de poids 1,8%
«Pour les petits cancers du sein, la technique du ganglion sentinelle – qui consiste à n’enlève que le premier ganglion lymphatique du creux de l’aisselle, en plus de la tumeur – remplace quand c’est possible le curage complet des ganglions axillaires», explique le Pr Gilles Houvenaeghel, chirurgien (Institut Paoli Calmette, Marseille). On réduit ainsi le risque de lymphœdème, de «gros bras». L’imagerie tumorale plus précise diminue le risque de récidive donc de mastectomie totale. Dans les cancers de l’utérus et du col, c’est surtout la chirurgie mini-invasive qui a apporté des progrès, mais l’ablation de l’utérus reste la règle.
«En cancérologie digestive, la cœlioscopie a aussi réduit l’impact de la chirurgie et ses séquelles. Dans le cancer du rectum, on fait plus d’ablations partielles pour préserver l’anus et éviter la stomie, explique le chirurgien. En cancérologie ORL, la tendance est aussi à une chirurgie partielle de préservation d’organe quand c’est possible.»
En oncologie médicale, l’intensité des chimiothérapies classiques a longtemps été privilégiée comme gage d’efficacité. «Les anthracyclines conservent une place importante dans le traitement du cancer du sein, mais on a réduit la dose cumulée pour diminuer la toxicité cardiaque à long terme. Idem pour le cisplatine, très utile dans de nombreux cancers, mais parfois à l’origine de séquelles auditives et sensitives», explique le Pr Pierre-Yves Pierga, oncologue (Institut Curie, Paris).
Des séquelles imprévisibles
«La prédiction des séquelles à long terme est difficile. Il n’y a pas de modèle animal pour prévoir une toxicité à dix ou quinze ans. Nous nous basons donc surtout sur le recueil de ces effets par la pharmacovigilance», explique l’oncologue. Autre inquiétude, le risque à long terme de second cancer lié à l’effet sur l’ADN des anticancéreux et de la radiothérapie. «Dans certains cas rares, on peut identifier des malades à risque génétique accru.»
La préoccupation immédiate, c’est l’efficacité du traitement contre le cancer, mais en restant très vigilant sur la toxicité. «Les immunothérapies semblent avoir moins de toxicité à long terme. Avec de nouveaux médicaments, les inhibiteurs de checkpoint immunitaire, il peut y avoir de rares réactions à long terme d’auto-immunité sur la peau ou la thyroïde.» Les progrès dans la prévention de ces séquelles à long terme viennent surtout du choix accru entre molécules, et d’une meilleure préservation de la fertilité chez les malades jeunes.
La radiothérapie a sa place dans la plupart des cancers non disséminés et à faible risque métastasique, dans presque tous les cancers du sein ou ORL, certains cancers du poumon ou de la prostate… «Les séquelles dépendent de la dose cumulée de rayons et du volume irradié, avec des progrès importants grâce au couplage de la radiothérapie à des outils d’imagerie moderne. Nous pouvons donc mieux estimer le volume cible au millimètre près et mieux préserver les organes voisins», explique le Pr Christophe Hennequin, radiothérapeute (hôpital Saint-Louis, Paris). «Les séquelles possibles, de gravité variable, vont d’effets cutanés mineurs jusqu’à l’atteinte cardiaque. Ce risque est très fortement majoré par le tabagisme.»
Dans les cancers ORL, le risque de sécheresse buccale par destruction des glandes salivaires peut être divisé par deux par la radiothérapie en modulation d’intensité. Les irradiations pelviennes engendrent parfois une sécheresse vaginale altérant la qualité de vie, que les gynécologues peuvent un peu améliorer. Autre séquelle de ces irradiations, l’atteinte ovarienne et la ménopause précoce. «Chez les femmes jeunes ayant un cancer gynécologique précoce, une préservation de fertilité peut être proposée si elle ne retarde pas le traitement.» Dans les cancers digestifs, des séquelles peuvent survenir, avec des selles très fréquentes dont la prise en charge reste très difficile.
Pour le Pr Hennequin, «la gestion des séquelles, la prise en compte de la qualité de vie après le cancer est une préoccupation croissante des cancérologues. Même si l’effort n’a peut-être pas été suffisant jusqu’à présent».
L’exemple du cancer du sein
Chaque année, plus de 50.000 femmes ont un cancer du sein en France, dont 80 % vivront plus de dix ans après. Avec 12.000 patientes incluses depuis 2012, Canto est la plus grande cohorte mondiale sur les effets à long terme du cancer du sein et de ses traitements.
Premier objectif: identifier les facteurs prédictifs chez les patientes avec un cancer du sein précoce afin d’adapter leur traitement. Plusieurs études ont montré la fréquence de symptômes comme la fatigue, les bouffées de chaleur, la sécheresse vaginale, les douleurs ostéo-articulaires, l’insomnie, les difficultés neurocognitives. «Certains sont typiques de traitements. Ainsi la douleur ou le lymphœdème sont plus associés aux thérapies locales, chirurgie et rayons, indique le Dr Ines Vaz-Luis, oncologue (IGR, Villejuif), chargée du programme Canto. D’autres, comme les symptômes de ménopause, les dysfonctions sexuelles, les troubles musculo-squelettiques, à l’association thérapies locales et chimiothérapie, et surtout à l’hormonothérapie.»
Source LE FIGARO.