Autisme : Reconnaître les «Asperger» n’est pas simple…!

D’une très grande intelligence, les autistes Asperger peuvent être mal diagnostiqués. Un phénomène mal vécu aussi bien par la personne atteinte que par sa famille.

 

Autisme : Reconnaître les «Asperger» n’est pas simple

 

Après plusieurs mois de consultations, le diagnostic tombe: Paul, âgé de 7 ans , souffre d’une dépression. Il est alors suivi pendant quatre ans par une pédopsychiatre de son secteur. Pendant ce temps, il multiplie les échecs à l’école. À la faveur d’une otite, il voit un jour une pédiatre qui propose de l’envoyer chez un confrère neuro-pédiatre pour un bilan psycho-neurologique. Après six mois d’attente, et ce bilan enfin effectué, la maman de Paul apprend que son fils est «autiste sans déficience intellectuelle» et devra, malgré l’inquiétude que cela suscite en elle, être «suivi» en CMP par la fameuse pédopsychiatre… qui n’avait rien détecté de cet ordre malgré des années de prise en charge! Jonathan a eu «moins de chance» que Paul. C’est après des décennies de mal-être, à l’âge adulte, et alors qu’il est professeur certifié d’histoire-géographie, que le diagnostic d’Asperger lui est enfin posé, dans un Centre de ressources autisme.

Reconnaissance trop tardive du handicap, mauvaises orientations, inadéquation des lieux de prise en charge, méconnaissance de l’autisme par les psychiatres «classiques»… C’est pour lutter contre ces dysfonctionnements sévères – puisqu’ils entraînent des situations dramatiques – qu’une association comme Actions pour l’autisme Asperger lutte (http://www.actionsautismeasperger.org).

Un syndrome difficile à diagnostiquer

Marie-Françoise Péré-Gaudio, l’une de ses présidentes, a enduré les conséquences de tels errements pour sa fille aînée, diagnostiquée à seulement 14 ans alors qu’elle voyait des psychiatres depuis ses premières années. «La France est très en retard, déplore-t-elle. J’ai même entendu un pédopsychiatre me dire: “Vous pensez que votre fille est autiste Asperger? Moi, l’autisme, je ne veux pas en entendre parler, je n’y connais rien!”» Et elle constate que sur ce plan de la formation des médecins, les connaissances n’ont guère avancé: «Seulement cinq lignes sont consacrées à l’autisme dans les cours des futurs internes! Pas étonnant que nous n’ayons pas encore les bons protocoles de diagnostic, celui-ci est confondu avec d’autres pathologies psychotiques par les éducateurs ou les soignants.»

Pour le Dr Patrick Landman, psychiatre et psychanalyste qui milite pour un rapprochement et un travail pluridisciplinaire entre les courants scientifiques et analytiques, cet autisme Asperger est, de par sa nature même, difficile à diagnostiquer. «Il s’agit d’un syndrome à géométrie variable, et on ne peut le délimiter de manière précise. Bien sûr, les thérapies comportementales se basent sur les comportements des personnes pour les évaluer, mais le repérage de leur structure de personnalité est aussi particulièrement important, sans parler de leur histoire. Toutes les approches doivent être mises en œuvre pour un tel diagnostic.»

C’est aussi qu’il n’y a pas «un» Asperger, mais à chaque Asperger une manière à lui de porter différents traits de ce handicap. «Les “stars” et témoins médiatisés comme Josef Schovanec, autiste mais aussi philosophe et globe-trotteur, ou Julie Dachez, auteur de la formidable bande dessinée La Différence invisible (Éd. Delcourt), vivent et nous rapportent cette forme d’autisme, ce “syndrome”, de manière unique, reconnaît Marie-Françoise Péré-Gaudio. Restent les chiffres: sur 600.000 autistes en France, la moitié serait Asperger, c’est-à-dire avec une intelligence moyenne ou supérieure à la moyenne. Or on en diagnostique seulement 20.000.»

Un manque de reconnaissance aux conséquences douloureuses

Cette carence n’est pas sans conséquences. D’abord pour les personnes Asperger elles-mêmes. Elles souffrent d’un déficit du «sens social» qui peut les mettre en danger. «Toutes sont comme sous-équipées pour communiquer avec les autres alors qu’elles en ont la volonté, explique Marie- Françoise Péré-Gaudio. Quand on ne comprend pas les mimiques du visage de son interlocuteur ni ses émotions, quand on ignore les codes relationnels, comment deviner si on est manipulé, entraîné dans une situation à risque ou pas?»

Non reconnus, les Asperger manquent cruellement d’outils pour vivre de manière autonome alors qu’ils ont les facultés intellectuelles pour y parvenir. Cela peut les conduire à des addictions, des tentatives de suicide, des emprisonnements… Et des drames familiaux que tous leurs proches aimeraient voir évités.

Le diagnostic de cette forme d’autisme a des effets paradoxalement libérateurs. «Il faut voir le soulagement de ceux à qui on a enfin expliqué de quel mal – d’origine multifactorielle avec une forte implication des facteurs génétiques – ils souffrent, témoigne Marie-Françoise Péré-Gaudio. Un ingénieur de 45 ans m’a dit: “Je suis enfin né.”»

Source LE FIGARO.

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