L’illettrisme, un handicap trop souvent caché…

Ne pas maîtriser la lecture, l’écriture ou le calcul complique lourdement la vie quotidienne et professionnelle.

Des formations sont proposées, mais franchir le pas n’est pas facile.

L’illettrisme, un handicap trop souvent caché

Plusieurs fois par semaine, Françoise, Jonathan, Hocine et Pascal vont apprendre ou réapprendre à lire, écrire et compter dans les locaux de l’association Agora Services, près de la gare, à Lorient. À l’occasion des journées nationales de lutte contre l’illettrisme, ils ont accepté de témoigner. À condition qu’on ne puisse pas les reconnaître. Ils ne seront pas sur la photo et leurs prénoms ont été changés.

« En Bretagne, l’illettrisme est un tabou », dit Serge Nédelec, délégué du préfet à la politique de la ville. Le problème n’est sans doute uniquement breton. « Nous avons tous, dans notre environnement, des gens en situation d’illettrisme, mais on ne s’en rend pas compte, explique Raymond le Deun, préfet du Morbihan. Parce que ces personnes développent des capacités de dissimulation, de contournement. »

« Je le cachais »

On ne sait précisément combien sont ces adultes désarmés devant un texte à lire ou un formulaire à remplir. 3 % d’une classe d’âge en Bretagne, selon les estimations ; 6 %, en moyenne, pour l’ensemble de la France et, selon le préfet, probablement « autour de 15 % dans les quartiers défavorisés ».

Hocine, 53 ans, a passé un CAP de poissonnier dans sa jeunesse et un an à l’armée. Il a été chauffeur de camion-benne à ordures, a travaillé dans le nettoyage. Dans son dernier emploi, laveur de vitres, il devait chaque jour fournir un rapport sur l’état du bâtiment. « Un jour, raconte-t-il, j’ai pris peur, j’ai vu la difficulté. Partout, maintenant, il faut faire de l’informatique, rédiger des rapports. Les boîtes d’intérim nous font passer des examens. On est bloqué ; on ne peut pas travailler. »

« Le problème, c’est le français, l’écriture. C’est un gros handicap », dit Pascal, 51 ans. C’est une employée de Pôle emploi qui lui a conseillé de se former. Il tardait à renvoyer un questionnaire qu’il n’arrivait pas à remplir.

Florence, 57 ans, a connu, elle aussi, ce désarroi quand, embauchée comme surveillante de nuit, il a fallu qu’elle écrive un compte rendu. « J’ai pleuré, j’ai dit que je n’avais pas pu le faire. » À l’usine où elle travaillait auparavant, elle réussissait à donner le change. « Je le cachais. J’écrivais de mémoire, en regardant ce que les autres écrivaient. »

« Comment faire pour mieux détecter les personnes en situation d’illettrisme ? », interroge Gaël Le Saout, conseillère régionale qui indique que la Région consacre un million d’euros pour remettre à niveau 1 200 personnes par an. « Les travailleurs sociaux savent bien détecter l’illettrisme, observe Benoît Le Guenno, formateur référent d’Agora services. La difficulté, c’est d’amener la personne à formuler un besoin de formation et à adhérer à la démarche. »

Source OUEST FRANCE.

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