Accompagnant d’élèves en situation de handicap : une Dieppoise témoigne des difficultés de la profession…

Les AESH lors de la mobilisation du 11 février, avant de se rendre à Rouen. (Photo d’archives PN)

 

Marie*, accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH) à Dieppe, dont la mission est de favoriser l’autonomie de l’élève, décrit des conditions de travail dégradées depuis la mise en place progressive des PIAL (Pôles inclusifs d’accompagnement localisés) à partir de la rentrée 2019. « C’est compliqué. Depuis la rentrée 2020, j’accompagne deux enfants dans la même école élémentaire : un garçon de 11 ans, autiste, et une petite de 7 ans, dyslexique. »

Un changement notable. « Avant, je m’occupais du garçon, pendant 24 heures par semaine. J’étais tout le temps avec lui. Il était vraiment devenu élève. Mais maintenant, mon temps est partagé entre mes 15 heures avec le garçon, en classe Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) et 9 autres heures avec une petite fille. Mon premier élève se sent abandonné. Il ne comprend pas. »

Une mutualisation au détriment de l’enfant

Plus précisément, « quand je ne suis pas là, il ne fait plus rien : il sort un papier et fait des dessins. Il lui faut toujours quelqu’un pour le stimuler. Il a perdu les bonnes habitudes acquises l’année dernière : il n’écoute pas la maîtresse et quand je lui dis de travailler, ça l’énerve et il peut tout balancer. » Une situation difficile à vivre pour l’enfant, mais aussi pour son accompagnante.

« Pourtant, il y a aussi des moments positifs : le sourire de la petite fille quand j’arrive, ses dessins avec des cœurs… » Le rôle de Marie est en effet très spécifique : « Ces élèves n’ont pas le même contact avec l’enseignant et l’AESH. Par exemple, elle va me demander de lui expliquer l’exercice plutôt qu’à l’enseignant. Je prends le temps de réexpliquer. »

Aussi, d’après elle, « la mutualisation des AESH se fait au détriment de l’enfant. Il faut jongler entre les emplois du temps. Je me sens privilégiée par rapport à mes collègues qui ont plusieurs élèves (3-4), mais pas dans la même école. C’est perturbant pour eux d’être dans plus établissements. J’ai l’impression, et mes collègues aussi, d’être un pion. » Conséquence ? « Il y a eu beaucoup de démissions en 2020 et cette année. Pour s’intégrer à l’équipe éducative, c’est extrêmement compliqué.

Les AESH font des va-et-vient. Pour ma part, je me suis bien intégrée. La fonction attire moins, ne fait plus rêver comme avant. Ça risque d’être pire pour nos jeunes collègues qui veulent faire ce métier durablement. »

* Prénom d’emprunt.

Un personnel fragilisé

« Les AESH sont épuisées. » Lysiane Claire, présidente de l’association AESH 76, basée à Dieppe, relate une situation qui se dégrade dans la fonction. « Il y a beaucoup plus d’accidents de travail causés par la violence de certains élèves.

Les AESH ont peu de temps pour manger le midi, cumulent les emplois, car les fins de mois sont difficiles, surtout pour les mamans de familles monoparentales. Il y a des dépressions, des burn-out. Le personnel est fragilisé, précaire, mais donne tout dans leurs missions. »

Elle précise qu’« un AESH peut avoir plusieurs élèves. Un élève peut avoir plusieurs AESH, mais ce n’est pas le cas sur Dieppe. C’est ma crainte pour la rentrée prochaine. Il y a aussi le risque qu’un AESH puisse avoir 5-6 élèves. Mais l’accompagnement ne sera pas de qualité », regrette Lysiane Claire. Actuellement, chaque AESH de Dieppe accompagne trois élèves maximum. Pour obtenir un CDI, les AESH doivent travailler six années consécutives.

Source PARIS NORMANDIE.

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