TÉMOIGNAGE. Bactérie E.coli – Après le décès de Nolan en 2019, sa mère raconte le calvaire enduré pendant 8 ans : « le plus dur c’était de le voir souffrir »…

Le scandale les pizzas Buitoni qui a éclaté il y a quelques semaines fait écho à une autre affaire, celle des steaks hachés Lidl en 2011.

Parmi les victimes, Nolan âgé alors de 23 mois.

Priscilla Moittié a passé plusieurs jours et nuits à l'hôpital aux cotés de son fils, ici âgé d'à peine 2 ans.

 

Infecté par la bactérie E.coli, il restera handicapé durant 8 ans. Sa mère raconte ces années d’enfer dans un livre sorti au début du mois d’avril.

Ce sont 8 années de calvaire, de combat, de colère, de souffrance, ponctuées de moments de joie, de vie et de force. En l’espace d’une journée, la vie de Nolan, âgé de 23 mois, et celle de ses parents a tourné au cauchemar à cause d’un steak haché infecté par la bactérie E. coli, ingéré lors d’un déjeuner fin mai 2011. Le petit garçon, handicapé à 80%, en est mort 8 ans plus tard en septembre 2019.

Aujourd’hui, avec le scandale des pizzas surgelées Buitoni, ce sont ces huit années qui remontent à la surface pour la mère de Nolan, Priscilla Moittié. Bien avant cette actualité, elle avait décidé de raconter son histoire dans un livre Nolan se repose enfin aux éditions Flammarion, rendant ainsi hommage à son fils et parce qu’elle voulait : « expliquer vraiment tout ce qu’il s’était passé. »

Un déjeuner banal et la vie bascule

Nous sommes donc fin mai 2011 à Maignelay-Montigny dans l’Oise. Priscilla et Mickaël vivent avec leur petit garçon Nolan, âgé de 23 mois. Tous les deux travaillent : lui est maçon, elle, hôtesse de caisse. Nolan est alors gardé par son grand-père au domicile de la famille. Au menu du déjeuner, Priscilla laisse de la purée et du steak haché au congélateur. Des steaks hachés qu’elle avait achetés dans le supermarché où elle avait l’habitude de faire ses courses, à Lidl.

« Quand je suis rentrée le soir, tout s’était passé comme prévu. Très bien, apparemment. En fait, c’était le début du cauchemar, écrit-elle. Tout ce que je peux raconter sur ma vie de famille à partir de ce jour n’a plus rien de joyeux ni de banal. À partir de ce jour, Nolan n’a plus jamais été le même. »

Car dans le steak haché, il y avait une bactérie appelée : Escherichia coli. Ce nom-là aujourd’hui tout le monde le connaît. À cause d’elle, Nolan, a d’abord eu du mal à respirer, puis a ressenti d’affreuses douleurs au ventre, il avait de la diarrhée et du sang dans les selles. Les médecins ont cru d’abord à une bronchite, puis une gastro-entérite. Mais le petit garçon se tordait toujours de douleur et Priscilla savait que quelque chose de plus grave se produisait. « Au début je n’osais rien dire, après tout je n’étais pas médecin, mais j’ai toujours eu mon instinct qui me disait il faut que je le défende« , confie-t-elle.

C’est à l’hôpital de Beauvais que Nolan prononcera ses derniers mots. À ce moment-là, Priscilla prend conscience de la gravité de la situation. « Je crois que je suis devenue adulte en une nuit« , écrit-elle. Le petit garçon n’a plus de force. Il est transféré d’urgence à Amiens. Les médecins pensent à un syndrome hémolytique et urémique, une maladie d’origine alimentaire. Un début d’explication peut-être, alors que Nolan a déjà perdu l’un de ses reins.

Ses parents apprendront par la suite que le lot de steaks hachés contaminés a été rappelé par Lidl. Une quinzaine d’enfants ont été touchés, mais Nolan est celui dont l’état est le plus grave.

« Je n’ai pas dormi une nuit complète en huit ans« 

Au fur et à mesure des jours, aucune amélioration en vue. La bactérie a atteint ses reins, ses organes et son cerveau. En juillet 2011, la sentence est violente. La médecin neurologue explique à Priscilla que Nolan : « ne marchera jamais, ne parlera jamais et ne mangera jamais« . « En quelques phrases, elle me balance que mon enfant ne sera jamais autre chose que ce qu’il a l’air d’être, à ce moment-là, dans son lit : une poupée de chiffon« , raconte-t-elle.

Soudain, la vie bascule une nouvelle fois. Il va falloir apprendre à manipuler son enfant, handicapé à 80%, changer de maison, de voiture. Changer de vie tout court. Le couple porte plainte et prend un avocat. Priscilla arrête de travailler et s’occupe de Nolan en permanence alors qu’il est hospitalisé à plusieurs reprises à Amiens et Paris. « Je n’ai pas dormi une nuit complète en huit ans« , nous confie-t-elle aujourd’hui.

Nolan lors du procès en juin 2017.

À ce moment-là, la culpabilité la ronge. Si Nolan a mangé ces steaks hachés c’est de sa faute. Ce sentiment, il lui faudra beaucoup de temps avant de s’en défaire. « Au début sans savoir ce qu’il s’était passé, forcément on culpabilise en premier. Et puis ensuite quand vous allez au procès et que vous savez exactement ce qu’il s’est passé, vous avez les boules. »

Condamné, le fabriquant n’a jamais reconnu sa responsabilité

Ce procès s’est ouvert le 6 juin 2017. Guy Lamorlette et Laurent Appéré deux anciens dirigeant de la SEB Cerf, l’entreprise qui fabriquait les steaks hachés, comparaissent pour « blessures involontaires avec incapacité de travail supérieure à trois mois par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence sur la personne de Nolan Moittié et du même chef d’accusation avec « incapacité de travail n’excédant pas trois mois » sur 15 enfants, âgés de 6 mois à 9 ans et demi. »

Nolan accompagné de sa mère Priscilla Moittié et l'avocate de la famille Me Florence Rault lors du procès qui s'est tenu à Douai en juin 2017.

Malgré les contrôles effectués sur le lot incriminé et la mention « non satisfaisante » attribuée à la viande, les steaks hachés ont quand même été distribués. Guy Lamorlette ne reconnaîtra jamais sa responsabilité dans cette affaire, rejetant la faute sur le directeur qualité Laurent Appéré, décédé depuis. En appel, il est condamné à nouveau à 3 ans de prison dont 2 fermes et 50 000 euros d’amende. L’ex-dirigeant ira jusqu’à demander un pourvoi en cassation qui sera rejeté.

« Et on en est encore là, déplore aujourd’hui Priscilla. Pour le moment, il n’a pas purgé sa peine. On n’a rien touché, on n’a pas été remboursés de nos frais d’avocats, pas de dédommagement et surtout tant qu’il n’ira pas en prison, on ne pourra pas tourner la page. »

« Ce petit sourire en coin pour dire : t’inquiète ça va« 

Nolan avait un handicap lourd, mais n’est pas devenu une « poupée de chiffon » comme l’annonçaient un temps les médecins. Il a été pris en charge en centre éducatif où il a pu s’éveiller. « Je ne sais pas comment il a fait, je me le demande toujours, quelle force il a eu. Il souriait tout le temps, ce petit sourire en coin pour dire : t’inquiète ça va. Il a prouvé aux autres qu’il n’était pas un légume« , confie sa mère.

Priscilla a gardé de beaux souvenirs avec lui, comme cette sortie à Nausicaá à Boulogne-sur-Mer, où Nolan s’était mis à rire dans la voiture alors que sa mère s’énervait d’avoir perdu la glacière.

Malgré son handicap dû à la bactérie E.coli, Nolan avait toujours le sourire.

Quand Nolan décède, le 14 septembre 2019 à l’âge de 10 ans, Priscilla se dit qu’il est enfin en paix. « Le plus dur, c’était de le voir souffrir. J’étais finalement soulagée pour lui. Et puis est venu le manque. Je pense à lui tout le temps. »

Aujourd’hui, Priscilla et son mari Mickaël ont deux enfants, un garçon et une fille. La famille essaye ensemble de se construire un avenir plus serein. « J’espère qu’il ne nous arrivera plus quelque chose comme ça, on en parlait justement avec mon mari de l’affaire Buitoni, je lui ai dit : « t’imagines si cela nous arrivait une deuxième fois ? ». Ce n’est même pas imaginable. Donc on fait attention, du steak haché on n’en mange plus, des sauces non plus, du surgelés très peu. Je ne mange plus non plus de fromage au lait cru, ni mes enfants. Mais bon finalement on n’est à l’abri de rien. »

Priscilla espère que ce nouveau scandale alimentaire ne sera pas étouffé. « C’est très facile de rejeter la faute sur les parents et de leur dire que le temps de cuisson n’a pas été respecté. Moi aussi on me l’a souvent dit. Cela n’a rien à voir. Quand on entend dire le risque zéro n’existe pas de la part des dirigeants d’entreprises, quand on voit que leur usine est dégueulasse, il faut se remettre en question et arrêter de dire que ce n’est pas de votre faute. »

Mercredi 13 avril, l’usine Buitoni de Caudry dans le Nord et le siège de Nestlé ont été perquisitionnés dans le cadre de l’enquête pour « tromperie ». Au total, 48 enfants ont été contaminés par la bactérie E.coli, dont deux sont morts.

Source FR3.

 

Pour marque-pages : Permaliens.