Combien d’erreurs médicales chaque année en France ?…

Erreurs médicales : leur nombre est difficile à évaluer car elles ne sont pas toujours imputables à un médecin mais peuvent relever de la malchance.

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Dans son édition du 23 novembre, Le Parisien publiait un dossier sur les erreurs médicales, révélant que les chiffres sont minimisés et qu’une «omerta» entoure ce sujet épineux. En effet, selon le journal, «seuls» 1.153 cas d’événements indésirables graves liés aux soins ont été signalés depuis janvier par des professionnels de santé, alors que 60.000 personnes perdraient la vie chaque année en France des suites d’un accident médical. Mais ce chiffre n’est qu’une vague extrapolation, fruit de la somme de deux estimations: l’une faite par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’autre tirée d’un rapport du Sénat daté de 2013. En l’absence d’étude sur la question, difficile d’établir un état des lieux rationnel.

Il faut dire que le recensement des erreurs médicales n’est pas chose aisée. En effet, lorsqu’un événement indésirable grave survient – c’est-à-dire un événement inattendu ayant provoqué des conséquences graves pour le patient (mise en jeu du pronostic vital ou fonctionnel, décès, séquelles invalidantes…) -, il peut être dû à une faute du corps médical ou au hasard. On parle alors d’aléas thérapeutiques. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un patient se révèle être allergique à un produit anesthésique.

102 médecins reconnus fautifs

En théorie, les professionnels de santé ont l’obligation de déclarer les événements indésirables qu’ils observent sur le site gouvernemental dédié. Mais en l’absence d’expertise, ces données ne permettent pas d’estimer la part de responsabilité du professionnel de santé, et donc de savoir s’il y a eu ou non une erreur médicale. Il arrive alors que le patient adresse une réclamation au soignant. Pour en savoir plus sur la nature de ces plaintes, Le Figaro a interrogé Thierry Houselstein, médecin et directeur médical à la MACSF, assurance qui couvre environ 60% des professionnels de santé en France, dont plus de 141.000 médecins.

«Lorsqu’un patient a une réclamation vis-à-vis d’un professionnel de santé, celui-ci doit nous en faire part. En 2016, nous avons ainsi reçu 2.300 déclarations d’événements indésirables, explique Thierry Houselstein. Cela ne représente pas plus de 2% de l’ensemble des médecins que nous couvrons. C’est aux patients de décider où adresser leur réclamation. Environ un tiers se règlent à l’amiable, un tiers en justice et le dernier tiers passe entre les mains des Commissions de Conciliation et d’indemnisation (CCI).»

Ces commissions sont chargées d’établir si la faute est imputable ou non au professionnel de santé, et donc si c’est à l’assurance ou non de payer. En 2016, 102 médecins assurés par la MACSF ont été reconnus comme fautifs, sur 446 dossiers examinés. «C’est le cas lorsqu’un chirurgien sectionne un nerf au cours d’une opération de la thyroïde, par exemple. Ou quand un médecin, après avoir réalisé une coloscopie chez un patient, le laisse rentrer chez lui avec une perforation», illustre Thierry Houselstein. Dans les autres cas, les médecins n’ont pas été mis en cause. «C’est le cas lorsqu’un patient opéré du pied développe une algoneurodystrophie, un raidissement douloureux et progressif d’une articulation: le chirurgien n’y est pour rien», poursuit l’assureur.

La chirurgie et la médecine générale les plus mises en cause

Selon le médecin de la MACSF, les 6 spécialités les plus concernées par les plaintes sont, dans l’ordre: la chirurgie, la médecine générale, l’anesthésie-réanimation, l’ophtalmologie, la radiologie et la gynécologie-obstétrique. «En chirurgie, il arrive régulièrement que les patients considèrent les résultats insuffisants. Les plaintes visent aussi des infections liées aux soins ou bien des complications en rapport avec le geste opératoire», rapporte Thierry Houselstein. «Quant aux plaintes adressées aux médecins généralistes, elles concernent surtout des erreurs et des retards au diagnostic.»

Lorsque le médecin n’est pas jugé coupable mais qu’il y a bien eu une erreur médicale ayant entraîné un dommage corporel important, c’est l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) qui prend le relais. Infections nosocomiales graves, certains accidents médicaux (sauf actes de chirurgie esthétique), dommages imputables à des vaccinations obligatoires, victimes du sang contaminé, du Médiator ou de la Dépakine: au total, 4575 demandes ont été déposées en 2016. Parmi elles, 35% ont été validées. À noter qu’une demande peut être faite dès lors que l’erreur médicale a été commise après le 4 septembre 2001. Depuis 2003, le nombre de demandes déposées à l’Oniam a presque triplé.

«Pour connaître précisément le nombre d’erreurs médicales imputables aux professionnels de santé faites chaque année, il faudrait interroger toutes les assurances et les tribunaux, conclut Thierry Houselstein. Sans compter que tous les patients victimes d’erreurs médicales ne se manifestent pas. Mais je pense que les fautes individuelles ne sont qu’une petite proportion des événements indésirables graves.»

Source LE FIGARO.

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