Scandale ! Envoyé spécial” sur les EHPAD : le groupe Orpéa a tenté en vain d’interdire la diffusion de l’enquête…

Jusqu’au bout, le groupe Orpéa aura tenté de bloquer la diffusion d’un reportage d’“Envoyé spécial” consacré aux EHPAD, “Maison de retraite : derrière la façade”.

En vain, le tribunal a jugé jeudi dernier qu’il n’y avait pas matière à une telle interdiction. Réaction à chaud de la journaliste Julie Pichot, qui signe une enquête aussi dure et édifiante que nécessaire.

“Envoyé spécial” sur les EHPAD : le groupe Orpéa a tenté en vain d’interdire la diffusion de l’enquête

La journaliste Julie Pichot signe, ce 20 septembre au soir dans Envoyé spécial, une enquête édifiante, “Maison de retraite : derrière la façade”, tournée dans des EHPAD (Etablissements d’hébergement pour personnes âgées) du secteur privé. Craignant sans doute que le film ne porte atteinte à son image, un des deux plus grands groupes de propriétaires et gestionnaires de maisons de retraite, Orpéa, a tenté de bloquer la diffusion du film quelques heures avant qu’il ne soit mis à l’antenne. En vain, le tribunal de grand instance de Nanterre a jugé ce jeudi à 14h00 qu’il n’y avait pas lieu à référé. L’enquête d’Envoyé spécial sera bien diffusée. Réactions à chaud de Julie Pichot.

Vous attendiez-vous à une telle offensive d’Orpéa ? 
Honnêtement, je suis étonnée qu’on en soit arrivé à un référé qui demande l’interdiction du film. Nous recevons de temps en temps des référés, mais en général, les entreprises demandent à diffuser un communiqué avant ou après le film, ou à visionner une séquence pour tenter d’en obtenir le floutage ou de la faire enlever, ou encore d’en modérer les propos. Mais, demander l’interdiction intégrale de la diffusion, c’est assez extrême.

“Cela prouve que la liberté de la presse et d’informer reste un droit fondamental en France”

Etes-vous satisfaite de la décision du tribunal ? 
A la fois satisfaite et très rassurée. On a mené une enquête solide, malgré les pressions. Cela prouve que la liberté de la presse et d’informer reste un droit fondamental en France.

Vous avez débuté votre enquête il y a quatre mois, comment s’est-elle déroulée ?
Les portes se sont assez vite fermées. Nous avions demandé aux groupes Orpéa et Korian des autorisations de tournage dans leurs établissements. Nous étions très ouverts puisque nous avons proposé à Orpéa de tourner dans n’importe lequel de leurs trois cent cinquante-sept structures.
Leur réponse a été négative comme celle d’ailleurs du groupe Korian alors même que nous étions prêts à tourner dans un établissement de leur choix, y compris dans ceux considérés comme « modèles ». J’ai trouvé leur position très regrettable.
Nous nous sommes par ailleurs invités aux assemblées générales des actionnaires des deux groupes [la société de production a acquis des actions de ces sociétés cotées en bourse, ndlr]. Comme le montre le film, nous en avons profité pour interpeller les dirigeants à la fois en tant qu’actionnaires mais aussi bien sûr comme journalistes.

“Un côté lavage de cerveau…”

Vous avez contourné cette interdiction de filmer, en confiant des téléphones à du personnel et à des familles pour tourner en caméra discrète. On sent chez tous la crainte de s’exprimer ouvertement… 
Tous les aides-soignants, médecins et infirmiers que j’ai pu rencontrer avaient effectivement très peur de témoigner. Il en allait déjà de même lors de mon enquête sur l’hôpital public [diffusé en septembre 2017 dans Envoyé spécial, ndlr]. On met une pression monstre sur le personnel des EHPAD. L’encadrement leur répète que « nous sommes là pour montrer le mauvais coté des choses, qu’il ne faut pas écouter ce que dit la presse ». Une aide-soignante a évoqué, je cite ses mots, « un côté lavage de cerveau » pour dissuader le personnel de s’exprimer.
Je pense, pour ma part, le contraire : il y a un intérêt public à réaliser ce sujet. On a essayé d’être justes et équilibrés dans ce qu’on montrait. Il y a certes des séquences et des images dures, mais c’est important de rappeler que cela ne se passe pas ainsi partout, comme on le voit à la fin du film, dans un EHPAD privé associatif de Nancy : un autre modèle organisationnel est possible ; plus de bienveillance à l’égard des résidents aussi.

Et du côté des familles ?  
Leurs réactions m’ont vraiment étonnée. Elles sont tétanisées à l’idée de parler quand leurs proches sont encore dans les EHPAD. Elles craignent des répercussions, voire des représailles sur eux. J’ai cherché des groupes de familles qui se révoltaient un peu et, là encore, je n’en ai pas trouvé beaucoup. En fait, les familles ne sont réellement prêtes à parler que lorsque leur parent est décédé. C’est plus facile pour eux.

Source TELERAMA.

Pour marque-pages : Permaliens.