Le bisphénol B, substance utilisée pour remplacer le bisphénol A, perturbe également le système endocrinien, selon une étude de l’Agence de sécurité sanitaire française publiée mercredi 16 octobre.
Explications avec Pierre Sauvet, médecin et directeur de l’Association santé environnement France.
Le bisphénol B pour remplacer le A ? Mieux vaut « éviter », affirme une étude de l’Agence de sécurité sanitaire française (Anses) publiée mercredi 16 octobre. Le bisphénol B, parfois substitué au A aux États-Unis, perturbe le système endocrinien. Cette molécule n’est pas « fabriquée (ni) utilisée comme substance chimique en Europe », précise l’agence sanitaire. Malgré cela, « on le retrouve dans des échantillons biologiques de populations européennes ».
Le bisphénol A a été classé en juillet 2017 au niveau européen comme perturbateur endocrinien pouvant avoir des effets graves sur la santé humaine. Il a ensuite été remplacé par le S. Les bisphénols sont des composés chimiques présents dans de nombreux produits de consommation courante : jouets, tickets de caisse, plastiques, peintures, vêtements, produits phytosanitaires…
La Croix : Que pensez-vous des résultats de cette étude de l’Anses ?
Pierre Sauvet : Je ne suis pas surpris, car tous les bisphénols ont une activité hormonale (œstrogénique). Seule différence : le A, utilisé depuis des dizaines d’années, a été plus étudié que les autres membres de cette « famille » de substances chimiques. Ils sont tous analysés par l’Anses et d’autres préconisations vont se décliner dans les années à venir pour le S ou le F. Il est fort probable que toutes ces variantes soient considérées comme des perturbateurs endocriniens. L’Anses avait d’ailleurs affirmé que les substituts du bisphénol A n’apportaient aucune garantie d’innocuité.
Une fois dans l’organisme, ces molécules malmènent le système endocrinien qui joue un rôle sur la régulation cardiaque, la fertilité et le comportement. Elles peuvent aussi augmenter le risque d’obésité ou de diabète ou avoir des incidences sur la survenue de certains cancers, comme le cancer du sein.
Existe-t-il d’autres substances chimiques qui posent les mêmes problèmes ?
P.S. : De nombreux autres éléments chimiques – biocide, conservateur, antioxydant –, peuvent interférer avec le système hormonal. On peut citer sans être exhaustif : les perfluorés dans les poêles antiadhésives, les retardateurs de flamme bromés dans les canapés ou les rideaux, les parabènes dans les cosmétiques ou le triclosan dans les dentifrices.
La dangerosité du bisphénol dépend de l’âge d’exposition, de sa durée et de la sensibilité de chacun. L’un des problèmes majeurs, c’est l’effet cocktail : le fait d’être exposé à plusieurs perturbateurs endocriniens serait plus dangereux que d’être exposé à une substance isolée.
Comment le consommateur peut-il se protéger ?
P.S. : Il est difficile de se protéger complètement de perturbateurs endocriniens car il y en a partout, dans l’air et dans l’alimentation. Prenons l’exemple des phtalates qui ont une action sur la fertilité : dès qu’un aliment a été en contact avec du plastique, il peut en contenir.
Cependant, des gestes simples permettent de réduire ces substances toxiques dans l’organisme : utiliser des bouteilles en verre, éviter les casseroles anti-adhésives, manger bio ou éplucher ses fruits et légumes, éviter les poissons en fin de chaîne alimentaire (espadon, thon…). Il faut aussi aérer régulièrement son logement pour se débarrasser des polluants dispersés dans l’air. Enfin, il faut bannir les parabènes pour les cosmétiques. Même s’il n’est pas prouvé que cela peut provoquer le cancer du sein, il est inutile d’utiliser un produit avec une action œstrogénique.
(1) Il a coécrit avec l’union régionale des Médecins libéraux de Provence-Alpes-Côte d’Azur un guide sur la contamination chimique et les perturbateurs endocriniens à l’usage des médecins.
Source LA CROIX.