Accessibilité des plages : la Corse a encore des progrès à faire…

Poser sa serviette sur le sable et aller piquer une tête dans l’eau…

Si pour nombre d’entre nous, ces actions sont des plus anodines en été, elles peuvent être un vrai casse-tête pour les personnes en situation de handicap.

La faute à un trop petit nombre de plages accessibles pour tous.

Le tiralo sert à transporter les personnes à mobilité réduite jusqu'à la mer / © Christian Giugliano

En matière d’aide aux personnes à mobilité réduite, la commune de Lucciana fait figure de bon élève. Celle-ci fait en effet partie du club très fermé des plages corses équipées de dispositifs qui rendent la baignade accessible à tous. 

Une « obligation morale » pour Jean-Baptiste Zamboni, conseiller municipal de la ville. L’élu a à coeur d’appliquer un « même niveau d’égalité pour toutes les personnes, valides ou non« .

Ainsi, le parking de la plage dispose de plusieurs places handicapées, et en 2014 a été inauguré un poste de secours.

Si ce dernier n’a pas été pensé spécialement pour les personnes en situation de handicap, les secouristes seraient en mesure d’aider au déplacement des personnes à mobilité réduite (PMR) sur les étendues de sable comme dans l’eau.

Mieux encore, depuis 2016, les personnes en fauteuil roulant de passage à la plage de Lucciana peuvent utiliser un tiralo, dont le passage sur le sable est facilité grâce au tapis d’accès également installé. Ce fauteuil amphibie leur permet de se baigner en toute sécurité.

Une démarche encore marginale

Les installations représentent un budget conséquent pour Lucciana : environ 20 000 euros par an sont défrayés pour le bon maintien du poste de secours, et 15 000 euros ont été nécessaires pour l’achat du tiralo et du tapis d’accès.

L’investissement va de soi pour Jean-Baptiste Zamboni, qui précise que la ville a intégralement avancé les frais pour les équipements.

Et pour les communes qui voudraient suivre l’exemple, mais qui seraient en mal de budget, l’élu l’affirme, il y a des solutions : « On peut faire appel à des financements régionaux, voire même de l’Etat, contacter des associations, avoir des subventions… Il y a beaucoup de pistes existantes. »

Oui mais voilà, la démarche de Lucciana pour améliorer l’accessibilité de sa plage reste encore très marginale. 

En 2016, l’association Handiplage estimait que seulement 10% des plages françaises étaient équipées pour les PMR. Si la situation tend à s’améliorer – leur nombre a doublé depuis 2012 -, il reste encore de grands progrès à faire.

En Corse, elles ne sont qu’une poignée à jouer le jeu, au grand regret de Pierre-Louis Alessandri, président de l’antenne bastiaise de l’association des paralysés de France.

«  La Corse est une terre d’accueil touristique, mais elle ne pense pas suffisamment à l’accueil des personnes handicapées« , souffle-t-il.

Difficulté des recherches

Un point de vue que partage Marie, 23 ans. La jeune femme est atteinte d’une maladie articulaire, qui lui impose aujourd’hui de se déplacer en fauteuil roulant.

L’été dernier, elle accompagne sa famille passer quelques semaines de vacances à Bonifacio. Mais à la grande déception de cette dernière, elle ne trouve aucune plage adaptée pour son handicap.

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir cherché, assure Marie. « On demandait aux gens, et personne ne semblait au courant. Pire, ils avaient l’air de penser que c’était de la folie. Ce qui est fou, c’est plutôt que rien ne soit prévu pour les gens comme moi ! »

Marie garde un goût amer de l’expérience.

« C’est un problème que je rencontre souvent, et dans la vie de tous les jours, pas seulement en Corse. Mais à chaque fois, c’est dur. C’est comme si on me faisait comprendre que je ne suis pas la bienvenue.« 

Pourtant, si elles ne sont pas nombreuses, des plages accessibles pour Marie, il en existe bien.

Les plages de U Fanale (Propriano), de Trottel (Ajaccio) ou encore de l’Arinella (Bastia sud) ont par exemple toutes trois été récompensées du label « Handiplage », qui distingue les espaces suffisamment équipés pour l’accueil de personnes à mobilité réduite.

Quand on lui en parle, Marie s’étonne. « Je n’en ai entendu nulle part ! Pourtant, on a contacté des mairies. »

Manque de communication 

Marie n’est pas seule à dénoncer un manque de communication général sur l’accessibilité en Corse.

Maxime Jungling se déplace également en fauteuil roulant. Et pour planifier son voyage sur la terre de beauté, le touriste belge a d’abord cherché des informations du côté des sites d’offices de tourismes.

Sans succès. « On a dû se renseigner sur Internet, sur des blogs de personnes dans la même situation que moi. »

Comment faire, alors, pour améliorer la communication autour de dispositifs existants ?

Pour Eric Valery, fondateur de l’association Cap Corse Handicap, la solution viendrait peut-être d’un regroupement global des informations à échelle de la Corse : « Ce qui serait intéressant, c’est que chaque intercommunalité puisse recenser leur activité pour l’accessibilité, et le donne ensuite en information globale à l’agence du tourisme Corse. Elle pourrait ensuite diffuser l’information dans toute l’Europe. »

Avant de parvenir à en informer toute l’Europe, Jean-Baptiste Zamboni, élu de la plage de Lucciana, ne serait pas contre un peu de bouche-à-oreille à échelle départementale.

« Beaucoup de gens ignorent les dispositifs que nous avons mis en place. Et du coup des personnes concernées ne viennent pas forcément.« 

La plage de Lucciana ne dispose pour l’instant ni du label Handiplage, ni du Pavillon bleu – qui distingue également les plages accessibles -.

En cause, l’absence d’espaces sanitaires et de toilettes aux normes pour les PMR. « C’est en réflexion, promet Jean-Baptiste Zamboni. On aimerait bien les installer, mais ça demande du temps, il faut penser au budget, et réussir à coordoner tous les opérateurs pour tout mettre en place. Mais c’est quelque chose qu’on voudrait faire, évidemment. »

Accessibilité pour tous : que dit la loi ?

Plus qu’un acquit de conscience, l’accessibilité des lieux publics aux personnes à mobilité réduite est surtout obligatoire. La loi du 11 février 2005, également appelée « Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » indique ainsi que tout ERP (établissement recevant du public) doit être accessible depuis le 1er janvier 2015.

Et ce, y compris pour les personnes en situation de handicap, quel qu’en soit la nature.

En cas de non-respect de la loi, l’addition peut être salée : des sanctions jusqu’à 225 000 euros d’amende peuvent être appliqués, et l’établissement peut même être fermé sur décision judiciaire.

Dans le cas particulier des plages, chaque commune est libre de décider des dipositions qu’elle souhaite (ou non) mettre en place.

Source FRANCE 3.

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