Handicap: en entreprise, « l’absence d’aménagements est lourde de conséquences »….

Aménager les postes des travailleurs handicapés est rarement la priorité des employeurs. Pourtant, cette disparité de traitement n’est pas sans conséquence.

Emploi Handicap en Entreprise

Mardi, Sud-Rail annonçait avoir engagé une action de groupe contre la Sncf pour discrimination envers ses salariés handicapés. Parmi les points soulevés par le syndicat, des rémunérations et des marges de progression inférieures, mais aussi l’absence, pour un quart de ces salariés en situation de handicap, d’aménagement de leur poste malgré des besoins spécifiques.

L’aménagement de l’espace de travail, dicté par la loi de 2005 sur le handicap, est pourtant une obligation. Mais en dépit de la législation, de nombreux travailleurs peinent à obtenir les modifications qui leur permettraient d’exercer leur métier dans de bonnes conditions.

Un aménagement « cohérent »

Il y a quatre ans, lorsque Rachel a été recrutée au poste de responsable de rayon dans un magasin de vêtements de luxe, son employeur était au courant de sa condition médicale. « Je les ai informés de ma maladie dès le départ, à l’entretien d’embauche. Je tenais à être totalement transparente sur le sujet », se souvient-elle. Atteinte de spondylarthrite, de la maladie de Crohn et d’endométriose, la jeune femme indique à ses supérieurs que la station debout n’est pas tenable, dès sa prise de poste, afin que l’entreprise prenne des mesures.

« Selon la loi de 2005, l’entreprise doit mettre en place des aménagements raisonnables, c’est-à-dire cohérent avec la problématique de santé de la personne et avec un coût proportionné », explique Véronique Bustreel, conseillère nationale à l’Association des Paralysés de France (APF) en charge des questions d’emploi. Elle précise qu’une partie des aménagements peut être prise en charge par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (Agefiph).

Plaque braille, écran plus grand, siège ergonomique, bureau ajustable… « Il est de la responsabilité de l’employeur qui recrute ou maintient une personne en situation de handicap de s’assurer que la personne peut travailler dans des conditions de sécurité et de santé optimales. »

Équipé pour une centaine d’euros

Lorsqu’il est arrivé dans son entreprise, Antoine -qui est en fauteuil roulant électrique et dont la mobilité des mains est réduite- a demandé « les mêmes choses qu’à la maison ». « Une souris d’ordinateur sensible, une tablette ajustable pour poser mon bras, un casque sans fil avec micro pour prendre les appels et un chauffage de bureau », détaille l’ingénieur, qui chiffre à une centaine d’euros l’ensemble de ces éléments.

Pour Rachel, seul un tabouret adapté, pour soulager ses douleurs, est suffisant. Elle en formule donc la demande, que sa hiérarchie accepte, à condition qu’elle se débrouille pour l’amener sur son lieu de travail. « J’ai dû aller le chercher seule et le porter, malgré son poids, jusqu’à mon poste pendant un jour de congés, malgré les douleurs », regrette la jeune femme, finalement licenciée à la fin de sa période d’essai.

« Obtenir des aménagements de travail peut être très compliqué », remarque Véronique Bustreel. « Dans les entreprises, c’est à géométrie variable. Certaines sont très performantes pour mettre en place ces aménagements, alors que d’autres ne font tout simplement pas le travail ».

Payer des taxes plutôt que recruter des handicapés

Responsable du recrutement dans une grande entreprise de transporteur international, Chloé* a pris cette tâche très à coeur lorsqu’elle a engagé une personne en situation de handicap il y a deux mois. Et pour cause, c’était une première. « Il était très compétent et l’aménagement de son poste n’était pas très contraignant », raconte la responsable RH, dont les démarches ont été effectuées sous le contrôle de la médecine du travail et du Chsct de l’entreprise.

Mais son choix n’est pas du goût de sa supérieure, qui lui reproche l’embauche. « D’habitude, nous n’adaptons rien. Nous préférons ne pas recruter de personnel handicapé et payer des taxes Agefiph [contribution versée par les entreprises ne remplissant pas leur obligation d’emploi de travailleurs handicapés]. »

Selon les chiffres du ministère, un million de travailleurs sont en situation de handicap en France. Mais peu d’aménagement sont rapportés, estime Véronique Bustreel. « Soit la majorité de ces personnes n’ont pas de demandes particulières, soit on omet de faire ces aménagements », analyse la spécialiste. « Je pense surtout que les délais sont très importants et que les discussions à ce sujet ne sont que rarement approfondies dans les entreprises. »

Des « disparités de traitement »

Sur le long-terme, cette absence d’aménagements est pourtant lourde de conséquences. De ces mauvaises conditions de vie au travail découlent une performance et une productivité moindres, ce qui influence l’évolution de carrière. « Les employés n’ont donc pas de promotion ou d’augmentation », lorsqu’ils ne perdent pas tout simplement leur emploi. « Cela mène à des disparités de traitement, donc à une iniquité dans la carrière », résume la responsable de l’APF.

Pour y remédier, l’employé peut saisir de lui-même de saisir le médecin du travail pour qu’il évalue les besoins et justifie les demandes. Mais si les requêtes n’aboutissent pas, il appartient aussi aux représentants du personnel de s’en saisir, comme l’a fait Sud-Rail à la Sncf. « En dernier recours, les personnes peuvent toujours formuler une réclamation au Défenseur des droits« , suggère Véronique Bustreel. « Le handicap est le deuxième motif de réclamation qu’il reçoit et, souvent, cela concerne ces discriminations indirectes. »

* Le prénom a été modifié

Source L’EXPRESS.

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