Des enfants nés sans défenses immunitaires guéris grâce au virus du sida…!

Aux États-Unis, un essai clinique a permis de soigner 8 «bébés bulles», des enfants atteints d’un déficit immunitaire combiné sévère.

Cette maladie rare prive le malade de système immunitaire et le rend vulnérable aux microbes.

Des enfants nés sans défenses immunitaires guéris grâce au virus du sida

Parce qu’ils sont nés sans défenses immunitaires, ils étaient condamnés à passer leur vie dans une bulle, à l’écart du monde et de ses microbes. Désormais, ces huit petits garçons atteints d’un déficit immunitaire combiné sévère – une maladie génétique rare – peuvent prétendre à une vie normale. Aux États-Unis, des médecins de deux hôpitaux pour enfants sont parvenus à leur reconstruire intégralement un système immunitaire fonctionnel à l’aide d’un traitement combinant une thérapie génique et une chimiothérapie. Une première mondiale décrite en détail le 18 avril dans le New England Journal of Medicine .

Un mois après avoir reçu le traitement, 7 des 8 enfants étaient sortis de l’hôpital. Un seul a dû recevoir une seconde dose. Et après un peu plus d’un an de suivi, tous les enfants se portent bien. «Ces patients (…) répondent aux vaccins et disposent d’un système immunitaire leur permettant de fabriquer toutes les cellules immunitaires dont ils ont besoin pour se protéger des infections», a indiqué le Dr Ewelina Mamcarz, coauteur de l’étude et médecin au service de greffe de moelle osseuse et thérapie cellulaire à l’hôpital pour enfants St. Jude de Memphis (États-Unis). «Bien qu’un suivi plus long soit nécessaire pour évaluer les effets tardifs du traitement, ces résultats suggèrent que la plupart des patients traités avec cette thérapie génique vont développer une réponse immunitaire durable et complète sans effets secondaires», a déclaré le Pr Mort Cowan, pédiatre au Benioff Children’s Hospital de l’université de Californie à San Francisco, où 4 des 8 enfants ont été traités.

À quoi est due la maladie ?

Le déficit immunitaire combiné sévère, aussi appelé «maladie des bébés bulles», est très rare: il ne touche qu’une naissance sur 200.000 chaque année, exclusivement des garçons. «Il s’agit de la forme la plus courante des déficits immunitaires», indique Anne Galy, directrice de recherche à l’Inserm/Généthon. «Elle est due à l’absence d’une structure à la surface des cellules du système immunitaire. Sans cela, les cellules sont comme aveugles: elles ne peuvent pas se déplacer, ne prolifèrent pas, ne s’activent pas». Ce déficit est dû à une erreur au niveau du code génétique: en l’absence du gène codant cette structure indispensable, les cellules sont incapables de la fabriquer.

Les enfants qui naissent avec ce syndrome ont donc bien un système immunitaire mais celui-ci est comme éteint. «Au début, les nourrissons ont l’air en bonne santé, mais très rapidement, ils attrapent des infections qui mettent en péril leur vie», explique Anne Galy. «Pour les protéger de l’environnement, on les met dans des bulles stériles car ils ne peuvent absolument pas se défendre contre les infections microbiennes». Si rien n’est fait, leur espérance de vie est très limitée.

Pour l’heure, la greffe de moelle osseuse – siège de la fabrication des cellules du système immunitaire -, reste le traitement privilégié, bien qu’il soit très contraignant (prise d’immunosuppresseurs à vie, développement de cancers). Mais pour les enfants qui n’ont pas de donneur compatible autour d’eux, cette option est inenvisageable en raison d’un risque quasiment inéluctable de rejet de greffe. En 1999, une équipe franco-britannique pionnière a donc réalisé le premier traitement par thérapie génique.

Le concept: prélever des cellules-souches (qui ne sont pas encore différenciées) au patient pour leur injecter en laboratoire le gène manquant. «L’avantage est qu’il n’y a aucun risque de rejet puisqu’il s’agit des cellules du patient», souligne Anne Galy. Mais parmi les 19 jeunes patients inclus dans le premier essai clinique, plusieurs ont par la suite développé une leucémie à cause du traitement. Et, selon la chercheuse, les effets de cette thérapie génique finissent par s’épuiser au bout de «15 à 20 ans». Il fallait donc l’améliorer.

Chimiothérapie et virus du sida

C’est ce qu’ont fait les équipes de l’hôpital pour enfants St. Jude. La nouveauté est que les médecins ont administré une chimiothérapie en plus de la thérapie génique. Ce traitement, d’ordinaire utilisé contre les cancers, vise ici à supprimer toutes les cellules de la moelle osseuse du patient. «Jusqu’à maintenant, on ne le faisait pas car on estimait que c’était lui faire prendre un risque supplémentaire», explique Anne Galy. «Si on lui supprime sa moelle osseuse et que par la suite la greffe ne prend pas, il perd définitivement son système immunitaire». En réalité, les chercheurs se sont aperçus que la chimiothérapie était le seul moyen de greffer la totalité du système immunitaire de façon durable.

«L’intérêt du VIH est qu’il permet d’insérer très facilement une copie du gène normal dans l’ADN des cellules.»

Anne Galy, directrice de recherche à l’Inserm/Généthon.

Autre singularité – même si ce n’est pas une première -, les médecins ont utilisé le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) pour transporter le gène jusqu’au cœur des cellules. «L’intérêt du VIH est qu’il permet d’insérer très facilement une copie du gène normal dans l’ADN des cellules», détaille Anne Galy. Mais attention, il ne s’agit pas de vrais virus du sida. «Ils sont synthétisés en laboratoire, comme le sont des médicaments, mais ne sont pas infectieux. On garde uniquement les propriétés qui nous intéressent. C’est un peu comme une coquille», poursuit la chercheuse. Ces vecteurs viraux sont utilisés depuis longtemps dans les thérapies géniques, pas seulement pour traiter les déficiences immunitaires.

En pratique, les médecins américains ont mis en présence les cellules-souches des malades avec ces petites coquilles virales transportant le gène manquant, avant de les laisser se développer en laboratoire. En parallèle, ils ont fait place nette chez le patient en lui administrant une chimiothérapie avant de lui injecter ses propres cellules génétiquement modifiées.

Pour l’heure, ces thérapies ne se font que dans le cadre d’essais cliniques. Cette étude apporte une nouvelle preuve d’efficacité du concept. «Désormais, il faut que ça sorte du champ académique et que les industriels s’en emparent. Il faut en faire des médicaments autorisés qui pourraient être disponibles dans les hôpitaux», affirme Anne Galy. De leur côté, les auteurs de l’étude «espèrent que cette thérapie, qui comprend plusieurs nouveautés, servira de base pour le développement de thérapies géniques pour traiter d’autres maladies du sang dévastatrices».

Source LE FIGARO.

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