Nées malentendantes, Inès et Léa, originaires de Saint-Pierre-Église (Manche), nous racontent leurs difficultés quotidiennes.
Un calvaire parfois quand on a 16 et 19 ans…
Inès et Léa Morin-Colas, respectivement âgées de 16 et 19 ans, sont atteintes d’une surdité bilatérale progressive, maladie génétique . Cela signifie que leur audition , déjà d’une capacité de 60 % appareillée ,et 40 % sans appareil, risque de continuer à diminuer durant leur vie, voire de disparaître complètement .
Victimes de ce « handicap invisible », ces jeunes femmes de la Manche ont choisi de témoigner :
« Les gens ne se rendent pas compte à quel point cela peut être un calvaire. »
Les masques, « une catastrophe »
Léa a été appareillée dès l’âge de 3 ans.
« La première chose que ma fille m’a dite quand elle l’a mis, c’est : « Maman, les oiseaux chantent ! »
Isabelle Maman d’Inès et Léa
Cet appareil auditif coûte une fortune pour le petit budget familial : 4 000 €, remboursé 600 € par la mutuelle avant 20 ans, puis 200 €. Mais sans cet objet, impossible d’entendre l’environnement , les voitures, et même les conversations.
Il leur a fallu apprendre à lire sur les lèvres comme complément. Alors avec les masques, « c’est une catastrophe » .
Le matin, les deux sœurs ne peuvent pas entendre leur réveil . « Je le mets sous mon oreiller, il me réveille en vibrant et en faisant de la lumière », indique Léa. À leur domicile de Saint-Pierre-Église , les alarmes incendies sont toutes lumineuses et en réseau, sinon elles n’entendraient rien en cas d’urgence.
Harcelées au collège
Ce handicap a entraîné des complications durant leur scolarité, et notamment dans leur relation aux autres élèves. Léa confie avoir été harcelée au collège.
« Certains profitaient de ma surdité pour m’insulter, m’appelaient « la sourde » ou me disaient que je faisais semblant. Mais c’est surtout le regard des autres qui est compliqué. »
Pour ne rien arranger, « parfois les professeurs oubliaient la surdité ».
C’est seulement arrivées au lycée que la situation a pu s’améliorer. Mais il leur a fallu partir près de Caen , dans un lycée proposant une unité Ulis pour sourds ou malentendants. « Il n’y a pas ça dans la Manche. » Là, elles reçoivent le soutien d’un AVS (auxiliaires de vie scolaire), qui leur permet de suivre un parcours classique en apportant un soutien spécifique à leur handicap.
« On ne demande pas le bout du monde »
En plus de ce support, s’ajoutent quelques petits dispositifs « qui nous aident grandement ». Que ce soit l’installation de boucles magnétiques au théâtre, ou un dispositif Bluetooth relié à leurs appareils leur permettant d’écouter de la musique ou d’appeler leurs copines avec leurs téléphones. Ces mêmes copines qui font l’effort d’apprendre la langue des signes .
Car Inès et Léa ne bénéficient pas d’autres aides sociales mais, surtout, n’ont pas de carte d’invalidité .
« On ne demande pas le bout du monde ! Pas d’argent ! Juste une carte qui leur permettrait d’être identifiées facilement comme souffrant d’un handicap. »