REPORTAGE. À 1 828 € par mois, cet Ehpad public ne rogne sur rien et cultive « l’humanitude »…

Peut-on vieillir heureux en maison de retraite ? Ce lundi 14 mars, sont attendus les rapports de l’Inspection générale des finances et des affaires sanitaires après la sortie du livre Les Fossoyeurs, qui dénonce un système à l’échelle d’un groupe leader mondial du secteur.

À l’Ehpad du Septier d’or, en Vendée, les soixante-six résidents bénéficient d’un confort et d’une prise en charge adaptée à leurs besoins, tout en profitant de tarifs de séjours abordables.

 

Le modèle des « Ehpad » est décrié, pourtant, la prise en charge du grand âge est un enjeu politique majeur des prochaines années. Et des établissements se battent pour un accueil digne. Comme au Septier d’Or, en Vendée.

Un nom de conte de fées. Le Septier d’or est « l’Ehpad » (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) de Treize-Septiers (Vendée). Un jardin, un bois, des ruches et bientôt des moutons entourent les bâtiments.

À côté du Septier d’Or, le Bois de l’île accueille des personnes en situation de handicap. Autour, des « petites maisons » hébergent des personnes plus autonomes. Avec un tarif à 1 828 € par mois (hors aides), l’établissement public de soixante-six résidents se classe parmi les moins chers mais ne rogne pas sur la qualité de l’accueil.

« Plus besoin de faire la popote »

À commencer par celle des assiettes. Le chef, Luc Guitton, y tient : « Du poisson frais deux jours par semaine. Des croissants ou brioche le dimanche. Et l’apéritif une fois par semaine. » Marie-Jo et Jeanne, 90 ans, approuvent. « Au moins ici, on n’a plus besoin de faire la popote ! » Le chef équilibre son budget « à l’année ».

Michael Orieux, directeur depuis 2020, fourmille d’idées, mais ne se plaint pas du manque de moyens. « Le financement des Ehpad est lié à l’ARS, le Département et les résidents. Si on se limite à ça, on est hypercontraints et ça veut dire qu’on n’a pas de possibilité d’amélioration. » Alors il innove. « On fait du portage de repas. » La lingerie de l’établissement propose « un service à domicile facturé. Ça ne va pas changer la face du monde mais ça permet de mettre du beurre dans les épinards. »

Il y a aussi une association, des tombolas organisées pour les fêtes de la maison de retraite, les partenariats avec les entreprises voisines… Des initiatives qui repoussent les limites budgétaires. « En 2021, on a emmené vingt-cinq résidents en séjour de cinq jours à la mer, avec autant d’accompagnants. C’est énormissime. »

De « l’équithérapie » qui ne dit pas son nom

Récemment, le directeur a passé un accord avec une écurie voisine qui élève des chevaux de compétition de saut d’obstacles. L’établissement parraine un poulain qui est venu rendre visite aux résidents.

« C’était incroyable, certains faisaient tout ce qu’il faut normalement éviter avec un cheval mais l’animal, dès qu’il sentait que c’était une personne fragile, il ne bougeait pas. » De « l’équithérapie » qui ne dit pas son nom et qui, surtout, ne coûte pas un centime à l’établissement. « On n’en aurait pas les moyens. »

Au Septier d’Or, le personnel n’a pas de blouse (sauf pour les soins) mais des tee-shirts, pour être dans un rapport « d’humain à humain », explique l’établissement.

Michaël Orieux appelle ça « démultiplier les forces ». Les personnels eux, sont polyvalents. « Sur ma feuille de paye, il y a marqué accueil, secrétariat, animation », explique Danie Sydaphasavanh. Ce matin-là, elle a aidé une résidente à enfiler son soutien-gorge et habillé un autre. Le pragmatisme plutôt que la fiche de poste, c’est « la philosophie » portée par la direction.

Ça dénoue les problèmes de planning. Et ça participe de « l’humanitude », le mantra de l’établissement qui encadre tous les gestes et donne lieu à des formations. Des façons de faire qui changent la vie.

L’agente d’accueil, raconte qu’un midi, appelée à la rescousse pour aider un résident Alzheimer à manger, celui-ci prononce le prénom de son épouse qu’il ne reconnaît plus forcément. « Quand elle est arrivée l’après-midi, je lui ai dit : « votre mari vous a réclamé aujourd’hui ». J’ai vu ses yeux pleins de larmes. »

Ce mardi-là, le Septier d’or dit un dernier adieu à Mme Fortin, 102 ans, la doyenne des résidents. Dans le hall, personnes âgées et personnel se tiennent au côté de la famille autour du cercueil. « Un moment important pour nous », insiste le directeur.

Jean-François embrasse Patricia Gautier, aide-soignante.

« Ici, c’est un exemple, tout est bien »

Son prédécesseur, Gérald de Biasio a fait le déplacement. Il théorise. « Que veulent les seniors ? Vivre chez eux. Les Ehpad doivent être des plateformes de services. Ensuite, il faut faire confiance aux directeurs qui doivent être évalués par une autorité de tutelle, une seule. » Tout un programme à quelques semaines de la présidentielle. « Tous les politiques doivent se poser la question de ce qu’ils voudraient devenir quand ils seront vieux. »

« Quand je ne pourrais plus marcher ou si j’ai un gros pépin de santé, je viendrai ici », répond Michel Lebœuf. Il n’est pas candidat à la présidentielle mais ancien maire de Treize-Septiers à l’origine de l’établissement. « Ici, c’est un exemple, tout est bien. »

« J’adore ce que je fais », confirme Mélanie Boismain, agente sociale polyvalente qui oublie de dire qu’elle est en train de structurer une section syndicale au sein de l’établissement. À quoi ça tient, une maison de retraite qui va bien ? « Si on n’a pas une direction humaine, on n’a rien. On le voit, celles qui n’adhèrent pas ne restent pas », estime-t-elle.

Dans l’appartement de Thérèse Mignon (à droite) en compagnie d’Agnès qui est stagiaire en animation.

Un sens aigu de la débrouillardise

Pour le directeur, l’équilibre trouvé est « fragile ». Il faut que « tout le monde porte le même projet : de l’organe délibérant qui donne les grands axes, la direction, les salariés mais aussi les familles et les résidents ». La difficulté ? « Faire adhérer tout le temps le personnel au projet pour qu’il ne retombe pas dans un fonctionnement administratif. »

À l’inverse, le Septier d’Or cultive un sens aigu de la débrouillardise. « Pendant le confinement, comme on ne savait pas à quoi s’attendre, j’étais allé voir les agriculteurs du coin pour savoir si on pouvait acheter une vache. » En cas de pénurie alimentaire. La vache est restée dans son pré mais le directeur était rassuré.

Source OUEST FRANCE.

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