Prise en charge des personnes âgées dépendantes : pas d’impôt supplémentaire, promet Agnès Buzyn. Ehpad 1850 euros de reste à charge pour les familles… !

La population française comptera trois fois plus de personnes de plus de 85 ans en 2050 : un rapport très attendu sera remis au gouvernement ce jeudi, avec des propositions pour faire face à ce choc démographique et mieux prendre en charge le grand âge.

La ministre de la Santé a promis qu’aucun impôt supplémentaire ne sera créé dans ce sens.

La population française comptera trois fois plus de personnes de plus de 85 ans en 2050 (photo d'illustration).

Le président du haut-conseil de financement la Sécurité sociale, Dominique Libault, doit remettre ce jeudi en fin de matinée à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, son rapport sur la dépendance, immense chantier qui doit faire l’objet d’une réforme fin 2019. Le rapport, élaboré à l’issue de plusieurs mois de concertation, émet une série de propositions visant à améliorer la prise en charge des personnes en perte d’autonomie.

La réforme de la dépendance devra être accompagnée d’un « financement public », mais sans créer « un impôt supplémentaire », a affirmé ce jeudi la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn. « Il n’y aura pas un impôt supplémentaire, c’est une porte qui est clairement fermée », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse organisée par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis).

Inquiétude qui remonte du grand débat

« Une très forte inquiétude des Français sur cette question remonte du grand débat », notamment chez les retraités qui jugent leurs pensions « insuffisantes pour prendre en charge leurs aînés », a-t-elle souligné. Mais la ministre a aussi soulevé qu’« il y a une expression claire sur le fait qu’il faut baisser les prélèvements obligatoires et les impôts ».

Ce qui complique l’équation financière de la future réforme, dont le coût est estimé à 10 milliards d’euros par an en 2030. Une somme censée répondre à l’explosion des besoins: les plus de 85 ans seront 4,8 millions en 2050, soit trois fois plus qu’aujourd’hui.

« Pour moi ça doit être un financement public (…) dans le cadre de la protection sociale », a-t-elle indiqué. « Je ne vois pas comment nous pourrions proposer plus d’impôts », donc « nous devrons travailler un peu plus », a-t-elle ajouté, « sauf à réduire les dépenses sociales, mais je ne vois pas lesquelles ».

Depuis deux semaines, le gouvernement a avancé la piste d’un allongement de la durée du travail pour financer la dépendance, indépendamment de la réforme des retraites attendue cet été, qui maintiendra l’âge légal de départ à 62 ans.

L’arrivée des générations nombreuses du baby boom dans le grand âge à partir de 2030 change en effet la donne. Pour la première fois, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans en France en 2030. Les 85 ans et plus vont voir leur nombre exploser, passant à 4,8 millions en 2050.

Structures insuffisantes

Face à ce vieillissement massif, les structures sont insuffisantes : établissements saturés, personnels sous-payés et épuisés, au point que le secteur peine à recruter, en institution comme dans l’aide à domicile. 63 % des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) disent avoir au moins un poste non pourvu depuis 6 mois ou plus.

Dominique Libault, ex-conseiller de Simone Veil, ancien directeur de la Sécurité sociale, a consulté tous azimuts pendant plusieurs mois pour construire son rapport. Les acteurs du secteur ont participé à dix groupes de travail et plus de 400 000 personnes ont contribué en ligne.

Au-delà des besoins de financement de la dépendance, estimés autour de 10 milliards d’euros supplémentaires par an à l’horizon 2030, il s’agit de choix de société. « Les Français souhaitent massivement rester chez eux », relève Marie-Anne Montchamp, qui préside la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

21 % des plus de 85 ans résident en Ehpad

Pourtant, la proportion de personnes âgées vivant en institution en France est une des plus élevées d’Europe : 21 % des plus de 85 ans résident en Ehpad. (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), dont l’image n’a cessé de se détériorer.

Le système est aussi trop binaire, entre institution et domicile. Entre l’Ehpad (600 000 places) et le domicile existent déjà des solutions alternatives, comme les résidences autonomie (110 000 places) ou les résidences services seniors (50 000).

Les Ehpad sont appelés à se transformer, en s’ouvrant davantage sur l’extérieur, en partageant par exemple la cantine avec un collège, les locaux avec une crèche. Ils pourraient aussi devenir « centres de ressources » pour la population âgée avoisinante qui pourrait y trouver des soins, un hébergement temporaire pour soulager les aidants.

Ehpad « hors les murs »

On parle beaucoup d’« Ehpad hors les murs », « Ehpad à domicile », pour que les personnes même dépendantes puissent rester chez elles tout en bénéficiant de soins, d’accompagnement à la fin de vie, d’aide à la vie quotidienne, etc.

Mais là aussi, il faut des personnels formés en nombre. Or, le secteur est en crise et peu attractif. Les écoles d’aides-soignants ne font pas le plein. Toutes les parties prenantes soulignent l’urgence d’une revalorisation des carrières et des salaires.

1850 euros de reste à charge pour les familles

En établissement, le reste à charge pour les familles reste important, autour de 1 850 euros par mois en moyenne, pour des services souvent jugés insuffisants : repas médiocres servis au lance-pierre, toilettes expédiées faute de temps, rythme des personnes âgées non respecté…

Le rapport devrait proposer une simplification du système avec une nouvelle prestation autonomie fusionnant dépendance et soins. L’APA (allocation personnalisée d’autonomie) serait remplacée par une « prestation autonomie établissement » dégressive selon le revenu.

Les sujets les plus délicats, comme le financement et sa répartition entre les départements, l’Assurance maladie et les familles, feront certainement l’objet d’arbitrages au plus haut niveau. Difficile en effet de créer un nouveau prélèvement alors que la crise des gilets jaunes a marqué le ras-le-bol fiscal des Français.

Source OUEST FRANCE.

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