TÉMOIGNAGE. Christiane est la maman d’un jeune autiste : « C’est une bataille permanente »…

Mère d’un jeune homme autiste à Cherbourg, Christiane est satisfaite de l’heure silencieuse en place dans les grandes surfaces.

Un premier pas dans une société « en retard ».

Tristan, le fils de Christiane, souffre d'autisme.

 

C’est un premier pas dans la reconnaissance pour laquelle Christiane se bat depuis tant d’années pour son fils Tristan, âgé aujourd’hui de 27 ans, et souffrant d’un autisme lourd.

« C’est une excellente initiative, le début de l’acceptation de la différence. On accorde une importance aux personnes autistes, en reconnaissant le fait qu’ils ont le droit d’être là », estime cette Cherbourgeoise, au sujet de l’heure silencieuse mise en place dans le magasin Carrefour du centre commercial des Eleis à Cherbourg (Manche) en ce début d’année 2022.

Tous les jours de 16 heures à 17 heures, y compris le samedi, la luminosité est baissée, la musique, les annonces micro et la radio coupées. Les appareils de nettoyage sont également laissés au placard durant ce laps de temps.

C’est une goutte d’eau dans la mer, mais cette heure silencieuse lui rendra les courses plus agréables, ce sera un peu moins perturbant.

Un blocage psychologique au départ

Les premiers symptômes se sont manifestés chez Tristan vers 2 ans et demi, après le départ de son père. « Au départ, les médecins évoquaient un blocage psychologique, il parlait peu. L’autisme a été détecté vers 12 ans. »

Aujourd’hui, Tristan souffre de sévères troubles du langage, avec des difficultés pour s’exprimer.

Il ne peut pas vivre sans aide et est incapable de sortir seul.

Interne dans un foyer occupationnel d’accueil dans la Hague (il rentre chaque week-end au domicile familial), Tristan ne perçoit pas le monde de la même manière que le commun des mortels.

Il a une ouïe très développée. Il entend tout, les bruits viennent de partout. Il voit tout aussi. Quand un truc change dans une pièce, celui ne lui échappe pas.

« Et puis il est très ponctuel », souffle Christiane, à qui il a l’habitude de « parler très fort en répétant plusieurs fois le même mot ». « Quand il était jeune, je voulais qu’il parle. Maintenant, il m’arrive d’avoir envie que Tristan se taise. »

1 à 2 % de la population mondiale touchée

Selon l’Institut Pasteur, 1 à 2% de la population pourrait être atteinte de troubles du spectre autistique (TSA). « Ces troubles se manifestent tôt dans la vie de l’enfant, avant l’âge de 36 mois, et peuvent avoir des conséquences sévères sur leur intégration sociale et scolaire. Les symptômes de l’autisme étant très variables d’un individu à l’autre, on parle de spectre autistique plutôt que d’autisme afin de prendre en compte leur hétérogénéité. », souligne l’Institut. Les garçons sont plus souvent concernés par ce diagnostic, « dans une fréquence 4 à 8 fois supérieure à celle observée chez les filles ». De plus, « la probabilité d’avoir un enfant avec TSA est 10 à 20 fois plus élevée dans les familles où les parents ont déjà eu un enfant autiste ».

« Deux grands critères » sont diagnostiqués : « Celui des déficits de la communication et des interactions sociales et celui des comportements et des intérêts ou activités restreintes ou stéréotypées ».

Décrit pour la première fois au début des années 1940 par deux psychiatres, comme le rappelle l’Institut Pasteur, l’autisme est lié à de multiples symptômes. Un patient peut ainsi souffrir de « champs d’activités / d’intérêts restreints », des « difficultés à s’intégrer socialement » avec une « préférence pour la solitude », un « évitement du contact visuel », une « difficulté à comprendre/déceler les sentiments d’autrui », une « tendance à répéter des syllabes, mots ou expressions stéréotypées », des « comportements répétitifs » ou encore une « difficulté à s’adapter aux changements de routine ».

Plusieurs facteurs sont associés aux troubles de l’autisme. Outre « la prise de certains médicaments pendant la grossesse » et « certaines infections virales », comme facteurs environnementaux, « la plus grande contribution est génétique ». « Plus de 200 gènes ont déjà été associés aux TSA et de nouveaux gènes sont identifiés régulièrement », relève l’Institut Pasteur.

Ce dernier note, par ailleurs, qu’il n’existe pour l’instant aucun traitement médicamenteux permettant de soigner l’autisme. « La prise en charge des TSA est uniquement symptomatique et passe actuellement par des stratégies thérapeutiques non médicamenteuses personnalisées. » Citons notamment la rééducation orthophonique, la psychoéducation ou encore la rééducation psychomotrice. De nombreux essais thérapeutiques sont actuellement menés.

Véritable « calendrier ambulant », le jeune homme qui « n’aime pas le bruit » possède une mémoire impressionnante. Encore plus quand il s’agit de musique, qui le passionne énormément. « Cela l’apaise », sourit sa mère.

« Une bataille permanente »

Tristan, suivi notamment par des éducateurs qui se « donnent pleinement », un psychiatre, une aide à domicile ou encore une infirmière, peut également devenir agressif lorsqu’il perd ses repères ou qu’il y a trop de bruit.

En faisant les courses par exemple, les gens un peu trop bruyants comme les enfants qui crient peuvent le perturber.

Une agressivité qui a déjà fait terriblement peur à Christiane, le jour où Tristan s’en est pris physiquement à elle et son conjoint. « Il a fallu plusieurs mois avant qu’il puisse revenir. »

Du propre aveu de cette dernière, être parent d’un enfant atteint d’un tel handicap est « une bataille permanente ».

Il faut se battre pour tout, que ce soit pour obtenir un logement décent, pour son parcours scolaire ou pour qu’il puisse avoir des soins convenables.

Pointé du doigt sur la plage

Récemment, Christiane avait par exemple pris l’initiative de faire venir des professionnels pour former l’équipe d’un foyer occupationnel d’accueil à la prise en charge d’adultes autistes.

Avec d’autres parents d’enfants autistes, j’avais aussi débarqué au conseil départemental pour obtenir des places supplémentaires dans un IME. Dans les hôpitaux, le personnel est déjà tellement débordé que je me demande comment ils peuvent trouver le temps de s’occuper d’un patient autiste.

Mais le pire de tout, le « plus désagréable », c’est le regard des autres. « Être fixé quand on sort, c’est ce qui blesse le plus. On vit dans une société qui a un retard au niveau du handicap. D’une manière générale, il y a clairement un manque de considération et de tolérance. Beaucoup de gens n’ont pas d’empathie. » Un voisin de plage pointant du doigt Tristan pour qu’il s’éloigne, agrémenté d’un petit « pschitt » sortant de sa bouche par exemple.

Des séances dédiées au cinéma ?

Christiane l’affirme : le handicap endurcit.

J’ai aménagé ma vie autour du handicap de Tristan. Mes quatre autres enfants en font les frais. Je n’arrête pas de me demander ce que deviendrait Tristan si je n’étais plus là. J’ai développé un instinct de surprotection.

Si elle se satisfait de la mise en place de l’heure silencieuse, à Carrefour comme dans de nombreuses autres grandes surfaces, Christiane aimerait voir d’autres initiatives de ce style se développer. « Lorsque je vais au cinéma avec Tristan, il est gênant pour les autres spectateurs car il parle toujours avec moi. Ce serait une bonne idée, je pense, d’aménager une séance dédiée aux personnes handicapées. Idem à la piscine, où il existe déjà d’ailleurs des créneaux pour le public scolaire. »

Le parcours du combattant ne fait que commencer.

Source ACTU.FR

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