A la SNCF, un accord sur le handicap très pragmatique…

L’accord collectif signé en janvier à la SNCF, en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap, veut lever un par un tous les obstacles à leur plus grande présence dans toutes les sociétés du groupe.

A la SNCF, un accord sur le handicap très pragmatique

 

C’est une critique récurrente des syndicats : le dialogue social débouche sur de beaux accords, qui ne sont pas réellement mis en place, faute d’irriguer les différents échelons de l’entreprise et d’appropriation par les managers. C’est avec ce souci d’efficacité que la direction de la SNCF et trois (CFDT, UNSA, Sud-Rail) de ses quatre organisations syndicales (sans la CGT) ont signé le 10 janvier le neuvième accord du groupe « en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés ». La SNCF, précurseure, avait signé le premier en 1992.

Le groupe n’a pas à rougir de ses indicateurs : 5,18% de personnes en situation de handicap dans l’effectif, 2% des recrutements en 2021 (1,4% en 2017), soit environ 80 personnes. Mais les situations sont contrastées selon ses sociétés. Depuis la dernière réorganisation, elles sont au nombre de cinq : la maison mère nationale SNCF, à laquelle sont rattachées quatre filiales directes (SNCF Réseau, SNCF Voyageurs, SNCF Gares et Connexions, Fret SNCF).

« Sur les métiers très opérationnels du fret, où le travail est plus physique, parfois de nuit, le taux de recrutement de travailleurs handicapés est de 1,9%, alors qu’il est de 2,4% pour Gares et Connexions, de 2,3% pour SNCF, à qui nous demandons des efforts plus importants », explique le directeur général des ressources humaines, François Nogué. L’objectif n’est pas d’atteindre 6% des effectifs dans chaque société, mais 6% au niveau du groupe, en s’attaquant de façon très opérationnelle à chaque obstacle. « Le principal progrès apporté par cet accord ne concerne pas ses objectifs, mais les moyens qu’on se donne pour les atteindre », analyse le DRH.

Un sujet porté au plus haut de l’entreprise

Premier grand changement : le sujet du handicap est désormais porté au plus haut, par la direction générale du groupe et son DRH. Chacune des cinq sociétés va être dotée de sa propre feuille de route d’ici à l’été, avec des objectifs à atteindre en matière de taux d’emploi, de recrutement, d’accueil d’alternants, d’aménagements de postes, de formation des managers, RH… Ces indicateurs seront présentés chaque année à la direction générale.

« C’est le point le plus important de l’accord : on n’attend pas trois ans, durée de l’accord, pour corriger les trajectoires, souligne Ali Benhadjba, secrétaire régional CFDT Cheminots Pays de la Loire, en charge du suivi du dossier Handicap pour la CFDT. Et le sujet sort de la confidentialité des RH pour engager toute l’entreprise. Les comités de suivi, où les acteurs RH dressaient un constat, sont remplacés par des comités de pilotage, dans lesquels seront présents les décisionnaires. C’est beaucoup plus engageant… » Pour que les indicateurs soient à la hausse, les référents handicap seront tous formés, un audit sur les processus de recrutement devra identifier les biais, les aménagements de poste devront être plus nombreux… L’accord prévoit 18 indicateurs.

Encourager les déclarations de situations de handicap

Deuxième grand chantier : pour atteindre les 6% de travailleurs en situation de handicap dans le groupe, au-delà des actions prévues sur les recrutements, l’accord veut inciter ceux qui ne sont pas déclarés à leur employeur, à le faire. « Parmi les porteurs d’un handicap invisible, beaucoup ne veulent pas le dire, note le représentant CFDT. L’accord prévoit de mettre en place plusieurs niveaux de confidentialité. Nous avons besoin d’approfondir ce point juridiquement, pour être sûrs qu’il n’y aura pas de discriminations entre ceux qui ne parlent de leur handicap qu’aux RH et ceux qui en informent tout le monde. »

L’accord renforce l’intérêt des salariés à déclarer leur handicap, par un accompagnement renforcé. Une étude menée auprès de 6 500 d’entre eux avant le début des négociations avait montré que 46% ressentaient leur handicap comme un frein à leur évolution professionnelle. L’accord prévoit un audit sur les évolutions de carrière des travailleurs handicapés, avec l’engagement ferme de la direction à compenser intégralement les éventuels écarts de salaire. « C’est une grande avancée, qui peut convaincre les personnes de se déclarer », estime Ali Benhadjba. Le nombre de jours de congés accordé pour faire les démarches administratives passe de deux à trois. Les salariés en situation de handicap, s’ils télétravaillent, bénéficieront d’un aménagement de poste à domicile.

Remettre l’individu au coeur des organisations

Enfin, les syndicats se sont battus et ont obtenu que tout projet de réorganisation des entreprises comporte un volet handicap. « La SNCF se transforme beaucoup. Les postes sont de plus en plus élargis et certaines personnes en situation de handicap ont du mal à les occuper, détaille Ali Benhadjba. Des managers affirment qu’ils ne peuvent plus garder certaines personnes et s’en débarrassent par des systèmes de quasi pré-retraite. Ce n’est plus possible. C’est une solution de facilité, il y en a d’autres. » Une commission de maintien dans l’emploi devra rechercher une solution pour reclassement pour tout salarié en situation de handicap qui serait déclaré en situation d’inaptitude.

Cet accord sur le handicap, signé après un accord sur la mixité intervenu en novembre, montre l’implication de la SNCF sur les sujets sociétaux dans l’entreprise. « Nous sommes en train de lancer un programme transverse, « SNCF et moi », qui met le salarié, l’individu et son vécu, au cœur des organisations. Avec dix chantiers opérationnels, qui prennent en compte la famille, l’environnement de travail, la carrière, les engagements sociétaux… conclut François Nogué. Dans un environnement percuté par les crises, les individus ont besoin de protection et de restauration de la confiance. Dans l’entreprise comme dans la société. »

Source L’USINE NOUVELLE.

 

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