Alzheimer : et si tout partait du débit sanguin dans le cerveau ?…

Des chercheurs toulousains ont participé à la découverte d’une des premières manifestations de la maladie d’Alzheimer.

Leurs travaux reposent sur la modélisation de la circulation sanguine dans le cerveau. 

Sylvie Lorthois, Yohan Davit et Maxime Berg, à l'Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse, sont les co-auteurs de la recherche sur le rôle du débit sanguin cérébral dans la maladie d'Alzheimer./ DDM, N. Saint-Affre

Pour mieux comprendre le cerveau et les maladies qui l’affectent, il faut peut êtreparfois changer de point de vue. Notamment lorsqu’il s’agit de la maladie d’Alzheimer (900 000 personnes touchées en France) et pour laquelle il n’existe toujours pas de traitement.

À Toulouse, des chercheurs de l’Institut de Mécanique des Fluides (1), associés à une équipe américaine de l’université Cornell, se sont intéressés au lien entre le débit sanguin cérébral et le développement de la maladie d’Alzheimer. Leurs travaux ont bénéficié d’un soutien financier européen (ERC) d’un million d’euros pendant cinq ans et leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Neurosciences.

«Nous étudions, dans le corps humain, les mouvements des fluides qui permettent le transport et les échanges de toutes les molécules nécessaires à la vie. Le cerveau a la particularité d’avoir un réseau de distribution qui fonctionne en temps réel ; contrairement au muscle, il ne peut pas stocker de l’énergie. Il était intéressant de se demander si les vaisseaux sanguins jouent un rôle dans le développement de la maladie d’Alzheimer alors que cette maladie est classée depuis le début comme non vasculaire », explique Sylvie Lorthois, directrice de recherche CNRS à l’IMFT, responsable du groupe «milieux poreux et biologiques».

Lorsque les collègues américains observent, chez la souris, que certains globules blancs bouchent les vaisseaux sanguins du cerveau très tôt dans la maladie, l’équipe de Sylvie Lorthois est invitée à modéliser le phénomène. « Nous avons pu observer qu’en bouchant progressivement les vaisseaux, le débit sanguin décroît progressivement. L’effet est immédiat alors que, bien souvent en biomécanique, les anomalies ne sont pas visibles immédiatement. Nous avons fait les mêmes calculs sur le cerveau humain, avec les mêmes résultats de réduction du débit sanguin».

Un anticorps efficace

L’équipe américaine est alors allée plus loin. En administrant un anticorps dirigé contre les globules blancs qui bouchaient les vaisseaux sanguins du cerveau des souris, elle a observé une augmentation immédiate du débit sanguin et une amélioration des performances liées à la mémoire. La démonstration n’a pas été faite chez l’être humain où les observations sont plus compliquées. Mais ce lien entre un mécanisme biologique et les premières manifestations de la maladie – bien avant l’apparition des plaques d’amyloïdes sur lesquelles portent l’essentiel des recherches- ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques. «La simulation (modélisation) permet de guider l’expérimentation, d’utiliser moins de modèles animaux. C’est aussi une façon moderne de voir la biologie, d’observer des choses très fines», glisse Sylvie Lorthois.

(1) Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse (IMFT, CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier/INP Toulouse)

Source LA DEPÊCHE.

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