Priscille Deborah est à ce jour la seule Française à bénéficier d’une prothèse de bras utilisant la technique de TMR (ré-innervation musculaire ciblée). Vidéo…

Une prouesse médicale et technologique très coûteuse qui pourrait pourtant permettre à de nombreuses personnes amputées de retrouver leur autonomie.

Priscille Déborah ici dans son atelier d'Albi, en avril 2021

 

Elle est formidable : Priscille Deborah est son nom d’artiste, d’auteure et de combattante. Sur la scène médiatique, elle est connue comme la « femme bionique« .

Son corps fait de chair et de métal ne cesse d’étonner sur son passage. Presqu’autant que sa résilience et son énergie vitale. En 2006, un accident de la vie la laisse triplement amputée des deux jambes et du bras droit.

Aujourd’hui, cette mère de deux enfants, artiste-peintre, pratique la natation, fait de la plongée et du ski et vient de se mettre au badminton. Des sports adaptés certes, mais l’adaptation c’est sa force.

Une prothèse révolutionnaire

Une renaissance que Priscille raconte dans son livre «Une vie à inventer» paru en 2021. En 2009, après de longs mois de souffrance, elle rencontre un orthoprothésiste à Nantes, « celui qui la refait marcher« , celui qui, en 2013, lui parle d’un système prothétique allemand  révolutionnaire qui s’apparente à de la science-fiction grâce à la TMR (ré-innervation musculaire ciblée).

« Ma prothèse s’emboite, je la porte 12 heures par jour, et je l’enlève pour dormir ». Elle est équipée de 5 capteurs qu’il a fallu reconnecter aux neurones afin que le cerveau puisse commander le mouvement.

« Avec la TMR, je pense le mouvement et le mouvement suit. C’est intuitif, instantané et efficace, mais j’ai passé deux ans en rééducation pour apprendre à la faire fonctionner ». Un combat sans relâche pour retrouver les gestes du quotidien.

Séance de rééducation avec un ergothérapeute formée à cette technique

Le miracle a pris son temps : Cinq années ont été nécessaires avant d’opérer afin de constituer puis former l’équipe médicale (chirurgiens, ergothérapeutes, kinés …) et de trouver l’appui du fabricant allemand Ottobock qui a mis au point cette technologie.

Et puis s’est rapidement posée la question du financement : la facture s’élève à 160.000 euros. Prise en charge de l’assurance maladie : 30.000 euros. Le compte n’y est pas.

Durant sa rééducation, Priscille bénéficie d’un matériel de prêt. Mais en deux ans, elle arrive à réunir les fonds pour s’acheter sa prothèse grâce à la générosité : course caritative, mécènes, cagnotte en ligne. C’est gagné!

« J’entends souvent dire que la sécu ne rembourse rien, c’est faux. En France, on prend en charge les prothèses simples. Là, il s’agissait d’une innovation et il fallait faire les preuves de son efficacité d’abord. Mais aujourd’hui, je me bats pour que d’autres personnes amputées d’un bras puissent accéder, à moindre frais, à cette technologie ».

 La maintenance d’un tel système n’est pas simple, mais elle affirme que le fabricant, très fier de cette première française, répond aux urgences techniques.

« Avant de venir à Marseille pour l’enregistrement de l’émission, mon coude a buggé! Mon  mari est allé à Nantes me récupérer un coude de prêt en attendant la réparation ». Son envergure médiatique n’y est pas étrangère, mais elle est assez confiante.

Priscille et Fred, son époux posent pour la campagne de France Handicap

« Banaliser » le handicap

Le handicap, Priscille l’a appréhendé sous bien des formes. « A une jambe, j’ai aussi un genou électronique intelligent qui se plie en fonction des aspérités du terrain. Il comporte un gyropode intégré, ça aussi c’est de la haute technologie ! » s’exclame-t-elle avec enthousiasme « mais je n’ai pas toujours eu cet appareillage ! Les systèmes et les matériaux évoluent beaucoup, tout comme le regard sur le handicap ». L’artiste a tenu à garder sa prothèse à nu, en métal, « une façon de revendiquer sa différence, de l’assumer ».

« C’est comme quand  je fais tourner mon poignet à 360°, tout le monde me regarde et j’ai l’impression d’avoir des supers-pouvoirs ! Quand on m’appelle la « femme robot », ou « Super Jaimie » j’ai l’impression d’être une super-héroïne. Cela permet de valoriser le handicap et  de voir mon corps autrement, comme magnifié par la technologie »

Ce n’est pas du luxe !

Dès 2006, Priscille Deborah avait créé une page Facebook, en guise de journal de bord de sa reconstruction.

Aujourd’hui, elle en a fait un lieu d’échanges avec les personnes amputées qui caressent l’espoir de retrouver un jour, comme elle, leur autonomie et une vie sociale.

« Avec Fred, mon époux, qui m’accompagne dans cette aventure, nous avons joué à fond le jeu de la médiatisation, pour sensibiliser les pouvoirs publics ». Bien décidée à remuer des montagnes pour démocratiser la prothèse bionique.

« Son usage est tellement incroyable et efficace, ce n’est pas du luxe lorsqu’on a perdu un bras ! ». Selon elle, il reste encore du chemin à faire dans notre pays en faveur de l’inclusion des personnes handicapées, surtout dans le domaine de l’emploi.

« Je souhaite qu’en 2022 on avance dans la bienveillance et le partage et surtout la tolérance, sans jugement de l’autre. On a tous nos cicatrices ce qui est important c’est ce qu’on en fait. Et il n’y a rien de plus terrible que ces gens qui jugent la différence ». 

Livre de Priscille Deborah et Sandrine Cohen

Source FR3.

 

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