Près de Paris, un hôpital possède une unité pour aider les femmes battues à soigner leurs traumatismes…

À l’hôpital d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, une unité spécialisée soigne les traumas des femmes victimes de violences conjugales pour les aider à « ne plus se sentir coupable » et à « retrouver leur féminité ».

Près de Paris, un hôpital possède une unité pour aider les femmes battues à soigner leurs traumatismes

« J’ai vécu 30 années de calvaire, ça fait deux ans que j’ai été sauvée d’un presque féminicide et me voici devant vous, résiliente et militante », lance Lynda au groupe de parole, installé à l’hôpital Robert-Ballanger.

Une fois par mois, des femmes aux profils différents se retrouvent au sein de l’Unité spécialisée d’accompagnement du psychotraumatisme (Usap) pour « poser des mots sur les maux », explique une fonctionnaire de police victime de trois compagnons violents.

Ce jour-là, en écho au Grenelle contre les violences conjugales, 18 femmes partagent leurs récits autour d’une table sur laquelle une boîte de mouchoirs côtoie une théière encore fumante et des madeleines.« Mon mari m’a dit « si tu vas voir la police, tu ne seras plus ma femme et ce n’est pas une gifle qui fait de moi un homme violent«  », raconte Ariane.

Marie*, éducatrice, est « fâchée avec la police ». « Je n’ai plus d’énergie à me battre avec l’administration. Un policier a refusé ma main courante. « Il y en a 200 des comme vous« , a-t-il dit ». La jeune femme se « débrouille seule » et lorsqu’elle est en danger, elle prend son « sac de secours » et dort à l’hôtel.

Ce groupe de parole permet de sortir « les femmes de l’isolement », explique Fatima Le Griguer-Atig, fondatrice de l’unité qui fait partie des 10 sites pilotes choisis par le ministère de la Santé pour la prise en charge du psychotraumatisme.

Pour Muriel Salmona, psychiatre, « les violences subies ont de multiples conséquences sur la santé psychique et physique des individus. Elles sont à l’origine du développement de comportements à risques, d’échec scolaire, de pathologies somatiques, de suicides ».

« La prise en charge la plus précoce possible des victimes de violences constitue un enjeu majeur de santé publique, en plus d’un enjeu médico-économique non négligeable », souligne Mme Salmona.

Culpabilité

Nora était mariée à « un homme alcoolique » et a subi des violences pendant plus de 15 ans qui ont détruit sa famille. Un jour, « ma fille m’a dit qu’elle en avait marre de mettre des écouteurs pour ne pas entendre les coups », raconte l’hôtesse d’accueil. Quelques années plus tard, son fils se suicide. Depuis, elle vit avec un « sentiment de culpabilité », confie Nora en larmes devant le groupe de parole.

Elle est suivie par l’un des cinq psychologues de l’Usap. Ils interviennent aussi aux urgences, où « les femmes viennent pour des lésions » ou en gynécologie. « La grossesse est un moment déclencheur de violence », explique Mme Griguer-Atig.

La psychologue regrette qu’« on parle très peu de la santé » dans le Grenelle contre les violences conjugales lancé début septembre.

Lors des thérapies de groupe ou en individuel, la clinicienne constate qu’ « il y a des parcours de vie difficiles, des antécédents de violences intra-familiales ». Ces femmes « n’ont jamais parlé de leur histoire traumatique et donc il y a des choses qui se rejouent et c’est le rôle du milieu médical de proposer un accompagnement spécifique ».

Au sein de l’unité, des thérapeutes spécialisés assurent aussi des séances d’hypnose, des ateliers de peinture sensorielle ou encore la technique de désensibilisation dite EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) qui consiste à « reprogrammer » le cerveau par des mouvements oculaires.

Ces différentes thérapies « permettent à ces femmes de se renarcissiser » après avoir « été dévalorisées », explique Fatima Le Griguer-Atig. Ces femmes « se réapproprient leur enveloppe psychique et physique ».Suivie depuis plus de deux ans à l’Usap, Lynda, 32 ans, a effectué « plusieurs séances de EMDR ».

Son ex-mari a tenté de la tuer et vient de sortir de prison. « Je suis allée chercher mes blessures dans mon enfance », explique cette mère de trois enfants. « J’ai pris conscience que ce que je subissais dans mon couple n’était pas normal ». Elle finit par se convaincre qu’elle n’est « pas coupable ». « Je retrouve ma féminité et ma confiance en moi ».

Source OUEST FRANCE.

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