Ces entrepreneurs ont surmonté leur handicap pour créer leur société…

Ces fondateurs d’entreprises hors du commun ont des ressorts impressionnants, malgré les obstacles. Les Trophées h’up entrepreneurs, dont Figaro demain est partenaire, ont distingué quatre d’entre eux, aux parcours étonnants.

Les lauréats et nominés des Trophées 2021 h'up entrepreneurs.

 

À 25 ans, Manon Fahy a tout d’une jeune fille à la vie classique. Or elle souffre depuis sa naissance d’une maladie neurologique rare évolutive. Plusieurs fois par semaine, elle doit subir des soins pour calmer ses douleurs, sa fatigue et ses nuits sont parfois sans sommeil. Cela ne l’a pas empêchée de cofonder voici huit mois la start-up, Vestiis, ce qui lui vaut d’avoir été nominée dans le cadre des Trophées h’up entrepreneurs, remis la semaine dernière en présence de Sophie Cluzel, Secrétaire d’État aux Personnes handicapées.

Unique au monde, son application permet de scanner l’étiquette d’un vêtement afin d’en connaître l’impact environnemental. D’autres concurrents existent déjà mais avec Vestiis, la notation se fait par produit et pas seulement par marque. La jeune pousse, qui compte cinq personnes, sortira la première version de son application en janvier 2022.

«L’entrepreneuriat, ça a été pour moi une solution idéale pour être libre d’organiser ma vie professionnelle en fonction de mes soins, explique-t-elle, tout en reconnaissant : mon handicap est invisible et je ne me sens pas différente; il existe surtout dans le regard des autres et il paraît que je fatigue plus vite que la moyenne». Mais depuis l’enfance, cette jeune femme ne se «fait pas de cadeau» et ne s’est jamais bridée dans ses activités. Titulaire d’un Master d’économie sociale, elle avait d’ailleurs créé, dès ses études à la Sorbonne, une association dans l’entrepreneuriat social.

Alors que se déroule la 25è édition de la Semaine européenne pour l’emploi des handicapés, le cas de Manon est loin d’être isolé. «En étant son propre patron, un diabétique insulinodépendant peut organiser son planning en fonction de ses difficultés, tout comme un autiste asperger peut s’affranchir des interactions sociales», explique Hamou Bouakkaz, malvoyant et président de h’up entrepreneurs.

Parfois, c’est plus pour répondre à leurs propres besoins que ces entrepreneurs ont innové. C’est le cas de Jason Chemama, en situation de handicap moteur. Si, pour s’exprimer, cet autodidacte, passionné de technologies depuis l’enfance, a recours à une technologie existante décryptant ses mots au moyen des mouvements de son nez, c’est lui qui a fait fabriquer et commercialise le bras de support pour fixer son téléphone et sa tablette sur son fauteuil qu’il ne trouvait pas sur le marché.

C’est ainsi qu’est née en 2018 sa société Handieasy, spécialisée dans le matériel paramédical pour ses pairs, alors qu’il n’avait que 18 ans. Idem pour Franck Castellano, qui a créé C. Egals pour lancer un canapé modulable permettant d’intégrer son fauteuil roulant aux côtés de ses proches.

« Je n’avais rien à perdre et tout à gagner… Quand vous avez un mur devant vous et que vous êtes aveugle, vous ne le voyez pas »

Anthony Martins Misse, entrepreneur de l’année 2020

Quand on demande à Anthony Martins Misse, malvoyant profond désigné « entrepreneur de l’année 2020» par h’up entrepreneurs, comment il est devenu un véritable «serial entrepreneur», la réponse fuse comme une évidence: «avec passion». Que ce soit comme champion de judo, deux fois champion du monde paralympique, artiste (ancien DJ, compositeur de musique) ou chef d’entreprise (parmi lesquelles l’application de guidage à l’intérieur des bâtiments VIOO), le maître-mot qui l’a guidé est simple: «je n’avais rien à perdre et tout à gagner». Et de souligner qu’en France, grâce aux aides dont bénéficient les malvoyants, «si je tombe, j’ai la possibilité de me relever». Et de poursuivre, avec l’humour qui le caractérise: «Quand vous avez un mur devant vous et que vous êtes aveugle, vous ne le voyez pas. Mon handicap m’a appris à me dire qu’il ne servait à rien de s’inquiéter. Néanmoins il m’a également appris l’anticipation: quand vous avancez la main en avançant, le mur, vous ne vous le prenez pas».

Anthony Martins Misse (à gauche), «entrepreneur de l'année» 2020, lors de la remise des Trophées 2021, dont il est membre du jury. h'up entrepreneurs

«Vous avez des responsabilités sur les épaules, vous êtes des rôle-models pour beaucoup, a lancé la secrétaire d’État aux Personnes handicapées Sophie Cluzel au cours de la soirée de remise des prix 2021, suivie d’un dîner de gala festif au Carreau du Temple à Paris. Rien de mieux qu’un entrepreneur qui parle à un entrepreneur pour faire bouger les lignes». C’est précisément ce rôle qu’Anthony Martins Misse endosse avec enthousiasme. Ce dernier vient d’accompagner pendant six mois Valentin Duthion dans le lancement de la marque de vêtements Le Regard français  – dont il est cofondateur – qui vise à changer le regard sur la différence et réalise déjà plus de 100 000 euros de chiffre d’affaires avec 88 travailleurs en situation de handicap, ce qui vaut à ce dernier d’avoir remporté le prix «entrepreneur créateur».

« Quoi de mieux que d’être à côté de ceux qui ont pu bâtir une entreprise pour pouvoir progresser soi-même? »

Sophie Cluzel, Secrétaire d’État aux Personnes handicapées

«Il faut pouvoir passer le flambeau et former beaucoup de jeunes, a également souligné à cette occasion Sophie Cluzel. On a des problèmes de formation des personnes en situation de handicap. Quoi de mieux que d’être à côté de ceux qui ont pu bâtir une entreprise pour pouvoir progresser soi-même? » D’où l’idée d’Anthony Martins Misse de lancer un cercle des lauréats et nominés h’up entrepreneurs, dès janvier 2022, qui se réunirait tous les mois pour échanger entre eux, avec les parrains et partenaires, créant ainsi du réseau et de l’entraide.

Au cours de cette quatrième édition, ces trophées, remis sous le haut patronage d’Emmanuel Macron, avec le soutien notamment de Thibault Guilluy (Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises) et dont Figaro Demain est partenaire, ont distingué quatre autres lauréats.

Anne-Sophie Tuszynski qui, après vingt ans à des postes de direction dans des grands groupes et un cancer, a fondé WeCare@Work, qui conseille les entreprises sur l’insertion des personnes malades, a été désignée «entrepreneure de l’année». Caroline Fruchaud, paraplégique depuis un accident de ski et à l’origine de Hostobox, des boîtes cadeaux «made in France» et à faible impact environnemental pour les personnes hospitalisées, a pour sa part conquis le cœur du public qui lui a décerné son prix spécial, en plus du prix «créateur en herbe».

Acteurs dans la société et pas uniquement en attente

Quant au prix «entrepreneur expérimenté», il revient à Fabrice Grosfilley, qui depuis 20 ans a fondé Domianim (garde d’animaux à domicile), une association, un centre de formation et a racheté Coup 2 Pouce (maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie). Pour ce dernier, qui a perdu la vue à 8 ans, ce trophée «signifie que la personne handicapée est vraiment actrice dans la société et pas uniquement en attente vis-à-vis de celle-ci, comme beaucoup peuvent le penser, et qu’elle est jugée comme n’importe quel entrepreneur sur le business de son entreprise».

Ces lauréats bénéficieront de six mois d’accompagnement par le réseau d’experts de h’up Entrepreneurs. À travers eux, c’est l’enthousiasme et la ténacité des 80 000 entrepreneurs en situation de handicap que l’association soutient et encourage.

Source LE FIGARO.

 

 

Pour marque-pages : Permaliens.