À l’occasion de la journée de l’Europe lundi 9 mai, l’association qui gère le fond d’insertion pour les personnes handicapées (Agefiph) dresse le bilan sur l’insertion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail.
En Europe, 51% des personnes en situation de handicap ont un emploi contre 75% des personnes sans handicap, selon la Commission européenne. Cependant si ce chiffre donne une indication globale, « il n’est pas totalement fiable », déclare Véronique Bustreel, la directrice innovation, évaluation et stratégie de l’Agefiph dans un entretien avec EURACTIV.
« La grande difficulté lorsqu’on parle d’emploi et de handicap en Europe, c’est d’accéder à de la donnée. Celle-ci est la seule qu’on ait, il n’y a pas d’antériorité. C’est l’une des premières données internationales, européennes et françaises », précise Mme Bustreel, qui a participé à la rédaction de la publication de l’Agefiph ‘Europe : l’emploi des personnes en situation de handicap’.
Et pour cause : « Selon les pays en Europe, lorsqu’on parle de personnes en situation de handicap on ne parle pas forcément des mêmes personnes. Ce ne sont pas les mêmes règles ou les mêmes normes », ajoute-t-elle.
En France la loi de 2005, qui énonce le principe du droit à compensation du handicap, est jugée trop médicale et pas assez conforme à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, selon l’ONU.
« Les Pays-bas ont une vision plus large du handicap, comme ce que l’on qualifierait de handicap social en France », indique comme exemple Mme Brusteel.
Le système des quotas
Deux tiers des pays européens ont adopté le système de quotas, ce qui représente un « bon niveau », selon Stefan Tromel Spécialiste du handicap à l’Organisation internationale du travail (OIT). Ce système oblige tout employeur d’au moins 20 salariés à appliquer un taux d’embauche de 6% de personnes en situation de handicap.
Le problème se pose lorsqu’une personne est embauchée uniquement pour remplir les quotas. « Or, il faut penser à leur développement professionnel, à leurs compétences. », plaide M. Tromel au cours d’une entrevue avec EURACTIV.
Avant d’ajouter : « Un changement de mentalité est nécessaire. C’est la clé pour faire la différence. La bonne nouvelle c’est que beaucoup d’entreprises ont commencé à comprendre ça. »
Quotas ou non, le défi reste grand pour les petites et moyennes entreprises qui ne bénéficient pas des mêmes moyens que les grandes. « Il faut leur apporter l’assistance technique et financière », alerte M. Tromel.
Les pays du nord et l’Italie plus inclusifs
Malgré l’absence de données fiables, des études montrent que certains pays tirent leur épingle du jeu, à l’image des pays nordiques. La Suède, la Finlande et la Norvège, mais aussi l’Italie ont des taux d’accès à l’emploi relativement élevés ce qui s’explique notamment par « une culture ancrée de non-discrimination pour tous », selon Mme Bustreel.
A contrario, d’autres pays ont une culture « très paternaliste » et « protectrice » comme les pays de l’est, ce qui permet moins l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail.
Cependant « Il n’y a pas de bons ou de mauvais élèves, car on ne parle pas des mêmes situations de handicap, dans le même bain culturel ou économique. Il faut rester prudent », tient à rappeler Véronique Bustreel.
En revanche, avoir des statistiques précises sur les différents pays de l’UE permettrait de définir des stratégies efficaces en « s’accordant sur ce qui fonctionne mieux » et en « donnant des inflexions » si besoin est.
Il faudrait pour cela une définition commune aux 27 de la notion de travailleur en situation de handicap.
Stratégie européenne du handicap
Au niveau européen, il existe tout de même un projet commun : la stratégie européenne du handicap. Présentée en mars 2021 par la Commission, la stratégie relative aux droits de personnes handicapées 2021-2030 vise à garantir un accès aux droits fondamentaux aux personnes en situation de handicap ainsi qu’à développer l’accessibilité sur le continent.
« C’est une stratégie ambitieuse et intéressante, car elle vient porter des sujets essentiels pour les personnes en situation de handicap comme l’accessibilité, l’une des clés pour favoriser l’accès à l’emploi et développer une mobilité européenne », souligne Véronique Bustreel.
Mais la stratégie de la Commission présente une limite de taille : elle n’a pas de valeur législative, elle est seulement incitative. « C’est une façon d’amener un cap. Maintenant, les États membres et les institutions doivent se saisir de ce sujet et montrer leur volonté de promouvoir ensemble les droits des personnes en situation de handicap. », ajoute Mme Busteel.
La directrice innovation de l’Agefiph précise cependant qu’agir uniquement par la contrainte n’est pas forcément efficace et qu’il vaut mieux combiner les deux méthodes.
La pandémie de Covid a vu se développer le télétravail, ouvrant un nouveau champ de réflexion. « Attention à l’exclusion du monde du travail pour tous », prévient Mme Bustreel. S’il y a là une opportunité, il faut penser le télétravail et le négocier au niveau européen pour éviter les écueils du « trop ou pas assez ».
Même son de cloche pour M. Tromel : « C’est une option, mais pas une solution ».
Si les États membres et l’Europe semblent vouloir créer un marché du travail plus ouvert aux personnes en situation de handicap, il reste encore de nombreux procès à faire.
« Un marché du travail inclusif – offrant des chances à tous et un travail de qualité – est notre objectif. Une action coordonnée au niveau tant national qu’européen sera indispensable pour atteindre ces objectifs », avait déclaré la commissaire à l’égalité Helena Dalli en mars dernier lors d’une conférence de la présidence française de l’UE. Affaire à suivre.
Source EURACTIV.