Qu’ils changent de vie après un coup dur ou tentent d’aller au bout d’un rêve, ces futurs infirmières ou aides-soignants veulent rendre de cette attention qu’ils ont eue dans les hôpitaux.
Dans la salle de réunion du Centre de rééducation et d’insertion professionnelle (Crip) de Castelnau-le-Lez, quatre visages, quatre volontés parfois contrariées par le destin et dont les handicaps restent totalement invisibles, ensevelis sous un enthousiasme rafraîchissant. Qu’ils aient vécu une rupture ou mené un combat depuis la naissance, le même obstiné point de mire dans leurs regards : aller au bout de leur formation de soignants.
Une énième vie pour Laurianne, la quarantaine, après avoir été assistante maternelle, auxiliaire de vie ou monitrice d’équitation, après dix ans de lutte contre ces anévrismes qui la martyrisaient. « Certains me conseillaient de rester en maladie, mais le métier d’aide-soignant de mon mari m’attirait, sourit-elle. Il faut parfois se battre aussi contre le système. »
Et contre les préjugés : « Ici, on n’a plus d’étiquette avec handicap marqué dessus. On est considérés comme dans la vie de tous les jours. » Ce qui n’est pas toujours le cas quand ils arrivent sur leur lieu de stage. « Ça peut paraître paradoxal mais le personnel soignant stigmatise pas mal les personnes en situation de handicap alors que si on est là, c’est qu’on est en capacité d’assurer sans frein. Est-ce par peur ? », s’interroge Sophia, en formation d’infirmière.
« Notre vécu de malade est un atout »
Sarah, lancée sur le même cursus, ose cette évidence : « Handicap est un mot fort que j’ai moi-même eu du mal à accepter. » Surtout quand on a vécu tout son parcours scolaire comme une lutte pour « ne pas passer pour une flemmarde parce que ma dyslexie et ma dyscalculie ne se voyaient pas ».
Avant de lancer un élève sur une formation, le Crip vérifie l’adéquation entre le handicap et le métier choisi. « Il y a des tests, un travail avec un ergothérapeute. Par exemple, pour quelqu’un qui n’a pas assez de force dans un bras ou une main, on se projette pour voir s’il y a des compensations possibles », explique Patrice Thuaud, en charge des métiers du soin.
Adrien, 40 ans, n’aurait pas cru possible d’intégrer des études d’infirmier après des années passées dans un hôtel cinq étoiles à Courchevel et ses soucis de santé. « Le bilan de compétences m’a prouvé le contraire, raconte-t-il. Ici, on nous apprend à faire différemment pour surmonter notre handicap et ne pas avoir besoin d’aménagements une fois en situation. »
« Accueillir les gens, prendre soin d’eux »
Trente-cinq heures de cours ou de stage par semaine, un régime normal mais, sous la coupe du Crip, la possibilité inestimable d’être « orienté, accompagné par une équipe remarquable, tout en étant rémunéré ».
Et puis, il y a cette volonté farouche de passer de l’autre côté du miroir. Car, comme le rappelle Sarah, « nous concernant, la barrière entre malade et soignant est infime. C’est important d’avoir été patient pour comprendre les attentes, avoir envie de donner plus. »
« Notre vécu de malade est un atout », appuie Laurianne. Adrien, lui, découvre qu’il a toujours été dans la recherche du bien-être : « Je croyais faire le grand écart mais on m’a appris à faire des passerelles dans mon vécu : s’occuper d’un cinq-étoiles n’est pas si éloigné que de travailler dans une clinique. On est là pour accueillir les gens, prendre soin d’eux. »
Prêts à relever le défi, malgré le Covid-19, malgré le mal-être qui entoure ces professions. Parce que, comme le conclut Sarah, « on a fait une force de notre handicap ».
« Accompagner à l’extérieur du centre »
Le Crip de Castelnau dépend de l’Assurance maladie. Il accompagne chaque année 600 personnes en situation de handicap, dont une centaine sur diverses formations, la plupart sur des métiers de santé mais aussi du bâtiment, comptabilité, informatique, commerce, secrétariat…
« La réadaptation professionnelle constitue la plus grande partie de notre activité, explique le directeur Pierre-Yves Cade. Il y a une mise en réflexion, un soutien psychologique, de l’ergothérapie et on vérifie que l’envie correspond au métier choisi. »
75 % des formés trouvent un emploi à douze mois. Conscient que trop de candidats restent encore sur liste d’attente, M. Cade souhaite « accompagner aussi des gens à l’extérieur du centre, leur apporter appuis médicaux, sociaux ou pédagogiques ».
Source MIDI LIBRE.