Redon. Elles accordent leur piano avec le handicap…

Bénédicte Chaine est professeure de piano à Redon. Depuis octobre, elle donne des cours à Chloé. Son oreille, sa motivation et son travail dépassent son handicap visuel.

photo chloé au piano, avec bénédicte chaine, professeure indépendante depuis plus de dix ans, à redon.

Depuis que son papy lui a offert un piano, en 2010, Chloé s’y installe aussi souvent qu’elle peut. Du matin au soir et du soir au matin. « Elle m’impressionne, reconnaît Anne-Sophie, sa maman. Elle est capable de jouer un morceau qu’elle a simplement entendu. À force, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose. »

Pour lui permettre de suivre ses premiers cours, la famille s’est tournée vers Bénédicte Chaine, professeure de piano redonnaise. « En fait, on est copine d’enfants à maladie rare », sourient-elles. Bénédicte Chaine a monté son entreprise en 2007. « L’année suivante, ma fille Élise est née. À 18 mois, elle a arrêté de marcher. On a découvert qu’elle souffrait d’une maladie rare. »

La délétion 2P16.3. Un nom barbare pour désigner « un gène défaillant » qui a notamment développé un autisme de type Asperger. « J’ai fait beaucoup de recherches autour de la plasticité cérébrale. Tout ce que j’ai appris pour Élise, je le mets à profit pour mes autres élèves. »

« La partition, c’est Bénédicte »

Son approche pédagogique est « différente ». Bénédicte Chaine s’est intéressée aux intelligences cognitives. « Pour travailler avec un enfant, ou avec un adulte, en général, le mieux est de connaître son profil cognitif car on « entre » mieux dans son monde. On utilise un langage et une technique qui lui convient et dans laquelle il trouve plus facilement ses repères. »

Quand Chloé est arrivée avec son handicap, elle n’a pas trouvé porte close. Au contraire. À 11ans, elle souffre d’une amaurose congénitale de Leber. Une maladie génétique orpheline et dégénérative de la rétine. Concrètement, Chloé ne voit pas les touches. Mais elle n’en a pas besoin. Vous n’avez qu’à lui demander de trouver un do sur le clavier pour en avoir le cœur net. « Elle se repère avec les feintes, explique Bénédicte Chaine. Elle fait tout à l’oreille. »

Pour apprendre un morceau, « la partition, c’est Bénédicte », lance Chloé. Elle écoute Bénédicte, reproduit, puis « on corrige ensemble ».

Le solfège est oral. « On tape le rythme, on compte les temps, on chante les notes. » Pour qu’elle puisse s’entraîner à la maison, Bénédicte réalise des vidéos.

Chloé a la chance d’être équipée d’une tablette, avec synthèse vocale. « De cette manière, je peux aussi lui donner un coup de main », glisse Anne-Sophie.

« On ne se pose pas de limites »

Cette méthode, très personnalisée, a permis à Chloé d’aller « plus loin », très rapidement. Après Vois sur ton chemin, choisi par la jeune fille, Bénédicte a misé sur des morceaux avec des déplacements et des rythmes complexes. « On ne se pose pas de limites pour surpasser les siennes », se réjouit-elle.

Après seulement quelques mois de pratique, Chloé a participé à son premier concours international, fin mars. « Elle est repartie avec un premier prix. » Avant les vacances, elle a passé une audition pour entrer dans une classe cham, l’an prochain, à Nantes. Elle a présenté Fiesta, de William Gillock. « On voulait montrer qu’elle pouvait jouer un morceau d’un tel niveau, malgré son handicap », souligne la professeure. Les résultats ne sont pas encore tombés, mais elle aura le mérite d’avoir tenté sa chance, comme tout autre enfant motivé.

« On ne dit pas que nos enfants peuvent tout faire comme tout le monde, mais on peut adapter. Avec de la volonté et de la motivation, on peut trouver des solutions », conclut sa maman.

Source OUEST FRANCE.

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