Pourquoi le terme « boomer » fait polémique ?…

Personne âgée, réticente au changement ou rétrograde… Selon son utilisation, le terme « boomer » peut poser problème.

Pourquoi le terme « boomer » fait polémique

 

  • Dans une série de visuels publiés sur Twitter, EELV a donné des exemples de supposés adversaires de l’écologie pour inciter ses propres sympathisants à aller voter. Sur l’une des images, retirée depuis, figuraient des personnes âgées souriant et le slogan : « Les boomers, eux, ont prévu d’aller voter ».
  • De nombreuses personnalités ont réagi, dénonçant une campagne discriminatoire envers les personnes âgées.
  • Initialement utilisé pour parler de la génération du baby-boom, soit les personnes nées entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin des années 60, le terme « boomers » qualifie désormais ceux qui sont réticents au changement, voire rétrogrades.

Une affiche qui s’est attiré de nombreuses critiques. Julien Bayou, candidat à la présidence de la région Ile-de-France et patron d’EELV, a dévoilé une série de visuels sur Twitter déclinant les exemples de supposés adversaires de l’écologie pour inciter ses propres sympathisants à aller voter. Sur l’une des images, retirée, figuraient des personnes âgées souriant et le slogan :  « Les boomers, eux, ont prévu d’aller voter. »

Le candidat francilien a reconnu une « erreur », qualifiant ce visuel de « maladroit et blessant ». Malgré ses excuses, le parti écologiste s’est attiré les foudres de nombreuses personnalités politiques, qui ont dénoncé une forme de discrimination. Pourquoi le terme de « boomer » fait-il autant polémique ?

Un mot, plusieurs définitions

Première question, et qui n’est pas forcément des plus simples : à quoi le terme « boomer » fait-il exactement référence ? Selon la définition de base, les « boomers » sont les enfants du « baby-boom », c’est-à-dire les personnes nées entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin des années 1960, qui ont donc aujourd’hui entre 55 et 75 ans. Mais sa signification a évolué ces dernières années. C’est une vidéo publiée sur le réseau social TikTok qui a révélé l’expression « OK Boomer ». On y voit un homme âgé déclarer que les « millénials et la génération Z sont atteints du syndrome de Peter Pan, refusent de grandir et pensent que les idéaux utopiques qui ont bercé leur jeunesse vont d’une manière ou d’une autre se réaliser à l’âge adulte ».

L’expression se popularise encore plus fin 2019 lorsqu’elle est employée par une députée néo-zélandaise écologiste de 25 ans, Chloë Swarbrick, moquée par un collègue sur son âge durant une prise de parole au Parlement. « On a emprunté ce terme à la langue anglaise. Initialement, il désigne une génération, les personnes nées après la Seconde Guerre mondiale. Désormais, il désigne davantage un état d’esprit, ceux qui ne sont pas en accord avec des idées plus récentes, plus innovantes, qui ne veulent pas faire bouger les choses », explique Auphélie Ferreira, doctorante et enseignante en linguistique à l’université Sorbonne-Nouvelle.

Agisme et idées reçues, bonjour

Si sa signification a légèrement évolué, le terme « boomer » reste néanmoins associé à une catégorie de la population, les plus âgées, entraînant une certaine stigmatisation, selon Jean-François Amadieu, sociologue spécialiste des discriminations. Pour le chercheur, le fait de désigner quelqu’un comme étant lié à son âge pose problème : « Ce terme donne une vision stéréotypée des baby-boomers. On associe aux personnes âgées des idées dépassées, rétrogrades, des caractéristiques négatives. A l’inverse, on associe la jeunesse à quelque chose de positif, de dynamique », analyse Jean-François Amadieu. « On utilise ce terme pour dévaloriser les seniors par rapport aux plus jeunes, c’est une forme de discrimination, d’âgisme », ajoute-t-il.

Les seniors ne sont donc pas tous des « boomers » ? Pas forcément, selon Auphélie Ferreira, qui évoque une évolution du sens en fonction du contexte. « Comme la majorité des autres mots de la langue française, ce terme a deux significations qui se superposent, il évolue en fonction du contexte dans lequel il est utilisé. » « Une personne de 80 ans est une boomer, au sens où elle est née après la Seconde Guerre mondiale. Mais si on entend ce terme dans son sens nouveau, il y a des personnes âgées dans l’air du temps, qui prennent part aux débats actuels. Ce n’est pas parce qu’une personne a 80 ans qu’elle ne peut pas être moderne », décrypte la linguiste.

Pour Jean-François Amadieu, cette association d’idées est très souvent répandue sans être forcément justifiée : «Dans le domaine de l’emploi, la question de l’âge est dramatique. On considère que les seniors ne sont pas bankables, qu’ils ne peuvent pas être créatifs, qu’ils ne sauront pas vendre au client. En réalité, c’est faux. Rien ne prouve que les seniors ne sont pas innovants », indique-t-il.

La hache de guerre entre les générations bientôt enterrée ?

L’expression « boomer » dans sa nouvelle acception serait également (et peut-être surtout) révélatrice d’une opposition entre les générations : « On considère que les boomers font partie d’une génération privilégiée, qui a connu des années de croissance, qui a pu acheter des biens, qui s’est constitué un patrimoine, qui n’a pas connu le chômage », avance le sociologue. Si la génération de boomers a joui « d’une bonne qualité de vie », la jeune génération, elle, doit faire face à la hausse du chômage ou à l’accélération du changement climatique.

Et pour une partie de la jeune génération, notamment celle qui milite pour le climat, la génération de « boomers » aurait une part de responsabilité dans le réchauffement climatique. « On les accuse d’avoir fait des mauvais choix en termes d’écologie. C’est une génération qui a mauvaise presse, elle est tenue pour responsable, mais c’est une accusation injuste, les seniors n’ont pas de responsabilité personnelle ni dans le changement climatique, ni dans le chômage ou la qualité de vie », estime Jean-François Amadieu.

Si les seniors étaient souvent associés à des idées rétrogrades ou à une certaine opposition au changement, la tendance pourrait s’inverser. « Cet âgisme brutal est en train d’être dépassé », avance le sociologue, prenant l’exemple du succès de Bernie Sanders ou de Joe Biden aux Etats-Unis auprès des jeunes générations. « Il y a un basculement. On aurait pu penser que Justin Trudeau ou Emmanuel Macron seraient de nouveaux modèles, mais l’exemple nord-américain montre que ce n’est pas si simple ».

Source 20 MINUTES.

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