Coronavirus : « La vaccination devient une norme », explique Alain Fischer, interrogé par nos lecteurs…

Alain Fischer, le « Monsieur vaccin » du gouvernement, est venu à la rédaction pour répondre aux questions envoyées au préalable par nos internautes.

Le docteur Alain Fischer dans le locaux de 20 Minutes le 3 juin 2021.

 

  • Après une ouverture très progressive, tous les adultes peuvent aujourd’hui avoir accès à la vaccination contre le Covid-19.
  • A partir du 15 juin, ce sont les Français entre 12 et 18 ans qui pourront recevoir des injections.
  • Durée de l’immunité, efficacité des vaccins, effets secondaires, obligation vaccinale… Alain Fischer a répondu aux questions de nos internautes.

Chaque semaine, une nouvelle donne. La campagne vaccinale contre le Covid-19 a subi bien des rebondissements entre son ouverture, fin décembre, et son élargissement à tous les adultes le 31 mai. Au point que certains Français ont du mal à s’y retrouver…

Alors que l’accélération de la vaccination laisse espérer un été plus serein, Alain Fischer, nommé par le gouvernement pour coordonner cette campagne contre le Covid-19, est venu à la rédaction de 20 Minutes. Et a répondu aux questions de nos internautes.

Mélanie, 38 ans : « La vaccination des 12-18 ans sera ouverte dès le 15 juin alors qu’il reste la moitié des adultes français à vacciner. Est-ce qu’on ne risque pas de pénaliser des personnes qui sont plus à risque ? »

Non, sinon ce genre de décision ne serait pas prise ! Pour les personnes les plus à risque, la vaccination, heureusement, est bien avancée. Ce n’est pas déraisonnable de commencer celle des adolescents, qui va se faire progressivement.

J’aimerais beaucoup que l’école participe. Pas en demandant aux enseignants de vacciner. Ni même aux médecins et infirmiers scolaires, pas assez nombreux. Mais en ouvrant des vacations pour vacciner aux médecins et infirmiers libéraux dans les établissements scolaires et universités. Cela permet aussi de parler de la vaccination en général. C’est comme ça qu’en Grande-Bretagne, ils ont réussi à vacciner contre les infections au papillomavirus (HPV) 80 % des adolescents.

Jean-Michel, 71 ans : « Le vaccin AstraZeneca est moins efficace (surtout contre les variants). Or, on l’administre aux personnes les plus à risques, du fait de leur âge. N’y a-t-il pas là une aberration clinique dont la justification est économique : il faut écouler un stock ? »

Ce n’est pas une vaccination au rabais. Actuellement, en France, le variant britannique est responsable de 80 % des infections. Or, AstraZeneca est aussi efficace que les vaccins à ARN messager contre ce variant-là.

« Les industriels ont tendance à pousser pour un rappel à l’automne. Mais chacun son travail ! »

Albessard, 60 ans : « Le vaccin nous procure l’immunité pour combien de temps ? »

Bonne question ! Ce que l’on sait avec les essais cliniques, c’est que la protection est stable six mois. Il y a des raisons d’espérer que ça aille bien au-delà. Une étude française montre que treize mois après l’infection, la plupart des gens ont encore des anticorps. Mais ça ne permet pas d’affirmer qu’on aura une immunité protectrice un an après.

Clémentine, 28 ans : « Pensez-vous que nous devrons nous faire vacciner tous les six mois ou tous les ans ? »

Tous les six mois, non. Les industriels ont tendance à pousser pour un rappel à l’automne. Mais chacun son travail ! Aucune précipitation donc, sauf variant particulier, pour vacciner la population bien portante. Se posera la question d’un rappel en fin d’année des personnes âgées, et sans doute des soignants.

Nicolas, 37 ans : « (Etant) Covid long depuis mars 2020, je n’avais pas la possibilité de me faire tester. Doit-on faire dans ce cas une ou deux doses de vaccin ? »

Une dose. On peut aussi faire une sérologie. D’ailleurs, on va proposer un test sérologique rapide dans les centres de vaccination en juin. Si la personne a des anticorps, il y aura une seule injection, donc on épargne des doses. On va le tester dans un premier temps. Pour voir si ça n’inquiète pas les gens et si on ne perd pas de temps. En dehors de ce cas particulier, il n’y a aucune raison de réaliser une sérologie. Notamment après le vaccin…

Gachet, 38 ans : « J’ai eu une première injection de Pfizer, mais deux semaines après, j’ai contracté le Covid-19 avec des symptômes. Dois-je faire la deuxième injection et si oui, quand ? »

Plutôt non. Mais ce n’est pas quelque chose de solide. Avec le bon sens, on considère qu’un vaccin, puis une infection, cela représente deux doses.

Simon, 33 ans : « Une fois vacciné, on peut recevoir et transmettre le virus. Alors en quoi cela protège-t-il les autres ? »

Une fois vacciné complètement, le risque d’être infecté ne disparaît pas totalement. Des vaccins qui fonctionnent à 100 %, je n’en connais pas. Mais le niveau de protection des vaccins ARN contre une forme grave s’élève à 95 %, et contre l’infection, c’est 90 %.

Pendant longtemps, on a eu un discours de prudence, car on n’avait pas de données sur la transmission post-vaccination. Aujourd’hui, on a des preuves solides à partir de la vaccination en Israël, au Qatar. On peut rassurer : on se protège et on protège les autres.

« Il ne serait pas éthique de vacciner les ados en remplacement des adultes »

Schwaller, 54 ans : « Ne doit-on pas rendre le vaccin obligatoire plutôt que de faire vacciner les ados, voire les enfants, sous prétexte que des adultes n’assument pas leur rôle de protection de l’enfance ? »

Il ne serait pas éthique de vacciner les ados en remplacement des adultes. Mais ce n’est pas « à la place », c’est « en plus ». Imaginons qu’on arrive à vacciner 100 % des adultes, ça serait bien de vacciner aussi les ados. Car ils jouent un rôle dans la transmission du virus. Donc vaccinés, ils participeraient à cette protection collective.

Mais il y a deux autres arguments. Le premier : à cause du Covid-19, les ados peuvent avoir une maladie inflammatoire appelée le PIMS. C’est rare – 125 ados en France en un an –, mais si on peut l’éviter, c’est mieux. Deuxième raison, la plus forte à mon avis : beaucoup d’ados ont malheureusement souffert et souffrent parce que leur fréquentation scolaire a diminué. Certains ont décroché, d’autres développent des troubles psychiatriques.

Et sur la vaccination obligatoire ? Emmanuel Macron a répondu « pas à ce stade »…

Il faut continuer le travail pour entraîner l’adhésion. On a beaucoup progressé. Aujourd’hui, les personnes hésitantes ou réfractaires sont de l’ordre de 20 %. On était à 50 % il y a quatre mois. Par l’effet d’entraînement, la vaccination devient une norme.

Mais il reste des gens qui ne veulent pas être vaccinés. Le premier travail, c’est d’expliquer à tout le monde, et aux jeunes en particulier, qu’ils doivent le faire : c’est dans leur intérêt pour recouvrer une vie normale. Le pass sanitaire sera aussi incitatif.

L’autre point d’effort, c’est aller vers les populations qui veulent, mais ne peuvent pas. On voit qu’il y a une fraction des plus de 80 ans, qui sont chez elles, qui ont du mal à se déplacer et il faut aller vers elles. Mais c’est le cas aussi de certains malades chroniques à risque comme les obèses, ceux atteints de maladies psychiatriques, de toxicomanies. Les personnes précaires, dans les foyers de migrants.

La vaccination obligatoire ne serait justifiée que si après tous ces efforts – ce qui nous amène à l’automne – on avait une couverture vaccinale insuffisante et une épidémie hors de contrôle. Ce serait un dernier recours.

Le docteur Alain Fischer dans le locaux de 20 Minutes le 3 juin 2021.

Silva, 36 ans : « Pourquoi au début, 70 % de personnes vaccinées était nécessaire pour atteindre l’immunité collective alors que maintenant, vous réclamez 90 % ? »

Parce que les nouveaux variants rendent la maladie plus contagieuse. Avec le virus initial, une personne malade en infectait 3. Avec le variant britannique, c’est 4, et l’indien au-delà. Donc aujourd’hui, il faudrait au minimum 75 % de la population tous âges confondus, donc 90 % des adultes, pour atteindre l’immunité collective.

« C’est irresponsable de croire que c’est « juste » une maladie de vieux »

Roberto, 52 ans : « Si les compagnies pharmaceutiques refusent de s’engager sur les effets secondaires, pourquoi devrais-je prendre un risque en prenant ce traitement expérimental alors que je ne fais pas partie de la population à risque ? »

Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’une industrie ne peut être poursuivie s’il y avait défaut. On a un recul de temps faible, c’est sûr, mais une quantité impressionnante avec des centaines de millions d’injections. Jamais un vaccin n’a été surveillé de façon aussi attentive. On n’observe pas de complications sérieuses. Excepté les thromboses avec AstraZeneca, qui sont très rares.

En revanche, le risque de la maladie est connu, les décès, les hospitalisations, les Covid long… C’est une maladie qui empoisonne la vie de tout le monde. La grande majorité des personnes hospitalisées en soins intensifs actuellement ont moins de 70 ans et il y a des moins de 50 ans en réa. C’est irresponsable de croire que c’est « juste » une maladie de vieux…

Sébastien, 40 ans : « Que savez-vous des effets secondaires à moyen ou long termes concernant les vaccins à ARN messager ? »

Avec les vaccins en général, quand il y a des effets indésirables, ils sont immédiats. Pas six mois, un an après. Des choses ont été prétendues, mais inexactes. Par exemple, les complications liées à l’adjuvant aluminium [il n’y a pas d’adjuvant dans les vaccins à ARN messager]. L’ARN sert à faire fabriquer la protéine et est dégradé en trois jours. Il n’est pas susceptible de provoquer des problèmes particuliers.

Cela fait plusieurs années que des personnes qui ont des cancers reçoivent des vaccins à ARN messager. Par ailleurs, on utilise l’ARN pour traiter certaines maladies rares. Dans ce cas-là, ces patients reçoivent des doses d’ARN 5.000 fois supérieures à la dose d’ARN des vaccins… et tous les mois. C’est une fantastique avancée scientifique grâce à laquelle on va sortir de la pandémie.

Armelle, 66 ans : « Pourquoi les chiffres concernant les cas de Covid après vaccination ne sont-ils pas rendus publics ? »

Cela sous-entend qu’on cache des choses. On sait que le début de la protection commence deux semaines après la première dose. C’est sûr et certain qu’il y a des cas pendant cette période. Ce n’est pas suivi jour après jour, mais ces quelques cas ne remettent pas en cause l’efficacité des vaccins.

Source 20 MINUTES.

 

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