Rentrée scolaire : Anna raconte comment sa fille handicapée, Alice, va à l’école « comme une enfant parmi d’autres »…

Quelques jours après la rentrée, Anna, maman d’une petite fille handicapée et scolarisée en milieu ordinaire, raconte son parcours avec l’appui d’une association, laquelle a inspiré les mesures portées par Sophie Cluzel.

Anna (à gauche), maman d'Alice, petite fille handicapée et scolarisée en milieu ordinaire est accompagnée par Sandrine et la plateforme Crescendo depuis deux ans.

  • Collaboration entre médico-social et Education nationale, séances d’orthophonie au sein de l’école… La secrétaire d’Etat Sophie Cluzel a annoncé des mesures pour la rentrée, censées soulager les parents d’enfants handicapés.
  • Des dispositifs déjà mis en place par une association, la plateforme Crescendo, dont Anna et sa fille Alice bénéficient depuis trois ans.
  • Peu après la rentrée, Anna a reçu 20 Minutes pour nous raconter comment elle a vécu cette reprise.

« J’ai l’air détendu, non ? », sourit Anna, mère d’Alice, 4 ans et demi, et de Diane, 1 an. Cette trentenaire, qui nous accueille en ce début septembre dans son salon à Courbevoie (Hauts-de-Seine), aurait pourtant de quoi s’angoisser. La rentrée scolaire, quand on a deux enfants en bas âge, ressemble souvent à un marathon. Quand on vient de déménager, les défis (et les cartons) s’accumulent. Alors, quand on a un enfant handicapé, autant dire que le moment peut être… crispant. Mais la famille bénéficie d’un accompagnement particulier. « Grâce à Crescendo, la plateforme de l’association Groupe SOS, mon mari et moi avons pu continuer à travailler, et ma fille Alice a fait sa rentrée en milieu ordinaire, comme une enfant parmi d’autres. Ce que je n’aurais pas pu imaginer il y a trois ans. »

« Comme si on s’était pris un camion en pleine tête »

Car il y a trois ans, sa fille aînée a survécu, à 17 mois, à une encéphalite très grave. Une inflammation du cerveau qui lui a laissé des séquelles ralentissant son apprentissage moteur et l’acquisition du langage. « C’est comme si on s’était pris un camion en pleine tête, se remémore Anna. Il a fallu réinventer notre parentalité, avec une fille qui risquait de rester dans la case handicapée toute sa vie. » Pendant un mois, Alice est hospitalisée, entre la vie et la mort. Puis a intégré un centre de rééducation, où elle a réappris à marcher et à parler pendant six mois. « Souvent, quand on parle d’enfants handicapés, c’est très manichéen. Mais la frontière est poreuse. On peut rentrer et sortir du handicap », analyse cette mère qui a réussi à digérer ce choc.

« On se retrouve démunis. A la Maison départementale des personnes handicapées, on m’a donné un lexique contenant beaucoup d’acronymes incompréhensibles. Merci, mais ça ne m’a pas tellement aidé… », ironise-t-elle.

Accompagnée en milieu ordinaire

Ce qui a en revanche tout simplifié, c’est l’accompagnement global de la plateforme dédié au handicap et à la petite enfance du Groupe SOS Solidarités. Un dispositif innovant, qui épaule seulement 80 enfants handicapés de moins de 6 ans à Paris, mais qui a fortement inspiré la secrétaire d’État chargée du handicap. En effet, Sophie Cluzel a lancé plusieurs mesures en cette rentrée, avec pour objectif d’améliorer la coordination entre médico-social et Education nationale pour les élèves souffrant de handicap, afin de soulager les parents.

Cette collaboration entre professionnels, Alice en a bénéficié en avant-première, avec l’aide de Sandrine Delpeut, qui coordonne Crescendo et épaule cette famille depuis deux ans. C’est elle qui a recruté les praticiens pour Alice et les a briefés. Un soulagement pour Anna et son mari. « C’est dur de raconter ce traumatisme à chaque professionnel qui suit son enfant handicapé. »

C’est aussi elle qui a permis à la petite fille de s’épanouir à la crèche. « Déjà que pour beaucoup de familles, trouver une place en crèche, c’est la croix et la bannière, autant dire que quand on parle de handicap, cela génère des crispations », reconnaît sa mère. Sur sa lancée, Alice a pu entrer l’année passée en maternelle, en milieu ordinaire. Et est fière, depuis la rentrée, de s’installer dans sa nouvelle classe en moyenne section, une accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH, qui remplace l’AVS) à ses côtés. Sandrine Delpeut a accompagné la petite fille pour ses deux premiers jours d’école, afin de faire le lien avec les parties concernées. « Pendant la récréation, j’explique à la maîtresse ce qui met en difficulté Alice, et dès le retour en classe, elle adapte sa pédagogie », explique cette spécialiste de la scolarisation des enfants handicapés.

Elle partage aussi ses astuces avec Anna. Cette dernière lui montre alors ses « devoirs » : « J’ai fait, sur vos conseils, une fiche avec le planning d’Alice de chaque journée heure par heure et la photo de la personne qui l’accompagne. Elle adore », se félicite Anna.

Du médico-social au sein de l’école

Autre nouveauté qu’Alice a déjà pu tester :  les orthophonistes peuvent proposer des séances (remboursées) au sein de l’école. « Je coordonne une petite PME autour d’Alice : maîtresse, agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem), AESH, orthophoniste, psychomotricienne, nounou », avoue Anna. Et les séances de rééducation au sein même de la crèche, puis de la classe de maternelle, sont autant de temps et d’énergie économisés.

« Il faut rester simple, il n’y a pas besoin de sanctuariser un lieu dans l’école, martèle Sandrine Delpeut. Quand les thérapeutes viennent faire la séance au milieu de la salle, avec les autres enfants, cela dédramatise, destigmatise, voire valorise l’enfant handicapé. »

« Je suis convaincue que c’est bénéfique pour l’enfant, qui n’a pas un emploi du temps de ministre et ne manque pas de cours. Pour les parents, qui peuvent continuer à travailler. Mais aussi pour les autres enfants et l’enseignant, habitués à la différence », poursuit la mère d’Alice. Et de remarquer qu’elle n’a jamais grandi aux côtés d’enfants handicapés. « Mon mari et moi, on n’était pas préparé à être confronté au handicap. Mais grâce au soutien psychologique proposé par le dispositif, on a pu changer de vision. »

« Proposer un projet au plus près des besoins de la famille »

Si la famille d’Anna fait partie des premières (et chanceuses) à bénéficier d’un tel accompagnement, elle espère que l’impulsion lancée par Sophie Cluzel sera suivie d’améliorations concrètes pour les autres.

Et n’oublie pas celles et ceux pour qui cette rentrée a rimé avec épreuves et angoisses. En effet, certaines familles attendent toujours une AESH, d’autres partagent une auxiliaire avec une autre famille, et beaucoup regrettent une école qui n’a d’inclusive que le nom. « J’espère que d’autres structures comme cette plateforme pourront se développer, car malheureusement, beaucoup d’enfants handicapés restent sur le carreau », regrette Anna. « Les choses vont dans le bon sens, mais c’est sûr qu’on part de loin, la France étant un des derniers pays européens sur le handicap », renchérit Sandrine.

Avant de nuancer : « Je ne suis pas favorable à l’inclusion à tout prix. Pour certains enfants, le milieu ordinaire n’est pas un bon choix. Mais ce qui compte, c’est de proposer un projet au plus près des besoins de la famille, en fonction du handicap de l’enfant, mais aussi de la situation émotionnelle des parents. Aujourd’hui, des outils existent, mais tout est trop complexe, et encore faut-il avoir les ressources pour demander de l’aide. »

Source 20 Minutes.

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