« Je ne demande pas la charité, je demande l’égalité » : Dominique Farrugia dénonce l’inertie des pouvoirs publics en matière de handicap…

Tous les jours, une personnalité s’invite dans le monde d’Élodie Suigo.

Aujourd’hui, l’acteur, réalisateur et producteur Dominique Farrugia pour son livre autobiographique « Elle ne m’a jamais quitté ».

« Elle », c’est la sclérose en plaques avec laquelle il vit depuis ses 28 ans. 

Le réalisateur, producteur et hommé de télévision Dominique Farrugia le 22 novembre 2019 à Orléans (Loiret) (ERIC_MALOT / MAXPPP)

 

Dominique Farrugia, humoriste (Les Nuls avec Chantal Lauby, Bruno Carette et Alain Chabat), est aussi réalisateur, acteur, producteur de cinéma, dirigeant et producteur de la chaîne Comédie. Aujourd’hui, il devient auteur avec la sortie de son ouvrage autobiographique Elle ne m’a jamais quitté aux éditions Robert Laffont. Un récit poignant dans lequel « elle » n’est pas une femme, mais une maladie, la sclérose en plaques.

franceinfo : Elle ne m’a jamais quitté est une façon de parler du handicap et de sa perception dans la société, mais aussi un coup de gueule contre les gouvernements.

Dominique Farrugia : Il faut considérer une personne touchée par le handicap comme une personne normale. J’avais envie de parler dans ce livre, d’une part de ma maladie, la sclérose en plaques, premier cas d’invalidité chez les moins de 35 ans après les accidents de la route, mais aussi du handicap en général, visible ou invisible. En France, on oublie, c’est-à-dire qu’on aime faire la charité. Moi, je ne demande pas la charité, je demande l’égalité.

Vous auriez pu, voire dû, si vous aviez suivi l’envie de votre père, être musicien classique. Ça n’a pas été le cas, mais où est née votre envie de faire du spectacle ? Dans le bar-restaurant de vos parents, Le Verbier ? 

Je pense surtout que j’ai eu une enfance heureuse, mais on vivait à quatre dans 35 mètres carrés au-dessus du restaurant. J’ai eu envie de m’extraire de là où j’étais. Mes parents, qui étaient des gens extrêmement modestes, m’ont fait un cadeau immense. Il y avait une librairie près de chez nous et j’y avais un compte ouvert, je pouvais acheter autant de journaux et de livres que je voulais et je les en remercie, car ils m’ont permis d’accéder à une certaine culture.

Vos premiers pas, vous les faites à la radio et puis il y a Canal+.

C’est le premier jour du reste de ma vie. J’arrive en juillet 1984. Je découvre la cuisine de la télévision, c’est-à-dire ce mur d’écrans qui s’allume. Ces caméras qui se mettent en place. Et tout d’un coup, je me dis c’est peut-être là que je veux aller.

C’est une autre époque aussi. Vous êtes réquisitionné en permanence dans les couloirs pour faire des choses incroyables. Vous vous retrouvez dans une sorte de court-métrage avec Michel Jonasz. Vous vous retrouvez aussi à faire les chœurs sur C’est la ouate de Caroline Loeb. Vous apprenez un vrai métier, celui du spectacle.

Oui. J’apprends le métier du spectacle, mais en même temps, les années 80 étaient des années assez bénies, tout était encore possible.

« Je suis un mec qui a seulement le BEPC, mais j’ai pu apprendre sur le tas des tonnes de choses. »

Dominique Farrugia

à franceinfo

C’est la ouate (1986), c’est Philippe Chany qui en est le compositeur et un soir, dans un bar, on est en train de faire la fête tous les deux, il me dit : « Demain, tu viens à telle heure, on va faire les chœurs, on sera 30« . J’arrive, personne ne s’est levé et je suis un des seuls à être là. Et puis voilà, j’ai fait les chœurs. C’était extrêmement spontané, on ne se prenait pas la tête.

Il y a cette rencontre avec un garçon qui s’occupe de la météo, Alain Chabat. Coup de foudre ?

Oui, on se rencontre. Il a un magnétoscope tri-standard, c’est-à-dire que vous pouvez voir des cassettes américaines. Je l’ai trouvé super fort et je regardais des films chez lui, on s’est amusé. De fil en aiguille, un jour, il leur manquait un auteur et ils m’ont proposé de venir écrire avec eux. Ça a duré dix ans.

Ça s’appelait Les Nuls et ça s’arrête au moment de la mort de Bruno Carette. On sent que c’est toujours aussi lourd dans cet ouvrage.

Oui, parce que je ne savais pas qu’on pouvait mourir à 33 ans.

Dans votre livre, vous allez jusqu’au bout du bout puisqu’on apprend que vous avez pris de la cocaïne. C’était important pour vous d’être juste par rapport au miroir en face de vous ?

Mon père m’a expliqué : « Essaie de ne pas te couper en te rasant« , je porte la barbe, et ça voulait dire : « Regarde-toi dans la glace« . Moi, je veux essayer de me regarder dans la glace. Avec la cocaïne, j’ai fait une connerie, mais une vraie connerie ! Jusqu’au moment où j’ai dû arrêter et j’ai arrêté.

Pendant tout ce parcours, vous sentez que votre santé se dégrade. Vous avez des moments où il y a quand même des alertes et c’est grâce aux autres que vous allez enfin prendre la décision d’aller consulter.

Je ne savais pas ce que c’était et c’est le papa d’un de mes amis chers, Henri Delorme, qui m’a dit un jour : « Je t’ai vu marcher, ça ne va pas, tu devrais voir un neurologue« . Et là, je me suis dit, s’il le dit, c’est que ça doit valoir le coup. J’ai vu un neurologue, puis un autre. Et puis, au bout d’un an, on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques.

« Le déni fait beaucoup partie de cette maladie qu’est la sclérose en plaques. On n’a pas envie d’être malade, donc on n’a pas envie d’entendre qu’on est malade. »

Dominique Farrugia

à franceinfo

D’ailleurs, quand on vous annonce que vous avez la sclérose en plaques, vous avez 28 ans et vous n’avez pas vraiment de réaction.

J’estime avoir eu de la chance de ne pas m’être laissé aller, d’avoir continué, d’avoir eu ce mantra qu’on m’a donné : « Tu traites ta maladie de deux façons. Ou comme une amie, tu te plains et tu restes au lit. Ou comme une ennemie, tu te lèves, tu marches et tu vas travailler« . J’ai gardé ça au fond de moi et je me suis battu jusqu’à aujourd’hui. Quelqu’un me demandait : « Qu’est-ce que tu fais le matin en te levant ? » J’essaie de voir comment je marche.

Vous continuez à avancer et après Les Nuls, il y a cette envie de réaliser, de vous tourner vers le cinéma. Que représente-t-il pour vous ?

Le cinéma, c’est ma vie ! Personne ne voulait produire mon film donc j’ai monté ma boîte de production et j’ai eu la chance de rencontrer des gens qui ne m’ont jamais vu comme un malade, mais comme un type normal.

Quelle est la suite ? Qu’est-ce qui vous donne envie ?

On m’a proposé, à 58 ans, de prendre la tête d’EndemolShine Fiction, devenue Shine Fiction aujourd’hui et c’est une nouvelle aventure. Je coproduis aussi une série à partir de la semaine prochaine, je me lance dans la série. Je trouvais qu’à 58 ans, avoir un nouveau challenge c’était formidable. Ça me plaît.

Source FRANCE INFO.

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