Montbéliard – Une infirmière témoigne de son vécu en maison de retraite… INQUIETANTE MALTRAITANCE INSTITUTIONNELLE !

Anne Fougnie a travaillé vingt-huit ans à la Maison Joly, à Montbéliard.

Entre amertume et colère, elle raconte les conditions de travail dégradées et la maltraitance institutionnelle.

Un témoignage fort, poignant. Qui interroge (une fois de plus) sur la façon dont notre société considère ses aînés.

Une infirmière témoigne de son vécu en maison de retraite. Des résidents de la Maison Joly regardent la télévision dans la salle commune.  Photo ER /Lionel VADAM

Elle ne voulait pas partir à la retraite comme ça. Tirer un trait sur quarante ans passés dans le milieu de l’hôpital public sans raconter l’irrésistible dégradation de ses conditions de travail qui ont fini par la miner. Et qui la minent encore.

Sa vie active a pris officiellement fin le 1er juillet, mais Anne Fougnie ne peut s’empêcher de se soucier de ses ex-collègues de la maison de retraite Joly à Montbéliard où elle a travaillé ces vingt-huit dernières années (de nuit). « L’autre jour, je leur ai envoyé un SMS à 2 h du matin pour savoir comment ça allait. « Mais tu ne dors pas ?  ! » m’ont-elles répondu. Ça me pèse… Je pense aux résidents… »

« La 8e , je ne veux même pas savoir comment elle s’appelle ! »

Le témoignage de cette infirmière âgée de 59 ans est symptomatique, à la fois de la façon dont notre société prend en charge ses aînés et de la détérioration continue de l’environnement du travail lorsque l’impératif économique supplante l’humain.

« Parmi les problèmes chroniques, il y a l’absentéisme, avec la difficulté de trouver des remplaçants formés et compétents, et l’ajout continu de tâches alors que les agents en ont déjà beaucoup », s’alarme Anne Fougnie. À la Maison Joly, « des collègues victimes de burn-out sont en arrêt depuis un mois, un an… On travaille la tête dans le guidon. Il faut toujours faire plus avec moins et ce sont les résidents qui trinquent. On nous fait comprendre qu’on est déjà bien lotis en termes d’effectifs et que si ça ne fonctionne pas, c’est de notre faute. »

Elle s’insurge contre « une violence institutionnelle incroyable » en prenant pour exemple les chambres doubles, majoritaires dans l’établissement, « où cela ne choque pas de mettre une personne en fin de vie avec une autre qui souffre de démence et crie toute la nuit. Aucune intimité n’est possible. Il n’y a plus de respect. »

Elle se souvient d’une remarque (ou supplique) d’un résident : « « C’est la 7e personne que je vois mourir à côté de moi », m’a-t-il dit. « La 8e , je ne veux même pas savoir comment elle s’appelle ! » Or la Maison Joly, c’est leur domicile. On n’est pas à l’hôpital ! » Il y a encore ce coup de gueule d’une dame de 99 ans qui, impotente, avait toute sa tête : « « Mais on m’a mise chez les fous ! » s’est-elle exclamée en piquant une crise de nerfs, peu après son arrivée. Elle avait mille fois raison de protester. »

Camisole chimique

En maison de retraite, pour s’occuper correctement des personnes âgées, « il faut du temps, mais du temps, on n’en a pas, on n’en a plus. Il faudrait pourtant être aussi souvent que nécessaire à leurs côtés, leur tenir la main pour les tranquilliser, respecter leur rituel d’endormissement, les masser pour calmer leurs souffrances, atténuer leur détresse et leurs angoisses. Pour elles, un mot doux, un sourire, une présence, c’est extrêmement important. Et c’est ça le cœur de mon métier ! » Faute de pouvoir prodiguer toutes ces attentions, « on donne un anxiolytique sur prescription médicale. C’est bien triste de devoir recourir à la camisole chimique. »

Anne Fougnie aurait pu travailler jusqu’à 62 ans, « mais j’ai décidé d’arrêter parce que je n’en pouvais plus. J’étais épuisée physiquement et moralement. »

Source EST REPUBLICAIN.

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