« Ça suffit ! » : le handicap, grand absent de la présidentielle ?…

Insertion professionnelle, niveau de vie, scolarité, accessibilité…

Les lois défilent, les gouvernements de même.

Mais pour APF France Handicap, le compte n’y est pas.

« Ça suffit ! » : le handicap, grand absent de la présidentielle ?

 

Une journée de mobilisation nationale est organisée le 9 mars, à un mois du top départ de l’élection présidentielle. La Moselle s’y veut aux avant-postes.

« On est sur la paille… Ça suffit ! » Détresse et ras-le-bol percutent le slogan retenu par APF France Handicap, dépositaire d’un appel à une manifestation nationale programmée le mercredi 9 mars. La date n’a pas été choisie au doigt mouillé. Elle coïncide avec la réunion, à Strasbourg, des ministres européens en charge du handicap en marge de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Plus qu’un symbole, à un mois tout rond du premier round de l’élection présidentielle.

« Ce que nous souhaitons, c’est attirer l’attention sur des revendications que nous portons depuis belle lurette. Et que les candidats ne nous oublient pas. Jusqu’ici, la campagne ne s’intéresse pas aux questions essentielles pour les Français. Elle ne vise que des thématiques médiatiques, comme l’immigration. Et aucune de ces thématiques n’a trait au handicap », s’inquiète Raúl Morales La Mura, responsable interrégional des actions associatives au sein de cette structure fondée en 1933. APF France Handicap revendique un total de 20 000 adhérents et 30 000 usagers.

« Un problème culturel »

Si seules trois millions d’entre elles disposent d’une reconnaissance administrative, l’association établit à douze millions le contingent de personnes en situation de handicap dans l’Hexagone. « Ce qui fait du handicap un enjeu sociétal, insiste Raúl Morales La Mura. C’est le moment de faire entendre que notre cause ne concerne pas uniquement les personnes en situation de handicap, mais l’ensemble de la population. »

Un cri d’alarme d’autant plus urgent et d’autant plus brûlant, constate Suzanne Barbenson, représentante départementale d’APF France Handicap, qu’en dépit des textes de loi engagés comme des promesses griffonnées en bout de table, un certain « immobilisme » prévaut au fil des années. Le copieux dossier de l’emploi, ainsi. « En 2018, une modification de la loi sur le travail prônait l’accompagnement par, et de l’emploi. Quatre ans plus tard, on en est au même point. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé que celui des personnes valides. S’il n’y a pas de recul, en tout cas il n’y a pas d’avancées », pointe Raúl Morales La Mura.

« Ça suffit ! » : le handicap, grand absent de la présidentielle ?

Quant aux obligations faites, à partir de 1987, aux établissements de 20 salariés et plus d’employer au minimum 6 % de collaborateurs handicapés, elles peinent à être suivies d’irréprochabilité. « On n’a jamais dépassé les 4 %, regrette Suzanne Barbenson. Des entreprises préfèrent verser une compensation financière à l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, ndlr). Et cela concerne aussi bien le privé que le public.

Certaines administrations ne montrent pas l’exemple. » En cause : « Un problème culturel, diagnostique son collègue Raúl Morales La Mura. Le handicap renvoie à une fragilité, il y a une discrimination dès le départ. L’APF n’a de cesse de sensibiliser sur le sujet. Pour autant, ce n’est pas suffisant pour franchir des paliers supplémentaires. Nous avons besoin d’une parole politique forte. »

Besoin de traductions concrètes, puissantes, également. Les transports ? Là aussi, des textes de 1975 et de 2005 établissent un certain nombre de cases à cocher. En matière d’accessibilité comme de transport à la demande. Des territoires s’y emploient. D’autres déserteraient. « En Moselle-Est, par exemple, à l’exception de Sarreguemines c’est le néant », désigne Suzanne Barbenson. « La problématique n’est pas vue dans sa globalité, analyse Raúl Morales La Mura.

Si je ne peux pas me rendre d’un point A à un point B, même au sein d’une même région, comment apporter mes compétences à la société ? Les déplacements demandent toute une mise en œuvre. Cette complication du quotidien contribue à “invisibiliser” les personnes en situation de handicap. »

Comment, aussi, croire en l’égalité des chances, interroge APF France Handicap, quand le concept d’école inclusive tremble à ce point sur ses bases – et l’on n’évoque même pas, ici, les provocations outrancières du candidat Éric Zemmour en la matière ? Dans la mire de Suzanne Barbenson, « un manque de formation » des auxiliaires de vie scolaire (AVS) ainsi qu’un maillage territorial déficient, à ses dires. « Or, tant qu’il n’y a pas d’AVS pour lui, le gamin ne va pas à l’école », illustre Raúl Morales La Mura. Une fatalité ? À en croire les deux responsables associatifs, des contre-modèles existent. En Scandinavie, situent-ils, ainsi qu’« en Italie, où les enseignants sont formés à l’accueil d’élèves en situation de handicap. Leur parcours comporte cette “expertise” ».

« Un travail quotidien »

Chilien d’origine, Raúl Morales La Mura s’en amuse avec une dose d’amertume : dans « son » pays, « le métro est accessible aux personnes en situation de handicap. Ce sont pourtant les Français qui l’ont construit. Alors pourquoi n’est-ce pas le cas à Paris, à Marseille, à Lyon ? Paris, on nous répondrait que le métro est ancien. Mais Marseille ? Mais Lyon ? » Autant de questionnements laissés sans réponse. Et autant de chevaux de bataille enfourchés par APF France Handicap, littéralement vent debout. En ce mois de février, l’association vient de rendre publique, au plan national, la première édition de l’Observatoire des droits.

L’un des enjeux de ce document de synthèse dont s’est emparé le ministère de la Santé et des Solidarités : l’effectivité des droits. Celle-ci souffrant de trous béants dans la raquette. « Il est nécessaire notamment de clarifier l’information relative aux droits des personnes, simplifier les démarches administratives et les voies de recours, généraliser l’approche de “l’aller vers” pour éviter le non-recours aux droits, reconnaître le droit à l’erreur », écrit ainsi Pascale Ribes, présidente d’APF France Handicap. « Nous avons un travail d’information au quotidien », relève Suzanne Barbenson. Ainsi qu’un rôle de caisse de résonance. Pour le Grand Est, c’est à Metz, place de Chambre, à partir de 14 h, qu’est prévu le rassemblement dans le cadre de la journée nationale du 9 mars. Avec des élus dans les rangs ?

Source LA SEMAINE.

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