Covid-19 et salles de sport : «Beaucoup d’adhérents font des attestations maquillées»….

Pour pouvoir rouvrir, des clubs de fitness rallument la lumière et les machines pour les porteurs d’une prescription médicale.

Mais cette pratique, entre service rendu et opportunisme, divise la profession.

Près de 300 salles de sport auraient déjà déposé le bilan malgré les aides de l'Etat.

 

Le 2 décembre, Serge Vermeulen a rouvert sa salle de sport, franchisée Fitness Park, à Tarbes. Le groupe aux 240 clubs a passé un accord avec ses licenciés de marque pour leur permettre d’accueillir les abonnés disposant d’une ordonnance médicale pour « activité physique adaptée ». Le club L’Usine, trois salles sélectes à Paris, avait ouvert la brèche mi-octobre en rouvrant son adresse de l’Opéra, suivi par Club Med Gym. Mesure de santé publique ou tentative de la dernière chance pour des entreprises asphyxiées ?

Selon le syndicat FranceActive, de 15 à 20 % des 4.500 salles de fitness (41.000 salariés) seraient déjà en cessation de paiements. Dans le lot, beaucoup d’indépendants ou des petits réseaux, comme Freeness, qui emploie 70 personnes. Selon l’organisation interprofessionnelle Union Sport & Cycle, près de 300 salles ont déposé le bilan au cours des derniers mois.

Une étude menée fin octobre par FranceActive auprès des adhérents affirmait que 60 % disposaient de deux à trois mois de trésorerie.« La promesse d’une catastrophe annoncée, en 2021 », alerte le président Thierry Doll. Malgré les prêts garantis, le Fonds de solidarité – des discussions sont en cours pour en faciliter l’accès -, l’activité partielle… les dégâts sont considérables. En 2020, le syndicat estime la perte de chiffre d’affaires du secteur, fermé six mois, à 50 %, soit 1,3 au lieu de 2,6 milliards d’euros.

Coachs diplômés

A Tarbes, Serge Vermeulen a recommencé à recevoir les jeunes résidents trisomiques de l’institut médico-éducatif Les Hirondelles, public prioritaire. « Avec l’électricité et le chauffage, cela m’occasionne plus de frais que de bénéfices, mais je ne pouvais plus rester les bras croisés. » Il enregistre « une vingtaine de passages par jour » de porteurs d’ordonnance, se reposant sur la responsabilité des médecins face au risque de certificats de complaisance. « J’enregistre tous les justificatifs, en cas de contrôle par la police. » Déjà deux en une semaine.

L’Usine n’en a pas eu. « On est juridiquement droit dans nos bottes », affirme son directeur et cofondateur Patrick Rizzo, même s’il accueille au-delà des « affections de longue durée » (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires et rhumatologiques…). A 80 %, il s’agit de rééducation d’une épaule, d’un genou ou de lombaires douloureuses – avec ordonnance. « On est le meilleur médicament et on nous aligne sur les bars, c’est scandaleux », fulmine-t-il, cumulant « 195 jours de fermeture » malgré 45.000 euros de factures pour l’installation de Plexiglas et autres mesures sanitaires.

Mais l’ouverture pour motif médical n’est pas à la portée de toutes les salles de sport, « qui doivent impérativement disposer de coachs diplômés », met en garde Patrick Rizzo. « C’est le pénal qui m’attend si je suis pris en défaut », dit-il. Sur ses 4.000 abonnés, il en a retrouvé 500, plus 200 nouveaux inscrits.

Ces réouvertures pour motif médical font grincer des dents chez FranceActive, qui craint des dérives avec « des salles trop pleines » et la concurrence déloyale. « Cela doit rester strictement dans le cadre des affections de longue durée », plaide Thierry Doll. La chaîne l’Appart Fitness a préféré s’abstenir sur cette pratique jugée « borderline ».

Barnum chauffé

Pour les salles de sport, il est vital de maintenir le lien avec les abonnés. Si elles ont généralisé les séances en ligne, Philippe Leroy, propriétaire du Loft à Rueil-Malmaison, a prêté, lui, du matériel à quelque 200 adhérents pour fidéliser la clientèle. Fin septembre, il faisait partie de ceux qui avaient poursuivi leurs cours en extérieur. « J’ai installé un barnum éclairé et chauffé sur la terrasse. » Mais il faudrait des directives spécifiques pour pouvoir reprendre cette pratique sur les parkings des établissements, qui posent des problèmes d’assurance.

« Après la crise, ce sont les gros qui vont ramasser les miettes. » Serge Vermeulen, lui, a abondé une cagnotte pour des confrères « qui ne peuvent même plus se payer un salaire et dorment dans leur salle ».

Source LES ECHOS.

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