Covid 19 – « Il faut faire ce sacrifice » : une jeune médecin généraliste confie son quotidien bouleversé…

Le caractère sournois du Covid-19, les changements radicaux provoqués par celui-ci sur sa pratique mais aussi sa vie de famille.

Une médecin généraliste, qui tient son cabinet depuis sept ans dans l’Aire urbaine Belfort – Montbéliard, s’est confiée sans tabou sur le bouleversement que signifie, pour elle, cette pandémie mondiale.

 

"Il faut faire ce sacrifice" : une jeune médecin généraliste confie son quotidien bouleversé

Comme pour mieux réfléchir à la portée de sa phrase, elle marque un léger temps d’arrêt. Puis lâche, d’un ton solennel : « C’est vrai que c’est cauchemardesque. Quand je sors du cabinet et que les rues sont vides, je crois que je vais me réveiller. Mais ce n’est pas le cas ».

Cette médecin généraliste, installée depuis sept années dans le Pays de Montbéliard, ne voulait pas spécialement s’exprimer, dans un premier temps, sur l’interminable tunnel de tension et de solitude dans lequel elle s’est engouffrée il y a plusieurs semaines maintenant. Au fil des minutes, sous couvert d’anonymat, les mots sortent pourtant avec toujours plus de force, images d’un quotidien bouleversé par la pandémie de Covid-19 qui frappe le monde entier.

« Est-ce que j’ai fait assez, pris suffisamment de précautions ? »

Ce tsunami n’épargne personne. La jeune femme le subit de plein fouet actuellement. Dans son travail. Dans sa vie de famille. Dans chaque petit rien qui, désormais, peut se transformer en danger potentiel. « Je me pose souvent cette question : est-ce que j’ai fait assez, pris suffisamment de précautions pour mes patients ou ma propre famille », lâche-t-elle.

« Ce n’est pas parce que l’été arrive, ou que le confinement est levé, que ce sera fini. On devrait subir d’autres vagues par la suite. »

Le fameux masque de protection FFP2, absolument nécessaire au personnel soignant depuis plusieurs semaines. Photo ER /Jean-Noël PORTMANN

Une médecin généraliste du Pays de Montbéliard.

Désinfection complète (salle d’attente comprise) entre chaque patient, porte d’entrée constamment ouverte, mise à la poubelle des revues : l’hygiène est devenue une obsession vitale. « Le plus compliqué, c’est quand des enfants viennent en consultation. J’essaie de repérer ce qu’ils touchent pour tout désinfecter ensuite », reprend celle qui, dès les premiers jours, a bénéficié d’un élan de solidarité de proches et patients lui ayant notamment procuré un masque FFP2, bien avant la première dotation de l’État.

Son quotidien, lui, n’a plus grand-chose à voir avec celui d’il y a quelques jours. Quelques semaines. Une éternité. Son mari et ses trois enfants le savent désormais : le rituel du retour au domicile s’est considérablement allongé, histoire de ne prendre aucun risque de contagion.

« On ne peut pas se défiler »

« Je désinfecte tous mes vêtements à haute température, puis me douche immédiatement avec un savon antiseptique », énumère la jeune femme. « Je ne sais pas si je ne suis pas porteuse saine de ce virus, il faut donc faire très attention à tout. C’est difficile à vivre, bien sûr : je n’embrasse pas mes proches, je ne touche pas les mains de mes enfants, et je porte constamment un masque à la maison. J’ai une petite fille d’un an qui a fait les gros yeux, au début, en me voyant comme ça. Elle a dû s’imaginer que je prenais de la distance avec elle, c’est délicat à comprendre à son âge ».

Elle n’a toutefois pas le choix. Le danger rôde dans son cabinet. Il guette sournoisement son heure. Épie la moindre inattention. « Vous savez, je me demande souvent comment j’aurais agi et réagi pendant une période de guerre », termine-t-elle pensive. « Là, on y est, et on a les compétences nécessaires à la lutte. Alors il faut y aller. Ne pas compter ses efforts. En tant que médecin, il faut faire ce sacrifice, on ne peut pas se défiler. Impossible. Pas maintenant ».

« Je pense en termes de présumés infectés »

Cette généraliste en est informée depuis quelques jours par de nombreux médecins encore plus exposés à la prise en charge des infectés par le Covid-19, et elle l’a de toute manière rapidement compris : le coronavirus revêt une grande variété de symptômes, difficiles à cerner.

« Certains patients ont de la fièvre, d’autres pas ou très peu. La présence de diarrhée, douleurs abdominales ou nausées précède souvent la fièvre, la rhino-pharyngite, la toux… Le goût et l’odorat disparaissent parfois. Sans parler des porteurs sains, ou des patients consultant pour une autre raison et qui sont simplement en incubation », énumère celle qui va débuter ces jours-ci la fabrication personnelle de solution hydroalcoolique, à partir de la composition officielle de l’Organisation mondiale de la santé communiquée par les autorités.

« Les troubles intestinaux sont également à surveiller, puisqu’ils précèdent souvent, dans cette infection, les autres symptômes. Je conseille tout de même de porter un masque, pour limiter au plus vite la contagiosité alentour. En fait, comme on parle, dans le milieu de la justice, de présumés innocents, moi je pense en termes de présumés infectés. Il faut que tout le monde soit très vigilant ».

Pour aider à limiter la propagation du virus, elle fournit également des masques à ses patients (prélevés dans son maigre stock antérieur), « car le discours affirmant qu’il n’est pas nécessaire d’en porter est faux », lâche-t-elle. Autre initiative : la mise à jour d’un fichier informatique à usage professionnel pour mieux suivre les patients probablement infectés, afin de les appeler durant l’évolution de la maladie. Une corde de plus à cet arc permettant de combattre, tant bien que mal, le virus sournois tapi dans l’ombre.

Source EST REPUBLICAIN.

 

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