Trisomie 21 : Le documentaire « J’irai décrocher la lune » dresse le portrait de six adultes en quête d’autonomie…

A l’occasion de la sortie en salles le mercredi 24 juin du documentaire « J’irai décrocher la lune », « 20 Minutes » a rencontré le réalisateur et l’un des protagonistes, Robin, un trentenaire atteint de trisomie 21 qui rêve de devenir chanteur.

 

Trisomie 21 : Le documentaire « J’irai décrocher la lune » dresse le portrait de six adultes en quête d’autonomie

Ils travaillent, boivent des coups en terrasse et partagent leurs rêves. Eléonore Laloux, Robin Sevette, Stéphanie Gabé, Mario Huchette, Gilles-Emmanuel Mouveaux et Elise Wickart sont les protagonistes du documentaire J’irai décrocher la lune, qui sort ce mercredi en salles. Un film qui donne la parole à ces trentenaires atteints de trisomie 21 et dévoile leur quotidien. Et qui espère faire évoluer le regard du grand public sur ce handicap.

Direction Arras et l’association Down Up, fondée par des parents de personnes atteintes de trisomie 21 il y a une quarantaine d’années, qui se bat pour leur inclusion en crèche, à l’école, en entreprise, en formation, et pour leur accès au logement… Et propose des ateliers pour aider les adultes atteints de trisomie 21 à compter, à exprimer leurs joies et leurs peines. L’occasion aussi, pour eux, de se rencontrer et de nouer des amitiés. Ainsi, Robin apprend à Elise à se servir du lave-linge, et Eléonore aide Stéphanie à lire. On suit ces trentenaires qui tentent de vivre seuls dans leur appartement, de travailler, d’apprendre à faire la cuisine ou leurs comptes. Et parlent – non sans émotion – de leur adoption pour certains, de leur passion pour la musique pour d’autres, de leur travail qui les épanouit…

« On ne fait pas à leur place, mais avec eux »

« On a reconnu dans ce film notre enfant, son humour, sa sensibilité, se réjouit Martine, mère de Robin et membre de cette association. On a été bluffé par la véracité du documentaire. Qui donne une image positive de ces adultes, sans cacher les difficultés des situations. Ce n’est pas le monde de Oui-Oui ! » La philosophie de Down Up, c’est d’intégrer les personnes en situation de handicap dans le milieu qu’on appelle ordinaire. Et surtout, « on ne fait pas à leur place, mais avec eux », résume Martine. L’association a d’ailleurs reçu la visite ce mois-ci du sénateur Denis Piveteau, qui planche sur une mission sur l’habitat inclusif. « On croise les doigts pour que ça donne un cahier des charges ambitieux », souffle-t-elle.

Le documentariste Laurent Boileau a épousé cette attitude respectueuse et encourageante de l’association, laissant à ces adultes le temps et la place d’exprimer leurs souhaits, leurs doutes, leurs peines. Elise aime faire de la peinture avec les enfants de l’école dans laquelle elle s’épanouit en tant qu’auxiliaire. Gilles-Emmanuel, lui, accepte de rejoindre, en tant que salarié payé, l’association Down Up. Et Robin travaille à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), à Arras, mais hésite à signer un nouveau contrat. Car son rêve, à lui, ce serait de chanter. « Finalement, tu fais les deux, ce n’est pas forcément l’un ou l’autre », le console le réalisateur lors de notre entretien commun.

Robin Sevette, l'un des protagonistes de J'rai décrocher la lune, ici dans les transports.

Le droit à la différence

A la fin du documentaire, Robin confie face caméra à Laurent Boileau, qu’il hébergeait pendant le tournage : « Tu vois le vrai Robin, pas la personne atteinte de trisomie 21. » Un hommage qui colle parfaitement à l’envie du réalisateur. « C’est le plus beau cadeau que tu puisses me faire de me dire cela, insiste le documentariste auprès de Robin, lors de notre rencontre. J’ai plus appris sur ces personnes que sur la trisomie 21, assure-t-il. Car le handicap est différent chez chaque personne. Or, on a tendance à globaliser. On voit par exemple certains des protagonistes qui parlent très bien, d’autres qui passent par l’écriture ou la musique pour s’exprimer. J’ai dû m’adapter pour trouver le dispositif adapté. Car c’était souvent quand on éteignait la caméra qu’il se passait quelque chose… »

Si le réalisateur sort des clichés, met en valeur des adultes assez autonomes, il ne gomme pas les difficultés et ne cherche pas faire un film militant. « Aujourd’hui, le militantisme sur cette question se cristallise autour de la question de l’avortement, des pro-life. Ici, ce n’est pas le débat, tranche-t-il. Ce film m’a changé. Je pense que si j’apprenais aujourd’hui que j’attends un enfant atteint de trisomie 21, je le garderai, alors que quand j’ai eu mes enfants, je ne sais pas ce que j’aurais fait. »

« Cette aventure valorisante, cela fait du bien »

« Lors des projections, certains parents de tout jeunes enfants atteints de trisomie nous disent que cela leur donne de l’énergie, de l’espoir, l’envie de continuer à se battre », témoigne Martine, la mère de Robin. Pour ce dernier, la première projection a été intense. « J’ai été choqué et ému, avoue-t-il. C’était la première fois que je me voyais en plein écran. » Et le réalisateur de lui rappeler qu’il avait également été vexé quand le public riait. « Cela m’a blessé le cœur, j’avais l’impression que les gens se moquaient de moi », reprend Robin. Pourtant, le jeune homme sait manier l’humour et faire l’acteur dans certaines scènes.

« Pour certains protagonistes, il y a un avant et un après ce documentaire. Car après trente années durant lesquelles on porte globalement un regard négatif sur vous, cette aventure valorisante, cela fait du bien », assure Laurent Boileau. « J’espère que le film va passer à la télé, que je pourrais raconter mon histoire partout », insiste Robin. Même s’il se montre pessimiste à l’idée que la société change de perception. « Peut-être que toi aussi, il faudrait que tu changes ton regard par rapport aux autres. Quand nous marchions dans les rues d’Arras, je ne remarquais pas de regards malveillants », nuance le documentariste. « Je vais essayer », promet Robin.

Source 20 MINUTES.

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