PORTRAIT. Depuis son fauteuil, Philousports chambre les sportifs…

Sur Twitter, il s’amuse à brocarder le monde du sport.

Avec 250 000 abonnés, son compte est l’un des plus en vue du réseau social.

Son propriétaire Philippe, 49 ans, vit en fauteuil roulant.

Atteint de myopathie, Philippe, alias Philousports, est relié par trachéotomie à un appareil de respiration artificielle. Depuis sa chambre au Cap Corse, il alimente son compte Twitter, suivi par plus de 250 000 personnes.

 

De rares rayons de soleil percent les nuages épais. Ils traversent la fenêtre d’une chambre à Pietracorbara, au Cap Corse. Elle appartient à un homme de 49 ans, « enfin 17 dans la tête et 100 dans les jambes ». Dix-sept ans pour la légèreté de son compte Twitter : @Philousports, suivi par plus de 250 000 personnes. Cent ans, pour sa maladie.

Une voix à la Dark Vador

Philippe (il ne souhaite pas rendre public son nom complet) est myélopathe, une pathologie génétique qui abîme la gaine de sa moelle épinière. Sur un fauteuil depuis ses 9 ans, il est relié par trachéotomie à un appareil de respiration artificielle.

Pour lui, chaque mot est une douleur. Il les distille par poignée de quatre ou cinq. Sa voix est faible, basse, enrouée, roque, gutturale, quasi métallique, mais aussi chantante, provençale, pénétrante, profonde. Il la décrit comme celle de « Dark Vador ». Certes, mais Dark Vador avec l’accent de Provence alors, celui qui sent le soleil, les oliviers et la mer Méditerranée.

« Je dormais sur la canapé du salon »

C’est à Marseille, dans le quartier populaire de la Rose Sauvagine, que Philippe vient au monde. Il n’a pas 10 ans lorsque son père, auquel il s’identifie tant, décède. Sa mère boit. Beaucoup. Trop. Il lui arrive de rouer son fils de coups. « Je me sentais coupable alors que j’étais victime. » L’enfance de Philou est ponctuée de manques. « En Normandie (où il a déménagé à 9 ans), je dormais dans le canapé du salon. » Aujourd’hui, il rattrape le temps perdu dans sa chambre.

Entrer dans ce lieu, c’est découvrir un musée d’une quinzaine de mètres carrés, où se mêlent deux univers. Il y a le sport, passion viscérale. Les maillots et ballons trônent par dizaines. Les crampons jaune fluo du footballeur belge Michy Batshuayi, offerts lors de son passage à l’Olympique de Marseille, attirent l’œil.

L’épopée de l’OM

Ce club a fait basculer l’existence de Philippe. En 1993, il habite dans un appartement à Aubagne. Avec le voisin du dessus, Jean-François, la vingtaine également, ils regardent l’épopée de l’OM jusqu’au sacre en Ligue des champions. « Puis, nous sommes allés au stade Vélodrome ensemble. »

Le courant passe aussi avec Laurence, la compagne de Jean-François. À la fin des années 1990, le couple attend une petite fille. Il cherche un toit plus grand. Et décide d’y accueillir Philippe, alors seul, après le départ de sa sœur. « Une évidence », selon ces gens simples, merveilleusement simples.

« Je crois au destin »

Ils déménagent ensemble au Cap Corse en 2014 et forment une « famille ». Jean-François le dit : « Philippe est comme un frère. » Ciara, sa fille, ajoute : « Je peux lui dire des choses que je ne dirais pas à mes parents. »

L’autre univers du sanctuaire de Philippe est celui des jeux vidéo, incarnés par les portraits de héros virtuels, telle Zelda. « Mon premier amour », sourit Philippe, casquette Bugs Bunny sur le crâne. Jusqu’à ses 40 ans, il était un geek, accro à la console, « programmé pour toucher 950 € par mois d’aides ». En avril 2011, le réseau Playstation est piraté. Philippe s’inscrit sur Twitter, à la recherche d’informations. « J’ouvre la page et je me dis : « C’est quoi ce bordel ? » ».

« Twitter, une petite drogue »

Depuis, @philousports a apprivoisé le double visage « bienveillant » et « impitoyable » du réseau social. Devant sa TV de 163 cm de long, interpeller, vanner, raconter, en 280 caractères, est devenu comme « une petite drogue ».

En 2020, Philou a surtout disserté sur l’OM et le coronavirus, mais a aussi fait profiter ses fidèles de ses partenariats avec PMU ou Boulanger, et lancé un appel aux dons pour le Téléthon. Avec auto-dérision, toujours. Un exemple parmi des dizaines : « Mon atout séduction ? Faire zéro minute d’attente à Disney. »

Quasi quinqua, Philou incarne le « tonton bienveillant » de cette « famille » virtuelle. Elle le lui rend bien. En 2016, Philou tweete son ras-le-bol face aux démarches pour obtenir un fauteuil électrique. Avec Lawrence Leenhardt, journaliste à L’Équipe, il lance une cagnotte en ligne. « Ça paiera une roue », lui dit-il alors.

Il y repense, aujourd’hui. Ses yeux bleu-gris brillent : « En quatre jours, il y avait 15 000 €… Magique ! Mais je n’ai pas compris. Pourquoi moi ? ! » Le syndrome de l’imposteur. « Je ne comprends pas que… les gens puissent m’aimer, en fait. »

« Dans les moments noirs, je me reboote »

Un tourment moral qui se mêle à une souffrance physique continue, liée à sa maladie. Quand la douleur est trop intense, Philou ferme Twitter. « Dans les moments vraiment noirs, je me reboote. » Reboote ? « Je débranche mon appareil respiratoire. Trente secondes, une minute. Quand je le remets, la première inspiration fait du bien… Un shoot de vie. »

Cette détresse passagère de Philippe, Philousports ne l’aborde jamais sur Twitter. « Si je le dis, je vais perdre mon temps, et je n’en ai pas beaucoup. Je crois au karma, au destin. Si, dans ma vie, je suis handicapé, il y a une raison… » Laquelle ? «  Montrer aux jeunes handicapés qu’ils peuvent réussir. »

De rares rayons de soleil percent les nuages épais. Ils traversent la fenêtre d’une chambre à Pietracorbara, au Cap Corse. Elle appartient à un homme de 49 ans, « enfin 17 dans la tête et 100 dans les jambes ». Dix-sept ans pour la légèreté de son compte Twitter : @Philousports, suivi par plus de 250 000 personnes. Cent ans, pour sa maladie.

Une voix à la Dark Vador

Philippe (il ne souhaite pas rendre public son nom complet) est myélopathe, une pathologie génétique qui abîme la gaine de sa moelle épinière. Sur un fauteuil depuis ses 9 ans, il est relié par trachéotomie à un appareil de respiration artificielle.

Pour lui, chaque mot est une douleur. Il les distille par poignée de quatre ou cinq. Sa voix est faible, basse, enrouée, roque, gutturale, quasi métallique, mais aussi chantante, provençale, pénétrante, profonde. Il la décrit comme celle de « Dark Vador ». Certes, mais Dark Vador avec l’accent de Provence alors, celui qui sent le soleil, les oliviers et la mer Méditerranée.

« Je dormais sur la canapé du salon »

C’est à Marseille, dans le quartier populaire de la Rose Sauvagine, que Philippe vient au monde. Il n’a pas 10 ans lorsque son père, auquel il s’identifie tant, décède. Sa mère boit. Beaucoup. Trop. Il lui arrive de rouer son fils de coups. « Je me sentais coupable alors que j’étais victime. » L’enfance de Philou est ponctuée de manques. « En Normandie (où il a déménagé à 9 ans), je dormais dans le canapé du salon. » Aujourd’hui, il rattrape le temps perdu dans sa chambre.

Entrer dans ce lieu, c’est découvrir un musée d’une quinzaine de mètres carrés, où se mêlent deux univers. Il y a le sport, passion viscérale. Les maillots et ballons trônent par dizaines. Les crampons jaune fluo du footballeur belge Michy Batshuayi, offerts lors de son passage à l’Olympique de Marseille, attirent l’œil.

L’épopée de l’OM

Ce club a fait basculer l’existence de Philippe. En 1993, il habite dans un appartement à Aubagne. Avec le voisin du dessus, Jean-François, la vingtaine également, ils regardent l’épopée de l’OM jusqu’au sacre en Ligue des champions. « Puis, nous sommes allés au stade Vélodrome ensemble. »

Le courant passe aussi avec Laurence, la compagne de Jean-François. À la fin des années 1990, le couple attend une petite fille. Il cherche un toit plus grand. Et décide d’y accueillir Philippe, alors seul, après le départ de sa sœur. « Une évidence », selon ces gens simples, merveilleusement simples.

« Je crois au destin »

Ils déménagent ensemble au Cap Corse en 2014 et forment une « famille ». Jean-François le dit : « Philippe est comme un frère. » Ciara, sa fille, ajoute : « Je peux lui dire des choses que je ne dirais pas à mes parents. »

L’autre univers du sanctuaire de Philippe est celui des jeux vidéo, incarnés par les portraits de héros virtuels, telle Zelda. « Mon premier amour », sourit Philippe, casquette Bugs Bunny sur le crâne. Jusqu’à ses 40 ans, il était un geek, accro à la console, « programmé pour toucher 950 € par mois d’aides ». En avril 2011, le réseau Playstation est piraté. Philippe s’inscrit sur Twitter, à la recherche d’informations. « J’ouvre la page et je me dis : « C’est quoi ce bordel ? » ».

« Twitter, une petite drogue »

Depuis, @philousports a apprivoisé le double visage « bienveillant » et « impitoyable » du réseau social. Devant sa TV de 163 cm de long, interpeller, vanner, raconter, en 280 caractères, est devenu comme « une petite drogue ».

En 2020, Philou a surtout disserté sur l’OM et le coronavirus, mais a aussi fait profiter ses fidèles de ses partenariats avec PMU ou Boulanger, et lancé un appel aux dons pour le Téléthon. Avec auto-dérision, toujours. Un exemple parmi des dizaines : « Mon atout séduction ? Faire zéro minute d’attente à Disney. »

Quasi quinqua, Philou incarne le « tonton bienveillant » de cette « famille » virtuelle. Elle le lui rend bien. En 2016, Philou tweete son ras-le-bol face aux démarches pour obtenir un fauteuil électrique. Avec Lawrence Leenhardt, journaliste à L’Équipe, il lance une cagnotte en ligne. « Ça paiera une roue », lui dit-il alors.

Il y repense, aujourd’hui. Ses yeux bleu-gris brillent : « En quatre jours, il y avait 15 000 €… Magique ! Mais je n’ai pas compris. Pourquoi moi ? ! » Le syndrome de l’imposteur. « Je ne comprends pas que… les gens puissent m’aimer, en fait. »

« Dans les moments noirs, je me reboote »

Un tourment moral qui se mêle à une souffrance physique continue, liée à sa maladie. Quand la douleur est trop intense, Philou ferme Twitter. « Dans les moments vraiment noirs, je me reboote. » Reboote ? « Je débranche mon appareil respiratoire. Trente secondes, une minute. Quand je le remets, la première inspiration fait du bien… Un shoot de vie. »

Cette détresse passagère de Philippe, Philousports ne l’aborde jamais sur Twitter. « Si je le dis, je vais perdre mon temps, et je n’en ai pas beaucoup. Je crois au karma, au destin. Si, dans ma vie, je suis handicapé, il y a une raison… » Laquelle ? «  Montrer aux jeunes handicapés qu’ils peuvent réussir. »

Source OUEST FRANCE.

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