Côte-d’Or : 300 personnes âgées ou handicapées vont raconter leur quotidien…

Comment vivent les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap ?

Les aides qui leurs sont offertes sont elles pertinentes ?

L’Insee lance une grande enquête pour y voir plus clair. 300 personnes vont être interrogées en Côte-d’Or. 

300 personnes en situation de dépendance seront interrogées en Côte-d'Or

 

Comment  les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap arrivent-elles à se débrouiller au quotidien ? Est-ce que les aides auxquelles elles ont droit correspondent vraiment à leurs besoins ? Pour le savoir l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) débute ce 20 avril une vaste étude qui va durer jusqu’en décembre. Des enquêteurs vont se rendre au domicile de 1300 Bourguignons pour évaluer des conditions de vie des personnes dépendantes. 

300 personnes vont être interrogées en Côte-d’Or .« On cherche à mesurer leur qualité de vie, à détailler les aides financières, techniques ou humaines qu’elles peuvent décrocher » explique Robert Viatte, chef du service statistique de l’Insee à Dijon. « Comment vivent ces personnes, qui les aident , quel est leur quotidien ? C’est une enquête qui se déroule au domicile des personnes, et qui peut prendre une heure à une heure et demie d’entretien. »

« Je dois remplir sept dossiers pour changer de fauteuil » – Martine, membre de l’APF

En Côte-d’Or, 300 personnes ont été tirées au sort sur des listes. Elles sont averties par courrier, puis par téléphone par l’enquêteur ou l’enquêtrice qui viendra chez elles.  Les personnes sondées ont l’obligation de répondre mais elles ne devraient pas se faire prier car visiblement elles ont beaucoup de choses à faire remonter : « Moi par exemple, je suis en fauteuil roulant, et si je veux en changer, je dois remplir sept dossiers différents » déplore Martine Cuenot qui œuvre au sein de l’Association des Paralysés de France (APF) à Dijon. « J’ai du recourir à trois assistants sociaux, auxquels il faut à chaque fois répéter ses malheurs. C’est vraiment lourd. Il manque un guichet unique pour effectuer ces démarches. »

« On renonce a certains droits, car tout est très complexe » – Olivier Bertat, un aidant

L’enquête de l’INSEE va aussi donner la parole aux aidants, celles et ceux qui accompagnent les personnes en situation de dépendance. Olivier Bertat préside à Dijon l’association « Envie d’aller plus loin avec mon handicap » et lui aussi a des choses à dire : « Selon la CAF, j’ai droit dans toute ma vie à 66 jours de congés pour assister ma compagne qui est en fauteuil. 66 jours sur 40 ans de carrière alors qu’elle a besoin d’une présence quotidienne » souligne-t-il. « De plus pour poser ces jours, les modalités changent souvent, la France est un pays qui aime la paperasse et il faut remplir des dossiers papiers, c’est loin d’être moderne et efficace. Au bout du compte, on finit par renoncer à ce droit car tout cela devient trop complexe. »

Même écho pour Martine Cuenot qui déplore des aides qui varient « considérablement » du jour au lendemain quand on devient adulte ou quand on dépasse les 60 ans. « Tout cela, alors que notre quotidien lui ne change pas. Bref on raisonne beaucoup trop avec des barèmes et pas avec de l’humain. » L’enquête de l’Insee, conduite au niveau national, sera publiée dans le courant de l’année 2023. Elle devrait alors aider les élus et les pouvoirs publics à affiner le système d’aides en France et le rendre plus pertinent.

Source FRANCE BLEU.

 

Pau : Sylvain, l’étudiant en situation de handicap, gardera finalement son allocation à taux plein…

L’étudiant palois souffrant de problèmes de dos ne peut prétendre ni à une bourse, ni au chômage, et son allocation adulte handicapé devait être drastiquement réduite.

La CAF l’a informé ce vendredi qu’elle maintenait ses droits.

Pau : Sylvain, l’étudiant en situation de handicap, gardera finalement son allocation à taux plein

 

« Votre droit AAH (allocation adulte handicapé) est revu depuis octobre 2021. En effet, nous tenons compte de votre cessation d’activité depuis décembre 2020 sans revenu de remplacement. Vous bénéficiez donc d’un droit AAH taux plein. » C’est par un mail de la Caisse d’allocations familiales, reçu ce vendredi 26 novembre dans l’après-midi, que Sylvain a appris avec bonheur qu’il continuerait à bénéficier de l’aide mensuelle de 903 euros, et non d’une aide réduite à 360 euros comme il le lui avait été annoncé fin septembre.

Zone grise

En effet, étudiant en formation continue à l’université de Pau (capacité en droit), il ne pouvait prétendre à une bourse, ni au chômage puisqu’il a travaillé auparavant dans un Esat (établissement d’aide par le travail), où l’on ne cotise pas pour ce droit. Un symbole de la « zone grise » des aides sociales.

« Nous avons gagné. Ma situation va être régularisée. Je vous remercie infiniment pour votre confiance, votre soutien, votre écoute et votre aide. Cette victoire c’est notre victoire ! », a écrit ce vendredi Sylvain dans un mail adressé à la déléguée au Défenseur des droits, à l’assistante sociale de l’Université de Pau et aux personnes l’ayant soutenu.

Source SUD OUEST.

Le calcul de l’allocation aux adultes handicapés organise une dépendance intenable dans le couple…

Aujourd’hui, en France, quasiment 1,2 million de personnes touchent l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés.

 

Cette allocation de solidarité est destinée à assurer aux personnes en situation de handicap un revenu minimum. Elle est attribuée sous réserve de respecter des critères d’incapacité, d’âge, de résidence et de ressources. Son objectif majeur est de palier l’absence ou la faiblesse de revenus d’activité d’une personne en situation de handicap. En effet, non seulement certaines de ces personnes ne sont tout simplement pas en mesure de travailler, mais nombreuses sont celles qui sont victimes de discrimination à l’embauche. Ainsi, 18% des personnes en situation de handicap sont au chômage, soit environ deux fois plus que la moyenne nationale.

Mais, l’AAH est ce que l’on appelle une allocation différentielle: c’est-à-dire que son montant peut varier selon les ressources du foyer. Et, c’est là que le bât blesse.

En effet, comme l’explique Kevin Polisano dans une courte vidéo mise en ligne en 2017, si une personne handicapée touchant l’AAH (dont le montant est aujourd’hui de 900 euros mensuels) se met en couple avec une personne valide dont le salaire dépasse 1.625,40 euros par mois (soit 19.505 euros par an), l’AAH lui est supprimée. C’est-à-dire que la personne handicapée se retrouve sans aucun revenu personnel.

Une accentuation de la dépendance

Pour les associations qui dénoncent cette disposition, ce conditionnement du versement de l’AAH crée des situations intenables autant financièrement que socialement et psychologiquement. Pour Odile Maurin, présidente de l’association Handi-Social, les conséquences sont triples: «La conséquence pour la personne handicapée, c’est qu’elle se retrouve en situation de dépendance financière vis-à-vis du conjoint ce qui peut entraîner des relations conflictuelles et de la violence et un sentiment d’infériorité. Il y aussi une conséquence sur la personne valide: elle accepte volontairement de se mettre en situation de pauvreté parce qu’elle a choisi de vivre avec quelqu’un en situation de handicap. Il y a enfin une conséquence sur le couple: on met les deux conjoints dans une situation de pauvreté.»

Le premier point est essentiel et témoigne d’une vision validiste du handicap, comme l’explique Cécile Morin porte-parole du Collectif lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation: «Les politiques mises en œuvre par ce gouvernement organisent une dépendance des personnes handicapées. Cette mesure conduit à reproduire dans l’ordre des relations familiales la dépendance, la domination et le risque d’infantilisation dont les personnes handicapées font déjà l’objet de manière systémique. Ça accrédite l’idée que les personnes handicapées ne seraient pas des sujets de droit, adultes, autonomes, capables de choisir avec qui elles ont envie de vivre. Cela renforce l’idée que les personnes handicapées seraient des objets de charité et de protection soumises à une domination au sein de foyer.»

Même son de cloche du côté de Clémentine du collectif Les Dévalideuses: «On intériorise l’idée que les personnes handicapées sont des fardeaux au sein d’une société validiste, qu’elles sont dépendantes, qu’elles n’ont pas le droit d’avoir leur revenu propre, que leur autonomie ne vaut pas le coup.»

«Certaines personnes handicapées ne s’installent pas avec leur partenaire parce que l’autre ne pourra pas faire vivre le foyer seul.»

Clémentine du collectif Les Dévalideuses

Stéphane, qui souffre d’un syndrome d’Ehlers-Danlos et touche l’AAH depuis dix ans témoigne: «Avec ce fonctionnement l’État nous fait comprendre que nous sommes un poids dont quelqu’un doit se charger, et que si quelqu’un vit avec nous, c’est à lui d’assumer. Quand on est handicapé, on subit une pression à la performance. On n’arrête pas d’être remis en question, tout le temps. Qui veut de ça dans un couple?»

Le jeune homme dénonce le prix de l’amour subi par les personnes handis: «Vous imaginez si une loi vous dictait qui vous avez un peu le droit d’aimer, mais pas trop, et qui vous n’avez pas du tout le droit d’aimer? C’est ce qu’il se passe avec l’AAH. Le mariage ne nous est pas rendu illégal, mais il est quand même passible de sanctions.» Clémentine ajoute: «Les personnes handicapées peuvent se se dire: “Je ne vais pas m’installer avec la personne dont je suis amoureuse parce que la CAF va me retirer mon AAH”. Certaines ne s’installent pas avec leur compagnon ou leur compagne parce que l’autre ne pourra pas faire vivre le foyer tout seul.» Cécile Morin complète: «Cela nous renvoie au fait qu’au regard de la société, la vie affective et psychologique des personnes handicapées ne compte pas.»

Les femmes exposées à la violence

Cette vision validiste est aussi une vision patriarcale du couple, comme l’exprime Stéphane: «Notre société considère le couple comme un genre d’individu unique composé de sous-individus pas vraiment distincts. Et si on prétend être sortis de cette vision rétrograde depuis les années 1960, ça reste l’approche fondamentale de l’État.»

En effet, la personne en situation de handicap devient totalement dépendante financièrement. «Cela crée un rapport de domination, explique Clémentine. Si le conjoint valide gagne plus que le salaire moyen des Français, la personne handicapée dépend totalement de lui et devra demander pour la moindre dépense. Dans un couple valide/handicapé, il peut déjà y avoir des biais de pouvoir par rapport à la dépendance physique. On ajoute une dépendance financière qui peut être source de tensions au sein du couple, et de violences.»

34% des femmes handicapées ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19% des valides.

Étude de la Dress

La dépendance financière accroît le risque de violences physiques et psychologiques chez les femmes en situation de handicap, qui constituent déjà la population la plus concernée par les violences au sein du couple. En 2014, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne estimait en 2014 que 34% des femmes handicapées avaient subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19% des valides. Une étude rendue publique le 22 juillet 2020 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) confirme ces chiffres dramatiques. «Soumission et violences peuvent s’installer du fait de cette dépendance», explique Clémentine.

Et, en cas de violences subies, il est extrêmement compliqué de quitter son compagnon. «C’est évidemment très difficile de quitter son conjoint dans ces conditions, d’autant plus s’il est aidant familial», note Cécile Morin. Quitter l’autre signifie vivre plusieurs mois sans aucun revenu: «La CAF va mettre plusieurs mois à recalculer puis payer l’AAH» déplore Odile Maurin.

Obstination de l’administration

Le cabinet de Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées –qui n’a pas répondu à nos sollicitations par mail, campe sur son leitmotiv: «La solidarité nationale complète la solidarité familiale, elle ne doit pas s’y substituer. Que la personne soit en situation de handicap ne constitue pas un motif qui permettrait de déroger à ce principe au cœur de notre organisation sociale.» Selon Odile Maurin, «sa conception de la solidarité nationale est une conception du XIXe siècle, une conception où la femme est toujours dépendante de l’homme». Clémentine ajoute: «Cette vision arriérée est accompagnée d’une volonté de dénaturaliser l’AAH en en faisant quelque chose conditionné à la recherche d’emploi sous prétexte de promouvoir l’indépendance des personnes handicapées.» Sauf que rien n’est fait pour aménager le travail pour ces personnes.

Depuis le 10 septembre 2020 et jusqu’au10 mars 2021 a circulé une pétition déposée au Sénat pour la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’allocation aux adultes handicapés.

Source SLATE.