Handicap : déconjugalisation de l’AAH, « accessibilité universelle », scolarité… ce que proposent les candidats à la présidentielle…

Public Sénat s’est penché sur les programmes des principaux candidats à la présidentielle en matière d’autonomie financière, d’accompagnement, de scolarisation et d’insertion professionnelle des personnes porteuses d’un handicap.

Handicap : déconjugalisation de l’AAH, « accessibilité universelle », scolarité… ce que proposent les candidats à la présidentielle

 

Le Collectif handicaps, qui regroupe 51 associations représentatives des personnes en situation de handicap, fait passer son grand oral aux principaux candidats à la présidentielle. Ce jeudi 3 mars, Valérie Pécresse, la candidate des Républicains, et l’écologiste Yannick Jadot, étaient invités dans un live Youtube à détailler le volet handicap de leurs programmes respectifs (en vérité une séquence enregistrée un peu à l’avance, en raison de l’actualité internationale). Une seconde session est prévue le 14 mars. Le communiste Fabien Roussel et la socialiste Anne Hidalgo ont déjà confirmé leur présence, indique le collectif.

L’occasion pour Public Sénat de passer au crible les promesses de campagne des uns et des autres sur le sujet. Signalons un point commun à la quasi-totalité des projets : la déconjugalisation de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) – les oppositions ayant fait de cette mesure un angle d’attaque récurrent de la politique sociale et familiale d’Emmanuel Macron -, et que certains tendent à faire évoluer vers un revenu universel d’existence.

Fabien Roussel

Le candidat communiste veut déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés (AAH) dès les « trois premiers mois » de son arrivée au pouvoir. L’AAH est versée aux personnes souffrant d’un taux d’incapacité d’au moins 80 %, mais son calcul prend actuellement en compte les revenus du conjoint. Fabien Roussel veut également mettre en place un « revenu d’existence » destiné à ceux qui ne peuvent pas travailler en raison de leur handicap. Il souhaite revaloriser la prestation de compensation du handicap (CPH), ainsi que l’allocation personnalisée à l’autonomie (APA), et leur adjoindre la possibilité d’une troisième aide financière, baptisée « prestation universelle d’autonomie ».

Le candidat souhaite également créer un « grand service public de l’autonomie », afin de lutter contre les inégalités dans les territoires. Son programme annonce un renforcement des obligations légales des entreprises en matière d’embauches de personnes porteuses de handicap, mais sans donner de chiffres. Il propose de rétablir l’obligation d’adaptabilité des logements neufs, mesure votée sous Jacques Chirac mais abrogée au début du quinquennat d’Emmanuel Macron.

Enfin, le député du Nord entend faire rentrer les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dans la fonction publique.

Jean-Luc Mélenchon

Avec une vingtaine de pages consacrées à ce sujet, le programme du fondateur de La France insoumise est l’un des plus détaillés sur la question du handicap. Il contient un important volet consacré à la prévention, avec un renforcement du suivi médical des grossesses et différentes mesures pour réduire le risque d’accident du travail.

Il souhaite la création d’un nouveau service public destiné à l’accompagnement des élèves en situation de handicap, le renforcement des capacités d’accueil dans les classes spécialisées ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire), mais aussi développer les cursus spécifiques (enseignement de la langue des signes, du braille, etc.) pour garantir l’accès au savoir et à la formation. La mise en place d’un centre d’orientation départemental devra soutenir les travailleurs confrontés à un handicap dans leur recherche d’emploi.

Jean-Luc Mélenchon souhaite la création d’un véritable statut d’aidant familial, et la prise en charge par l’Assurance maladie des frais de psychomotricien, d’ergothérapeute et de psychologue, mais aussi « de tous les équipements nécessaires à la vie quotidienne ». Il propose lui aussi une déconjugalisation de l’AAH, et l’alignement de son montant sur le Smic. Le député des Bouches-du-Rhône souhaite revenir aux 100 % de logements accessibles dans les nouvelles constructions, et promet une accessibilité totale dans les transports publics.

Anne Hidalgo

La maire de Paris a fait de « l’accessibilité universelle » le thème fort de ses propositions sur le handicap. « Je continuerai à œuvrer pour l’accessibilité universelle, en m’attaquant à tous les sujets : logements, transports, services, culture, sport, etc. », explique son programme, sans plus de précisions. Comme la plupart de ses concurrents à l’investiture suprême, Anne Hidalgo est favorable à la déconjugalisation de l’AAH et à la mise en place d’un statut « pérenne » pour les AESH.

Alors qu’elle entend augmenter de 130 000 sur dix ans le nombre de places en crèche, elle souhaite que les établissements puissent offrir une meilleure prise en charge des enfants handicapés.

Yannick Jadot

L’écologiste se fait également le promoteur d’une « accessibilité universelle », à travers la création d’une agence dédiée « pour garantir l’accessibilité à tous les services publics, aux transports, aux technologies de l’information et de la communication, généraliser les traductions en Français Facile à Lire et à Comprendre (FALC), les repères visuels et sensoriels, renforcer l’égalité réelle à l’accès au numérique. » Cet organisme sera également en mesure d’infliger des sanctions en cas de non-respect de la législation.

L’individualisation de l’AAH fait aussi partie des mesures fortes de son programme. Il souhaite notamment revaloriser la Prestation de Compensation du Handicap (PCH).

Yannick Jadot veut renforcer les contrôles dans les Établissement et services d’aide par le travail (ESAT), couplés à une amélioration des rémunérations au niveau du Smic. Le salaire des aides à domicile sera également revu à la hausse, en intégrant les temps de trajet, qui devront être pris en compte par les employeurs.

Valérie Pécresse

La candidate des Républicains a fait du handicap l’un des principaux piliers du volet social de son programme. Sans surprise, elle se prononce également pour une déconjugalisation immédiate de l’AAH. Elle propose que les personnes en situation de handicap puissent toucher, en plus de cette aide, la pension de retraite du dernier parent survivant à son décès.

Lors de son grand oral devant le collectif handicap, ce jeudi 3 mars, Valérie Pécresse s’est exprimée en faveur d’une nouvelle « grande loi sur le handicap qui promeut l’accessibilité universelle », un principe qu’elle souhaite voir « fixé dans le marbre ». Pour la présidente de la région Île-de-France, les départements doivent être pleinement en charge de la politique du handicap, avec une vigie à l’échelon national pour prévenir les disparités d’un territoire à l’autre.

Concernant l’inclusion des enfants en situation de handicap en milieu scolaire, Valérie Pécresse a évoqué lors d’un déplacement dans le Lot, mi-janvier, l’éventualité d’un « deuxième enseignant » par classe. Surtout, elle souhaite conférer un vrai statut aux AESH pour leur donner des perspectives de carrière, mais aussi aux aidants familiaux, afin qu’il puisse notamment bénéficier d’un aménagement de leur vie professionnelle pour s’occuper d’un enfant handicapé ou d’un aîné en situation de dépendance.

Marine Le Pen

Outre la déconjugalisation de l’AAH, les propositions portées par Marine Le Pen sur la question du handicap se focalisent essentiellement sur la revalorisation du statut des aidants. Elle propose d’allonger la durée de congé du proche aidant à douze mois avec différents paliers de couverture des pertes salariales selon les revenus de la personne. Elle souhaite également créer une indemnité spécifique de 300 euros par mois pour toute personne qui choisit de s’installer chez un proche en situation de dépendance ou de l’accueillir chez elle.

Concernant l’éducation, la présidente du Rassemblement national veut lancer à son arrivée au pouvoir « un grand plan sur l’accès à la scolarité pour les enfants touchés par le handicap ».

Nicolas Dupont-Aignan

Le fondateur de Debout La France évoque lui aussi la déconjugalisation de l’AAH, doublée d’une revalorisation de 160 euros pour que cette aide se maintienne au-dessus du seuil de pauvreté. Il souhaite accorder une part fiscale complète aux familles ayant à charge au moins un enfant en situation de handicap.

Nicolas Dupont-Aignan veut rendre effective la loi de 1987 qui fixe à 6 % le taux de personnes en situation de handicap dans les entreprises. Il propose également des exonérations de cotisations pour les sociétés qui embauchent un salarié avec un taux d’incapacité supérieur à 50 %.

Il entend garantir la prise en charge des enfants handicapés par l’Éducation nationale, mais propose aussi de renforcer le nombre de places dans les structures spécialisées.

Éric Zemmour

La polémique soulevée en début d’année par les propos d’Éric Zemmour sur l’inclusion des enfants porteurs de handicap en milieu scolaire a mis en lumière certains vides, au niveau social et familial, de son programme présidentiel, dont le principal cheval de bataille – pour ne pas dire le seul – reste la lutte contre l’immigration et l’islamisme. Le 14 janvier, en marge d’un déplacement dans le Nord, le fondateur de Reconquête avait en effet dénoncé « l’obsession de l’inclusion » des enfants en situation de handicap, estimant qu’ils devaient être placés dans des établissements spécialisés. Dans une vidéo postée sur Youtube le lendemain, Éric Zemmour a semblé rétropédaler, assurant que son intention première était d’attirer l’attention sur le manque de structures spécifiques. Il y évoque sa volonté de renforcer pour les familles « les solutions alternatives à l’école ».

Et Emmanuel Macron ?

En février 2020, quelques semaines avant le premier confinement, le président de la République avait annoncé une batterie de mesures pour les personnes en situation de handicap, à l’occasion des 15 ans de la loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Parmi elles : le développement de l’école inclusive, le renforcement de l’attractivité du métier d’AESH, avec un objectif de 11 500 recrutements d’ici 2022, la création d’un numéro de téléphone unique pour les familles à la recherche d’un accompagnement ou d’une place dans un établissement, et une aide financière spécifique pour des parents dont le handicap nécessite le soutien d’une tierce personne pour élever leurs enfants.

Concernant l’allocation aux adultes handicapés, l’exécutif s’est systématiquement opposé à sa déconjugalisation, estimant qu’elle risquait de créer un précédent, conduisant à la remise en question du principe de solidarité familial qui détermine en France le calcul des minimas sociaux.

Source PUBLIC SENAT.

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