Handicap : « On ne sait pas ce que vous vivez au quotidien »…

Mercredi 9 mars, en France, des dizaines de milliers de personnes en situation de handicap ont manifesté colère et amertume, se sentant un public invisible aux yeux des responsables politiques.

Les pavés de la ville du Puy. Autant d'obstacles pour les PMR.

 

Au Puy-en-Velay, une dizaine d’entre eux ont invité les pouvoirs publics à se rendre compte des difficultés à se mouvoir dans la belle cité ponote avec un fauteuil roulant.

« Pour que nos voix comptent ! ». Ainsi commence le tract de l’APF (France Handicap) que l’antenne altiligérienne partage aux personnes présentes dans la Cité Négocia, ce mercredi 9 mars. « Les candidates et les candidats à l’élection présidentielle ne peuvent ignorer les préoccupations des 12 millions de personnes en situation de handicap et de 11 millions de proches aidants. Autant de voix qui comptent ! », est-il encore mentionné.

« La priorité est l’anticipation »

À l’échelle du Puy-en-Velay, ils sont alors une petite dizaine de personnes à mobilité réduite (PMR), certains sur des fauteuils roulants électriques, d’autres en version manuelles et d’autres encore accompagnés de labradors aussi dociles que dévoués à leur maître. Également présents, Michel Chapuis, maire de la ville, aux côtés de son adjoint Jean-François Exbrayat et du conseiller municipal Quentin Petit.

Le député Jean-Pierre Vigier résume en une phrase la préoccupation de ces gens assis en face de lui. « On ne sait pas ce que vous vivez au quotidien, concède-t-il. La priorité est l’anticipation. Anticiper, à chaque fois qu’il y a des projets d’aménagement et de rénovation dans une ville, une accessibilité totale pour vous tous ».

À leur façon, ils manifestent leur sentiment de passer pour des citoyens de seconde zone.

Huit circuits dans la ville du Puy pour tester l’accessibilité

Pour que les élus prennent conscience des difficultés quotidiennes que les bien-portants ignorent, l’APF France Handicap 43 et l’association UnisCité de Haute-Loire ont alors organisé une opération de testing. « Nous avons pré-établi huit circuits différents à travers la ville, explique Raphaël Venet, Directeur territorial Cantal, Loire, Haute-Loire de l’APF France Handicap. Des groupes, constitués de jeunes en service civique à UnisCité et des personnes en situation de handicap effectueront des visites de lieux accueillant du public au Puy en Velay sur ces tracés-là ».

Ces visites permettront de constater le degré d’accessibilité et de renseigner ensuite sur une plateforme collaborative les informations pratiques et détaillées (jaccede.com).

« Les efforts qui ont été faits ne sont pas suffisants. Nous sommes loin d’avoir une mobilité aisée. Il faut clairement que les villes nous consultent pour savoir ce qui va et ce qui ne va pas ». Christine Canonge, Conseil administration APF France Handicap 43

Le journaliste de Zoomdici choisit de suivre le tracé de Quentin Petit, élu à la ville du Puy, jeune homme en situation de handicap. Jean-François Exbrayat l’accompagne ainsi que deux jeunes d’Unis Cité. Ces derniers sont équipés d’un formulaire pour noter les écueils rencontrés et lister tous les obstacles insoupçonnés que les PMR subissent. À noter que Quentin Petit est équipé, selon les termes de Jean-François Exbrayat, de la Rolls-Royce des fauteuils électriques dont le prix avoisine les 45 000 euros. Un équipement que beaucoup ne possèdent peut-être pas.

Quentin Petit, au début de la rue Porte Aiguière.

« Les chevalets des commerçants installés parfois n’importe comment »

Au départ de la Cité Négocia, Quentin Petit traverse sans difficulté le Breuil pour se rendre du côté des commerces. Il ne faut que quelques mètres dans la rue Porte Aiguière pour que déjà surgissent les premiers obstacles. « Un gros problème que rencontrent les personnes en fauteuil sont les chevalets des commerçants installés parfois n’importe comment », montre du doigt Jean-François Exbrayat. La grande ardoise d’une fromagerie barre littéralement l’accès, obligeant Quentin Petit à franchir le trottoir au risque de se faire percuter par un véhicule arrivant par l’arrière.

Pour contourner le chevalet, pas le choix que de passer sur la chaussée.

Pour contourner le chevalet, pas le choix que de passer sur la chaussée.  

« Le principal inconvénient du Puy est que c’est une cité historique avec beaucoup de pavés ! »

Le cortège traverse la rue pour jouxter l’Hôtel de ville. « Le principal inconvénient du Puy est que c’est une cité historique avec beaucoup de pavés !, indique Quentin Petit. Ce qui est loin d’être agréable en fauteuil roulant. Mais il est important de noter que les mises en plateau des rues ont grandement facilité la mobilité des PMR. »

Dans le cadre de cette opération testing, 80 commerces et structures diverses ont été sélectionnés pour justement tester leur accessibilité. La crêperie proche de la mairie en fait partie. « Vous voyez, il y a une toute petite marche qui paraît insignifiante, mentionne Jean-François Exbrayat. Mais pour une personne en fauteuil, cette marche de 5 centimètres est infranchissable ».

« Les bancs installés dans les villes ne sont pas accessibles pour nous. Ils sont beaucoup trop bas. Une fois assis dessus, il nous est impossible de se relever ». Christine Canonge, Conseil administration APF France Handicap 43

Jean-François Exbrayat discute avec les jeunes d'UnisCité.

« Normalement, les structures privées doivent suivre le public »

Si les établissements publics se doivent d’être aux normes pour accueillir tout le monde, la réglementation dans le privé est nettement plus nébuleuse. « Normalement, les structures privées doivent suivre le public, souligne Quentin Petit. Mais cette réglementation de 2005 a affolé tout le monde. Certains commerces au Puy, notamment dans la vieille ville, ne peuvent la respecter de par leur implantation. L’État produisait des dérogations en série car il était impossible pour beaucoup de faire les aménagements spécifiques ».

Il ajoute : « Soit les commerces étaient obligés de fermer boutique, soit on restreignait l’accès à ces commerces aux seuls valides. C’est le second choix qui a été admis ».

La porte de la mairie, un obstacle certain pour les PMR

Place à la mairie. Après un second supplice des pavés, Quentin Petit utilise sans problème les rampes qui mènent à la porte principale du bâtiment public. Mais devant la porte close, il reste impuissant. « L’ouverture ne possède pas un dispositif automatique, déplore-t-il. Il faut savoir que la porte de la mairie est classée et qu’il est donc difficile de la faire changer. Je pense qu’une simple sonnette pourrait suffire. » Selon lui, une fois ouverte, le seuil est facilement franchissable. À l’intérieur, l’accueil est à proximité et un ascenseur dessert l’ensemble des étages de la mairie.

Face à la porte de l'Hôtel de ville, Quentin doit attendre qu'un passant ouvre la porte.

« Il existe presque à chaque fois des trajets alternatifs pour se rendre où l’on veut »

Le parcours de l’opération testing continue en direction du Marché couvert, lieu où la mise en plateau globale va permettre, d’après Jean-François Exbrayat, l’accès au PMR à tous les commerces. Le conseiller municipal Quentin Petit admet que certaines choses ne pourront jamais changer au Puy-en-Velay. « La montée de la cathédrale restera impossible pour nous, c’est indéniable. Mais il existe presque à chaque fois des trajets alternatifs pour se rendre où l’on veut. » Il conclut en ce sens : « Il faut juste faire un gros travail de fléchage concernant ces chemins annexes et établir un plan précis de parcours adaptés ».

Les PMR sont aussi les malvoyants et les malentendants.

Source zoomdici.

 

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