Strasbourg – Se mettre dans la peau d’un sourd grâce à un jeu en ligne…

L’association strasbourgeoise Adèle de Glaubitz lance un jeu interactif pour faire comprendre au grand public les vraies difficultés des personnes sourdes et malentendantes.

« Entendons-nous bien ! » va vous surprendre.

Une première en France qui vise à améliorer la vie des sourds.

Le tournage a eu lieu en octobre 2020.

 

« Anatole, tu vas prendre le poste à côté de la scie. C’est bruyant, mais tu ne devrais pas être gêné puisque tu n’entends pas ». Anatole, le personnage principal du serious game « Entendons-nous bien ! » fait ses premiers pas dans une entreprise. Et voilà déjà un a priori : les sourds ne seraient pas gênés par le bruit. Le chef d’équipe qui lui lance cette remarque n’a pas l’intention de faire de l’humour. Il ignore simplement la réalité du quotidien d’une personne dépourvue de l’audition. Comme la plupart d’entre nous. Or les oreilles des sourds et des malentendants sont particulièrement fragiles et il est primordial les protéger. C’est sur ce genre de situations concrètes que s’appuie « Entendons-nous bien ! » pour les analyser et y remédier.

Les courtes vidéos s’enchaînent et sont suivies de quizz décalés et surprenants. Nous suivons Anatole en cours, en entreprise, à la pause déjeuner et lors d’une soirée entre amis. Dans chaque situation, des préjugés sont mis en évidence. Les camarades d’Anatole lui parlent fort, articulent exagérément, ou encore lui tournent le dos pendant une conversation. Chaque fois, plusieurs « solutions » sont proposées à l’internaute pour corriger la situation, faciliter la vie d’Anatole. Son visage vous est d’ailleurs peut-être familier. Anatole est joué par le comédien Luca Gelberg, qui campait le frère de Louane dans La famille Bélier.

La surdité, ça ne se voit pas

Etienne Haegel, directeur adjoint du pôle sensoriel à l’association Adèle de Glaubitz

Le jeu est en ligne depuis quelques jours, mais il a fallu des années pour le réaliser. Un travail énorme à l’initiative des professionnels entendants et non-entendants du Centre Auguste Jacoutôt de l’Association Adèle de Glaubitz de Strasbourg. Cet établissement accueille des enfants et adolescents souffrant de déficiences auditives. « Nous avons cherché un support de communication, et comme on n’en trouvait pas, on a eu l’idée de le faire nous-même ».

Car la surdité pâtit d’un déficit de communication. « La surdité, ça ne se voit pas. Ou pas trop. » explique Etienne Haegel, directeur adjoint du pôle sensoriel à l’association Adèle de Glaubitz. « Les sourds n’ont pas une canne blanche, ne se cognent pas aux chaises sur les terrasses, ils sont souriants, personne ne voit qu’ils sont sourds. Et pour un entendant, c’est très difficile de s’imaginer ce que vit une personne sourde. C’est pour ça que chaque séquence est suivie de la vidéo vue d’Anatole ».

Parmi les quatre situations mises en scène, une soirée entre amis

Parmi les quatre situations mises en scène, une soirée entre amis

La même scène, vécue du point de vue de la personne sourde

La même scène, vécue du point de vue de la personne sourde

Les préjugés sont très fréquents dans le domaine de la surdité : « on pense par exemple que tous les sourds parlent la langue des signes, ce qui est complètement faux » poursuit Etienne Haegel. Il y a de nombreux degrés de surdité, de multiples réalités. Et en sensibilisant le grand public, le serious game vise à améliorer la communication. « Il faut s’imaginer que quand je dis la phrase : « Je pose un bol sur la table », en langue des signes on traduira par : « table, bol, poser ». Ce qui induit qu’on ne dit pas exactement la même chose, mentalement, ce n’est la même représentation. A partir de là, on imagine les écarts de communication qu’il peut y avoir entre une personne entendante et un non-entendant. C’est très important de pouvoir communiquer. La langue c’est le contact avec l’autre, sinon on s’isole. »

Plus généralement, mieux connaître ce handicap doit permettre de mieux se comporter face aux personnes qui en sont atteintes. Et elles sont très nombreuses. En France, 10 millions de personnes souffriraient de surdité. Un phénomène qui s’aggrave avec l’âge. À 50 ans, 1 personne sur 5 a au moins de légères difficultés auditives, à 80 ans il s’agit d’1 personne sur 2. Sans parler des pertes d’audition liées aux environnements ou appareils bruyants. Le problème est irréversible. Les appareils auditifs sont facturés au minimum 2.000 euros par oreille.

Libre de droit

« Entendons-nous bien ! » commence à circuler sur les réseaux. Et déjà les premiers retours sont positifs. La réalisation de la vidéo a coûté environ 80.000 euros mais elle est librement consultable et utilisable. Les établissements scolaires, les entreprises désireuses d’intégrer une personne déficiente auditive, chacun est libre de s’en servir. Des établissements du Québec et du Canada n’ont pas attendu pour solliciter l’association à ce sujet.

Alors que faire en présence d’une personne sourde ? « La première chose, c’est de lui demander comment elle veut communiquer. A l’écrit ? A l’oral ? Surtout, il faut établir le contact, ne pas être angoissé parce que la personne en face de vous est sourde », répond Etienne Haegel. Et pourquoi pas commencer en testant le serious game en ligne, pour lequel il y a fort à parier que vous ferez aussi des erreurs. Où proposerez-vous d’installer Anatole quand il arrive en cours ? Au premier rang ? Les bonnes réponses ne sont pas si évidentes. Pour les découvrir, et surtout mieux connaître les difficultés des personnes sourdes, rendez-vous sur Entendons-nous bien !

Source FR3.

 

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