Le cancer de la prostate pourrait être lié à des bactéries et cela ouvre la voie à de nouveaux traitements…

Chaque année, environ 12 000 hommes meurent du cancer de la prostate au Royaume-Uni (50 000 nouveaux cas par an en France, pour 8 000 décès, ndlr).

Une récente étude publiée dans la revue European Urology Oncology avance que l’origine de cette maladie pourrait être liée à des bactéries.

Le cancer de la prostate pourrait être lié à des bactéries et cela ouvre la voie à de nouveaux traitements

 

Chaque année, environ 12 000 hommes meurent du cancer de la prostate au Royaume-Uni (50 000 nouveaux cas par an en France, pour 8 000 décès, ndlr). Mais ils sont beaucoup plus nombreux à mourir avec un cancer de la prostate qu’à mourir à cause de ce cancer. Il est donc important de savoir si la maladie va progresser rapidement ou non pour savoir qui traiter.

Notre dernière étude, publiée dans European Urology Oncology, permet de mieux comprendre quels sont les cancers qui vont progresser rapidement et de manière agressive et ceux qui ne le feront pas. Une partie de l’explication à ces différences d’évolution se trouve dans cinq types de bactéries.

C’est une surprise… sans l’être. Depuis quelques années, il a en effet été prouvé que les microorganismes pathogènes (bactéries et virus) peuvent entraîner des cancers. Nous savons, par exemple, que Helicobacter pylori est associé au cancer de l’estomac et que le papillomavirus humain (HPV) peut causer le cancer du col de l’utérus. Il existe également de plus en plus de preuves que la bactérie Fusobacterium nucleatum est associée au cancer colorectal.

Cinq bactéries identifiées

Ici, à la Norwich Medical School, avec nos collègues du Norfolk and Norwich University Hospital, du Quadram Institute et d’autres, nous avons identifié cinq types (genres) de bactéries liés au cancer agressif de la prostate. Il s’agit de Anaerococcus, Peptoniphilus, Porphyromonas, Fenollaria et Fusobacterium. Nous les appelons « ensemble de biomarqueurs de bactéries anaérobies », ou ABBS (anaérobie signifiant qu’elles peuvent se développer en l’absence d’oxygène).

Les genres de bactéries sont eux-mêmes subdivisés en « espèces », comme nous-mêmes sommes du genre Homo et de l’espèce sapiens. Et ici nous avons trouvé quatre espèces bactériennes entièrement nouvelles, dont trois appartiennent aux genres associés au cancer agressif de la prostate (deux de ces nouvelles espèces ont été nommées d’après nos bailleurs de fonds : Porphyromonas bobii, d’après le Bob Champion Cancer Trust et Varibaculum prostatecancerukia, le Prostate Cancer UK).

Pour découvrir si elles avaient un impact particulier, nous avons examiné des échantillons d’urine et de tissu prélevé au niveau de la prostate chez plus de 600 hommes atteints ou non d’un cancer de la prostate. Et nous avons constaté que lorsque l’une de ces cinq bactéries anaérobies était détectée dans les échantillons des patients, elle était associée à une progression plus rapide du cancer vers une forme agressive.

En effet, les hommes qui présentaient une ou plusieurs de ces bactéries étaient presque trois fois plus susceptibles de voir leur cancer de stade précoce évoluer vers une maladie avancée, par rapport à ceux qui ne présentaient aucun de ces microorganismes dans leur urine ou leur prostate.

Nous avons également découvert les mécanismes possibles du lien entre ces bactéries et le cancer, notamment les effets potentiels sur le métabolisme des cellules humaines hôtes.

Vers de meilleurs tests de dépistage

Les tests actuels de dépistage, comme la mesure du taux sanguin de PSA (antigène prostatique spécifique), ne permettent pas de savoir quels cancers seront les plus évolutifs. (Photo : Saiful52 / Shutterstock)

Les tests actuels de dépistage du cancer de la prostate, tels que le test par dosage du PSA (antigène prostatique spécifique) et la biopsie, ne sont pas toujours en mesure de prédire quels cancers seront dangereux.

Nous espérons qu’une nouvelle approche, qui rechercherait les bactéries de notre groupe ABBS, serait mieux à même de détecter et de dépister un cancer de la prostate potentiellement agressif. Ce nouveau type de test pourrait être similaire à ceux développés pour détecter Helicobacter pylori associé au cancer de l’estomac ou le HPV lié au cancer du col de l’utérus.

Nous y travaillons actuellement. Nous prévoyons de développer des tests fiables et rapides pour détecter les cinq bactéries caractéristiques que nous avons identifiées. Ils pourraient également contribuer à développer de nouvelles options de traitement pour les éliminer des voies urinaires, de la vessie et de la prostate.

Mais cette découverte passionnante n’en est bien sûr qu’à ses débuts. Il reste d’importantes questions à résoudre, telles que : la bactérie est-elle à l’origine du cancer de la prostate ? Si oui, comment ? En outre, pouvons-nous utiliser des options de traitement pour éradiquer la bactérie afin de prévenir le développement d’une maladie agressive ? Nous espérons bientôt avoir des réponses à ces questions.

*Cet article a été écrit par Rachel HURST, chercheuse, Colin COOPER professeur en cancérologie génétique, Jeremy CLARK, chercheur associé. Tous travaillent à l’université d’East Anglia.

Source OUEST FRANCE.

Pour marque-pages : Permaliens.