« Voir les gens mourir nous tue aussi » : le témoignage glaçant d’une aide-soignante à Montbéliard…

À Montbéliard, une aide-soignante qui travaille dans une unité Covid-19 à l’hôpital, dispose d’un appartement prêté par un habitant. Agnès Clément aime s’y réfugier : « C’est mon cocon ».

Elle travaille la peur au ventre : « Mais je ne pourrais pas arrêter, j’aurais l’impression d’être un déserteur ».

"Voir les gens mourir nous tue aussi" : le témoignage glaçant d'une aide-soignante à Montbéliard...

Il y a désormais deux mondes. Quand Agnès Clément se couvre de la tête aux pieds de tissu vert ou blanc (combinaison, charlotte, lunettes, masque), elle ressemble à une Martienne. La comparaison n’est pas si saugrenue : « Travailler dans une unité de Covid-19, c’est entrer dans un univers lunaire, silencieux où la mort survient sans crier gare ».

Chaque jour, l’aide-soignante, en temps normal affectée aux consultations externes à l’HNFC de Trévenans (pour un dentiste et un stomatologue), prend le chemin du travail la peur au ventre : « Mais je ne pourrais pas arrêter. Comme un soldat refusant le combat, j’aurais l’impression de déserter. Un de mes frères, militaire, a combattu au Liban. Il m’a dit  »Toi aussi, t’es un soldat »».

« Nous lisons aux gens les dernières lettres »

Il en faut, effectivement, de la force pour affronter au quotidien la grande faucheuse, garder le sourire auprès de patients que l’on sait parfois condamnés à très brève échéance : « Souvent, nous lisons aux gens les dernières lettres d’un fils, d’une mère, d’un frère » , raconte Agnès Clément, la voix brisée par l’émotion et qui fait sienne cette superbe expression d’une infirmière : « Voir les gens mourir nous tue aussi ».

Son deux-pièces, un havre de paix

Étrange univers où la communication est si particulière. « Entre les patients et nous habillé(e) s comme des extraterrestres, il y a une barrière. Tout passe par le regard, les expressions. Quand j’arrive dans une chambre et que je vois des patients en meilleure forme, je reprends du poil de la bête. Ce matin, un Monsieur allait mieux. Je lui ai dit  » Allez musique, on met Radio Nostalgie », relate l’aide-soignante, 26 ans de métier et qui a subi trois opérations du dos. Elle supporte la situation grâce à une équipe très soudée, l’humour (n’est-il pas la politesse du désespoir ?) et la solidarité des habitants.

Depuis deux semaines et demie, la Doubienne est hébergée gratuitement dans un appartement au centre-ville de Montbéliard : « J’ai vu l’annonce de Monsieur Antonio Mendes de Sousa sur Facebook. Je correspondais aux critères. L’appart’ est parfaitement équipé. Je n’avais plus qu’à poser mes valises. Ce deux-pièces, c’est mon cocon. Je m’y réfugie même pour y pleurer. Ce Monsieur m’a rendu un énorme service ».

Une mère de 80 ans à préserver

Jusque-là, la soignante partageait sa vie entre le domicile de sa mère à Grand-Charmont et celui de son ami en Suisse : « Ma maman a 80 ans. Je ne voulais pas lui faire prendre de risque, pour rien au monde. Et je ne pouvais pas aller chez mon ami, les frontières sont fermées. Je lui ai laissé mon chat (sourires) ». Ses proches se font un sang d’encre pour elle mais ils sont également admiratifs : « La solidarité, les messages, les mots, les applaudissements nous boostent. J’espère qu’on ne nous oubliera pas après la crise ». Il est 17 h ce samedi. Dans son deux-pièces, Agnès Clément va se préparer à manger puis s’endormir dans son petit cocon, en musique, les écouteurs sur les oreilles. Demain est un autre jour.

Source EST REPUBLICAIN.

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