Handicap et habitat. A Rennes, Imène et Ercan privés d’un logement faute d’assurance pour leur prêt…

Imène et Ercan, tous les deux en situation de handicap ont souhaité s’investir dans un projet d’habitat participatif à Rennes et acheter un logement pour y vivre avec leur fils.

Alors qu’un appartement les attend, les assurances refusent d’assurer leur prêt. 

Ercan et Imène devant le logement dans lequel ils veulent habiter mais pour l'instant la banque ne leur accorde pas le prêt car Imène ne trouve pas d'assurance pour la couvrir

 

« C’est un projet humain, avec des valeurs d’entraide, de vivre ensemble, d’écologie, de mixité ». Voilà comment Ercan résume l’habitat participatif de la Bara-K à Rennes, qu’il veut intégrer avec sa compagne Imène et leur fils de 5 ans. Sauf que pour l’instant, l’appartement qu’ils devaient occuper est vide, alors que tous les autres habitants ont pu s’installer comme prévu fin juin.

Imène et Ercan ne peuvent y accéder sans avoir un prêt immobilier, inaccessible aujourd’hui car ils n’arrivent pas à trouver une assurance.

« C’est un dossier compliqué, on ne rentre pas dans les cases »

Imène

Imène et Ercan se déplacent en fauteuil roulant. En 2017, lors du lancement du projet, ils font appel à un courtier en banque. Ce dernier estime qu’ils sont en capacité de supporter un prêt, avec l’AHH (allocation adulte handicapée) dont ils bénéficient tous les mois. Pour donner un peu plus de poids à leur demande, il conseille tout de même au couple de se constituer un apport. « C’est ce que nous avons fait. En quatre ans, nous avons mis 16 000 euros de côté », explique Imène.

En octobre 2020, la banque d’Imène accepte le dossier et donne un pré-accord. Mais là tout se complique, il faut forcément une assurance. Ercan se voit assuré sans difficulté, sans surcoût. Imène, elle, voit se fermer toutes les portes à cause de sa maladie neuro-musculaire. « Parfois on me dit non direct, juste en lisant un mot dans mon questionnaire médical. On ne me pose pas plus de questions. Je n’ai jamais été vue par un expert. Je sais que d’autres personnes ayant la même maladie que moi ont déjà pu accéder à un prêt. Je ne comprends pas ». L’assurance pourrait être totalement imputée à Ercan mais la banque refuse.

« Il faut soit être riche, soit être en bonne santé »

Ercan

Pour l’instant, la situation d’Ercan et Imène est bloquée. Les habitants de la Bara-K se mobilisent pourtant autour d’eux. Certains ont même voulu se porter caution. Aiguillon, le bailleur social et partie prenante du projet propose aussi de s’engager, bien au-delà de son rôle.

« Toutes les démarches auprès des banques et assurances sont pesantes mais nous mettons encore toute notre énergie pour concrétiser ce projet. Si nous nous accrochons toujours, c’est grâce au soutien indéfectible des habitant de la Bara-K et d’Aiguillon. Ce n’est pas le combat de David contre Goliath car nous ne sommes pas seuls »

Imène et Ercan

« On savait que ce serait difficile, depuis le début, banque et assurances se renvoient la balle », résume Thomas Duke directeur général d’Aiguillon – La Coop. Il se dit pourtant prêt à se mettre en limite avec la loi et en a fait un combat. « Nous on est un bailleur social, on ne peut pas prêter d’argent mais pour leur permettre d’aller au bout de leur projet, nous sommes prêts à bloquer la somme qui correspond à leur bien et à la mettre de côté comme une garantie ». Selon lui, une garantie existe déjà « en cas de pépin » dans le cas d’un achat auprès d’un bailleur social. Cette dernière prévoit le rachat, le relogement, la revente pendant 10 ans, même en cas de décès. Mais rien à faire. « Pour les banques, ce n’est pas entendable ».

Il rappelle qu’Imène et Ercan se sont investis dès le début de la Bara-K, que c’est un projet de vie. « Rennes Métropole leur a accordé une dérogation, parce qu’ils n’avaient pas d’accord de prêt au départ ».

Il poursuit : « Le logement dans lequel ils vivent actuellement n’est pas adapté. L’appartement à la Bara-K a été construit pour eux, il est fait pour eux ». Il souligne également que sur les dix ménages de l’habitat participatif, certains présentent des ressources plus faibles que celles d’Imène et Ercan.

Des discussions sont en cours, dit-il, avec une compagnie d’assurance qui pourrait accepter la proposition d’Aiguillon. « Nous on ne veut pas faire machine arrière ». 

Sollicitée et après plusieurs échanges, la banque du couple répond mercredi soir que « c’est un dossier complexe » mais indique « une volonté d’aider ces gens ». « Le dossier est en cours d’instruction. Un travail est en cours pour trouver une solution et aboutir à une réponse positive », précise-t-on. Et d’insister sur son éthique qui est « d’accompagner les projets de vie ».

Handicap et accès à la propriété

Les personnes handicapées peuvent rencontrer d’importante difficultés, voire être carrément exclues des circuits de prêt classiques, tout spécialement lorsqu’elles présentent une pathologie ou un handicap constituant un risque de santé aggravé. L’octroi d’un crédit sur une longue durée va de pair avec la souscription d’une assurance emprunteur, que les personnes malades peinent à trouver, ou qui deviennent hors de prix du fait des majorations sur la prime.

Depuis 2007 pourtant, la Convention AERAS doit faciliter l’accès à l’assurance et à l’emprunt des personnes ayant ou ayant eu un problème de santé. Dans les faits, les obstacles se font si nombreux que certains acheteurs finissent par renoncer à l’accès à la propriété.

« AERAS est censée nous protéger mais les assurances font ce qu’elles veulent et ont le dernier mot. »

Témoignage de Emmanuel sur Slate

Dans un article paru sur le site de Slate, les témoignages recueillis évoquent la lourdeur des démarches et la violation du secret médical, les délais pour obtenir gain de cause, pour finalement devoir payer plus cher pour une couverture qui exclut l’handicap.

Source FR3.

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