ENTRETIEN. Handicap : « L’équité n’est pas négociable »….

Pour Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, l’égalité des droits et l’équité territoriale sont des priorités. Même si la crise sanitaire complique tout.

Sophie Cluzel. Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées.

Le Comité interministériel du handicap se tient ce lundi 16 novembre à Matignon, alors que débute la Semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées.

Un baromètre des Maisons départementales du handicap (MDPH) a été mis en ligne mi-octobre. Pourquoi le temps de traitement des dossiers varie-t-il du simple au triple ?

L’équité de réponse sur tout le territoire est un de mes sujets phares, et c’est une politique copartagée avec les départements. À la création des MDPH, en 2005, ce n’est pas le choix d’un système d’information unique qui a été fait, l’autonomie des politiques informatiques des Départements étant à l’époque privilégiée. Quinze ans ont été perdus. Quand je suis arrivée en 2017, j’ai voulu accélérer l’harmonisation. Le travail réalisé en concertation avec l’Assemblée des Départements de France a permis d’aboutir à une pleine transparence, avec notamment la publication de ce baromètre permettant d’évaluer les progressions de chaque MDPH, avec toujours l’appui de l’État.

L’objectif d’une équité en 2022 est-elle tenable ?

Malgré la crise sanitaire actuelle, l’équité territoriale n’est pas négociable. L’objectif est de descendre un délai maximum de trois mois partout sur le territoire pour l’attribution de l’AAH (Allocation adulte handicapé) et quatre mois pour les autres attributions

Le Comité interministériel du handicap doit-il valider de nouveaux droits ?

Il est très important que les personnes handicapées puissent être considérées comme des citoyens à part entière. Jusqu’à présent, on pouvait avoir de l’aide pour un enfant handicapé, mais pas en tant que parent handicapé. Nous allons accompagner la parentalité, avec un élargissement de la prestation compensatoire du handicap. Un exemple : Je ne peux pas porter mon bébé et lui faire prendre son bain. À partir du 1er janvier, il sera possible de bénéficier d’une assistance humaine mais aussi d’aides techniques parfois coûteuses, comme des tables à langer basculantes.

Un rapport sur les aides techniques vous a été remis fin octobre, que va-t-il changer ?

Depuis plus de vingt ans, la liste d’aides techniques n’avait pas évolué ! Nous prenons très bien en charge des équipements complètement obsolètes et pas forcément très utiles. Les fauteuils roulants manuels sont bien remboursés, alors qu’il y a des restes à charge très importants sur les fauteuils roulants électriques !

Je veux revoir en profondeur cette liste et sécuriser les remboursements d’aides techniques véritablement utiles pour les besoins des personnes en situation de handicap. Et en même temps il s’agit de pouvoir développer l’axe de l’économie circulaire, c’est-à-dire pouvoir réparer, reconditionner certaines aides techniques. Les citoyens sont très en attente sur ce sujet.

En quoi consiste l’habitat inclusif que vous comptez développer ?

Il faut une individualisation de l’accompagnement pour permettre la vie en société, le vivre ensemble. J’ai une fille trisomique qui a 25 ans. Elle est en train de créer avec six autres personnes un habitat collectif partagé. Ces jeunes peuvent tout à fait vivre chez eux, en colocation mais avec une gouvernance d’animation ou parfois d’encadrement.

Nous allons tester sur dix-huit mois, avec les Départements, l’octroi d’une aide individuelle à la vie partagée pour ouvrir ces solutions d’habitat. C’est une révolution dans la façon de considérer la capacité de la personne à pouvoir choisir, à pouvoir agir.

La crise a été l’occasion du déploiement du numéro d’urgence 0800 360 360. Quel bilan en tirez-vous ?

À la sortie du confinement, il était capital de trouver des solutions d’accès aux soins, car il y avait eu durant la première vague de Covid-19 des interruptions dans l’accompagnement ; mais aussi pour gérer les besoins de répit des aidants car, à l’époque, de nombreux établissements avaient été fermés. Et il y a toujours une importante demande d’information. Dès l’annonce du deuxième confinement, en deux jours, les appels sont passés de 50 à 500 par jour.

La situation est différente car le deuxième confinement n’implique aucune fermeture de structures. Mais il reste toujours des problématiques d’accompagnement et d’accès aux soins. Ce numéro va se déployer sur tout le territoire (il l’est déjà sur soixante-quinze départements) d’ici à la fin de l’année. Au-delà d’un numéro, c’est une méthode de travail. L’engagement est de trouver des solutions de proximité en faisant mieux travailler ensemble tous les acteurs.

Dans quelle mesure, la crise sanitaire et économique met-elle en danger l’emploi des personnes handicapées ?

Nous lançons ce lundi 16 novembre après-midi la semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées. Le risque est qu’elles soient les premières victimes de la crise économique. Dans le plan de relance, 100 millions sont fléchés : l’aide de 4 000 € à l’embauche d’un salarié handicapé sans limite d’âge, les 8 000 € de bonification pour un contrat d’apprentissage, l’emploi accompagné avec 15 millions spécifiquement dédiés…

En ces temps de crise, les entreprises peuvent faire appel à un accompagnement s’il y a des difficultés avec un salarié en situation de handicap. Mais il est extrêmement important de faire tomber les préjugés. Handicap ne signifie pas vulnérabilité.

Source OUEST FRANCE.

Pour marque-pages : Permaliens.