À l’occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, le Figaro a cherché à connaître de plus près la réalité des personnes avec ce handicap, notamment autour de la question de l’inclusion dans le monde du travail.
La trisomie 21 est un handicap cognitif qui entraîne une déficience intellectuelle plus ou moins importante. Malgré cette difficulté, les personnes atteintes de ce handicap peuvent devenir autonomes et vivre une vie «ordinaire». C’est le cas de Romain Borghi, 34 ans, qui est fonctionnaire publique à la mairie de Bagnolet.
«Depuis 2005 je m’occupe du nettoyage des espaces verts de la ville de Bagnolet, nous raconte Romain Borghi.» Aujourd’hui, il est le seul fonctionnaire public avec trisomie 21 à Bagnolet, où il vient d’avancer au grade d’adjoint technique de première classe. «Ma mère dit que maintenant j’ai une trisomie de première classe», commente-t-il avec humour. Fièrement, il a affiché l’arrêté qui certifie de son avancement dans le Book citoyen, un livre collaboratif créé par l’association Trisomie 21 France pour donner la voix aux personnes avec ce handicap.
«C’était mon projet depuis que j’étais petit, j’ai toujours aimé la nature et les fleurs: mes préférées sont les jacinthes et les tulipes, confie-t-il. Ça a commencé grâce à Marcel, le mari retraité de ma nounou, qui m’amenait dans les espaces verts où il faisait du désherbage.» Mais son projet n’a pas été sans entraves. «Une psychologue pensait que ce n’était pas mon projet mais celui de ma mère, et on avait statué que je n’étais pas en capacité de travailler en milieu ordinaire.» Grâce au soutien de ses parents, Romain a entamé une bataille juridique d’un an pour changer cette décision et lui permettre de travailler à mi-temps à la mairie. «Je suis fière de ce qu’il est devenu, s’exclame sa mère, Sylvia Gaymard. Il faut rester ambitieux, si Romain peut le faire les autres aussi en sont capables.»
Avant de travailler à la mairie, Romain a travaillé dans un ESAT (Établissements et services d’aide par le travail) où il pliait des boîtes à longueur de journée. «J’aime beaucoup plus ce que je fais maintenant», dit-il avec un sourire. Aujourd’hui, il vit seul dans un foyer d’hébergement pour travailleurs handicapés et il prend le bus tous les matins pour aller travailler. Comme n’importe qui.
Un ESAT pas comme les autres
Toutes les personnes atteintes de trisomie 21 n’ont pas la chance de Romain. La plupart de ceux qui travaillent le font dans des ESAT, des établissements protégés pour des personnes handicapées avec une capacité de travail amoindrie. «Le travail dans les ESAT isole ces personnes handicapées car elles n’y sont pas en contact avec des personnes ordinaires, rappelle le docteur Renaud Touraine, médecin généticien au CHU de Saint-Étienne et spécialiste de la trisomie 21. En plus, ce travail est souvent répétitif et ne permet pas un réel épanouissement des travailleurs, comme faire des palettes ou monter des meubles.»
Mais certains ESAT sont un peu différents. C’est le cas la compagnie de théâtre l’Oiseau-Mouche, à Roubaix. «Nos comédiens jouent dans les plus grandes scènes de France et ont une réelle reconnaissance dans le milieu théâtral, s’enthousiasme Stéphane Frimat, directeur de la compagnie. Même si techniquement nous sommes un ESAT, nos comédiens sont en contact direct avec un public non-handicapé, qui les regarde non pas comme des handicapés mais comme des artistes.»
L’Oiseau-Mouche, qui vient de fêter ses 40 ans, emploie 23 comédiens avec handicap mental, dont 5 avec trisomie 21. «Ce projet est né de la volonté de trouver une place pour que les personnes avec handicap psychique puissent faire du théâtre professionnellement», raconte M. Frimat. «Ce n’est pas de l’art-thérapie, c’est un endroit de professionnalisation», souligne-t-il. Les comédiens y bénéficient d’un accompagnement éducatif pour compenser leurs vulnérabilités: «Par exemple, ceux qui ne savent pas lire bénéficieront de textes en audio, s’ils angoissent de se présenter en public on travaille pour les rassurer, ou on peut les aider à comprendre ce que le metteur en scène veut, explique-t-il. Quand on donne les moyens aux gens ils peuvent dépasser leurs limites et compenser leur handicap.»
Mais il y a encore un aspect où ces comédiens sont discriminés: leur statut. «Devant la loi, ils ne sont pas des comédiens mais des travailleurs handicapés, regrette M. Frimat. Il faut que le regard institutionnel sur les personnes en situation de hancidap évolue.» Un avis partagé par la rapporteuse de l’Onu sur les droits des personnes handicapées, Catalina Devandas-Aguilar, dans son rapport présenté en mars 2019.
Source LE FIGARO.