Scandale des prothèses PIP : 11 ans après, la cour d’appel de Paris condamne l’organisme certificateur TÜV…

La cour d’appel de Paris a rendu un arrêt crucial dans l’affaire des prothèses mammaires défectueuses PIP : le certificateur allemand TÜV, qui donnait son agrément au produit, est jugé responsable dans ce scandale sanitaire.

Des dizaines de milliers de victimes dans le monde pourraient réclamer réparation.

Les prothèses mammaires PIP contenaient un gel en silicone non conforme, faisant des milliers de victimes

 

Dans le scandale sanitaire des prothèses mammaires PIP, la cour d’appel de Paris a donné raison aux 2 500 plaignantes dans cette affaire.

La cour d’appel de Paris a rendu son arrêt ce jeudi 20 mai et a confirmé le jugement de première instance datant du 14 novembre 2013, après plusieurs décisions judiciaires contradictoires. La justice juge donc la société allemande TÜV, organisme certificateur de ces prothèses mammaires, responsable de manquement aux obligations de vigilance et de contrôle dans l’exercice de sa mission. La certification délivrée par TÜV Rheinland avait permis à la société PIP d’apposer le marquage CE, autorisant ainsi la vente de produits frauduleux dans près de 70 pays.

L’organisme allemand TÜV est l’un des plus grands organismes de certification au monde. Il est chargé de vérifier la conformité des dispositifs médicaux afin de leur attribuer une certification en vue d’une mise sur le marché. TÜV Rheinland emploie 20 000 personnes dans le monde pour un chiffre d’affaires d’environ 2 milliards d’euros.

Un scandale international parti du Var

C’est l’un des scandales qui auront marqué l’histoire sanitaire française du XXIe siècle. En 2010, le fabricant de prothèses mammaires PIP est épinglé pour avoir rempli ses prothèses avec du gel en silicone artisanal non conforme. Le dossier des prothèses mammaires défectueuses PIP est ouvert, après un contrôle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. L’Agence découvre que les implants de cette société, installée dans le Var, présentent un taux anormal de rupture et qu’ils sont remplis, par souci d’économie, d’un gel non conforme, artisanal et bon marché, avec de l’huile industrielle à la place du gel en silicone requis.

Dans le dossier des responsabilités de ce vaste scandale, la cour d’appel de Paris vient de trancher : la responsabilité de la société de certification TÜV Rheinland est engagée. Après plus de dix ans de procédure, cette décision ouvre la voie à l’indemnisation des dizaines de milliers de femmes victimes dans le monde entier. Il s’agit d’un nouveau revers pour le géant allemand de la certification et sa filiale française, après un premier arrêt en ce sens de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en février dernier.

TÜV a toujours rejeté la responsabilité sur PIP en affirmant que le fabricant avait « tout fait pour tromper les patientes mais aussi les autorités de santé et l’organisme vérificateur TÜV ».  

Nombreuses décisions de justice contradictoires

La décision de ce jeudi 20 mai prise par la Cour d’Appel de Paris tranche donc après plusieurs autres décisions de justice sur la responsabilité de TÜV, se contredisant toutes les unes les autres :

  • En 2013, TÜV est déclaré coupable par le tribunal de Toulon, pour avoir « manqué à ses devoirs de contrôle et de vigilance », et a été condamné à indemniser six distributeurs et environ 1 700 porteuses de prothèses.
  • Deux ans plus tard, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme ce jugement et dédouane le certificateur allemand de toute responsabilité.
  • Saisie à son tour, la Cour de cassation annule cet arrêt en 2018 et renvoie l’affaire à la Cour d’appel de Paris.
  • En février dernier, la cour d’appel d’Aix-en-Provence juge que TÜV n’a pas vérifié « la provenance des matières premières utilisées en examinant notamment la comptabilité matière du fabricant ». « Un tel contrôle, selon cette cour, aurait permis à la société TÜV et à son sous-traitant français de constater sur plusieurs années la discordance évidente entre la quantité de gel achetée auprès du seul fournisseur autorisé et le nombre de prothèses mammaires fabriquées ».
  • En janvier 2021, la Cour d’appel de Versailles dédouane TÜV, concluant que le certificateur n’avait commis aucun « manquement à son obligation de vigilance et de contrôle dans l’exécution de sa mission de certification mise en œuvre ».
  • Ce 20 mai 2021 donc, la Cour d’appel de Paris condamne TÜV pour manquement aux obligations de vigilance et de contrôle.
  • Le 11 juin prochain, le tribunal de commerce de Toulon se prononcera cette fois-ci à la suite d’une plainte de 1 500 nouvelles patientes à l’encontre de TÜV.

La mort du principal responsable a mis fin aux poursuites pénales contre PIP

Jean-Claude Mas, fondateur de la société PIP, a été condamné une première fois à Marseille en 2013, puis en appel en 2016 à quatre ans de prison ferme et 75 000 euros d’amende pour escroquerie et tromperie aggravée.

Il n’a jamais purgé sa peine (il a tout de même passé huit mois en prison en détention préventive après son arrestation en 2012). Son décès en 2019 a mis fin aux poursuites contre son entreprise. Au total, il a écoulé près d’un million de prothèses défectueuses dans le monde, entre 2001 et 2010. Le nombre de victimes a été évalué à 400 000 sur l’ensemble de la planète.

Source FRANCE INTER.

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